C'est la première fois depuis l'élimination physique de Ben Laden que l'Occident se réveille sous le choc d'un attentat terroriste de la même ampleur que celui de Madrid en 2004. Mais cette fois-ci, ce ne sont pas les extrémistes islamistes d'Al Qaïda qui sont à l'origine de cet acte ignominieux par lequel la Norvège, pays jusque-là à l'abri des tourments du terrorisme et dont la courbe des événements fâcheux est demeurée plate depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, s'est réveillée face à l'horreur de dizaines de cadavres d'enfants et d'adultes massacrés au fusil mitrailleur et à l'attentat à la bombe. La Norvège était encore en état de choc, incapable de digérer une telle réalité, celle qui déplace l'axe de la violence terroriste dans ce pays paisible de la menace potentielle du terrorisme islamiste vers le passage à l'acte réel et concret d'un homme seul issu de l'extrême droite, connu pour son intolérance xénophobe et ses opinions antimusulmanes. Une charge explosive de forte amplitude produit une forte déflagration au cœur de la capitale norvégienne, Oslo. Quelques heures plus tard, un homme d'origine norvégienne, déguisé en agent de police, se met à tirer, à l'arme automatique, sur des adolescents âgés entre 14 et 15 ans, alors installés en camp d'été dans l'île d'Utøya. Sans être définitif, le bilan humain est déjà très important. Il s'agit, pour le seul camp d'été de 84 morts et de sept victimes de l'attentat à la bombe, toujours selon les chiffres immédiatement recueillis après les faits. Soit pas moins de 91 morts dans le bilan d'un acte terroriste isolé, dont l'auteur avait froidement calculé et prémédité son fait. Immédiatement après les faits, dans un pays comme la Norvège, et face à un tel carnage, n'importe quelle lecture instantanée aurait privilégié la piste d'Al Qaïda. Tout de suite, vu l'ampleur des dégâts, les enquêteurs pensèrent à Al Qaïda ou un autre groupe terroriste connu. «Sûrement pas» disait Eva Joly vendredi soir déjà. Pour elle, les hommes de Ben Laden n'auraient jamais su pour Utøya. Quelques heures après, la police norvégienne arrêta Anders Behring Breivik, un Norvégien de 32 ans, sympathisant de l'extrême droite et anti-islamiste, peu connu de la police, mais possédant plusieurs armes. La police le décrit ainsi : froid comme un glaçon. Sur les réseaux sociaux, il s'est plusieurs fois exprimé sur ses opinions extrêmes. Sans éveiller l'attention. Le meurtrier voulait tuer le plus de personnes possible Là, il a froidement ouvert le feu et tiré sur le plus de jeunes possible, aussi ceux qui tentaient de s'échapper à la nage. Les deux actions parallèles devaient tuer le plus possible. Mais c'était un vendredi, et beaucoup de gens avaient déjà quitté leurs bureaux. On n'ose pas imaginer le carnage si la bombe avait explosé un jour de semaine. «Tout le monde a entendu l'explosion. Personnellement, je venais de quitter ce même quartier. Et comme beaucoup de gens, je croyais que c'était un orage qui éclatait. Une bombe ? Impossible. Pas à Oslo, pas en Norvège, jusqu'ici complètement épargnée par le terrorisme. Naïvement, je croyais comme les autres que ce n'était pas possible. La Norvège est un petit pays, qui n'a pas encore 5 millions d'habitants. Connu pour un travail inlassable pour la paix, notamment avec le prix Nobel.» «Le ou les terroristes ne vont pas nous détruire. Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d'ouverture et de tolérance » dit Jens Stoltenberg, très marqué. Le Premier ministre connaissait certaines victimes personnellement, et devait prononcer un discours devant les jeunes d'Utøya aujourd'hui. Hier était la journée la plus dramatique de l'histoire de la Norvège depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais c'était encore pire de se réveiller ce samedi matin, et d'apprendre que Behring Breivik avait réussi à tuer 84 jeunes dans sa folie. Une folie froide et calculée. Encore plus terrifiante.