Trois syndicalistes et des officiers des douanes d'Annaba ont décidé de briser l'omerta de rigueur dans les activités de leurs corps. Ils ont été excédés par le silence coupable, voire la complicité des responsables de la direction de wilaya et celle régionale. Comme ils ont été choqués par le contenu de la correspondance du directeur régional adressée à sa tutelle à Alger quant aux tenants et aboutissants de l'affaire de contrebande des 800 cartouches de cigarettes. Dans leurs écrits et déclarations, ils ont estimé que plusieurs grosses affaires de contrebande ont secoué ces deux dernières années les douanes algériennes à Annaba où sont relevées quotidiennement de graves carences et irrégularités dans les activités douanières. L'une d'elles a permis à un opérateur économique tunisien de transformer le poste frontalier maritime d'Annaba en une passoire. Ainsi, au gré du bakchich qu'il versait, il a pu faire entrer en Algérie 150 conteneurs chargés d'équipements électroménagers et informatiques en évitant le fisc algérien. Les mêmes syndicalistes et officiers ont dénoncé le trafic de vrais titres de passage de douanes (TPD) du port de Annaba pour de fausses sorties de vieilles voitures à destination de Marseille. Fantômes au départ, ces tacots se matérialisent à leur retour à Annaba en plus récentes avec la complicité d'un préposé au système informatique de gestion des douanes. A ce niveau, depuis des années, un seul et unique liquidateur assure quotidiennement la liquidation d'une quarantaine de déclarations alors que seules 2 ou 3/jour sont réalisées lorsqu'il s'agit de produits importés non soumis à la taxe douanière. A Annaba, les langues se délient et la révolte des douaniers est de plus en plus visible. Il est même question de mesures d'intimidation qu'appliqueraient certains responsables se prévalant d'un lien de parenté avec des commis de l'Etat. C'est ce qu'envisagent de dénoncer les officiers, brigadiers et agents de douane qui se disent prêts à témoigner devant une commission d'enquête pour peu qu'elle soit dépêchée par la Direction générale des douanes. «Preuves à l'appui, nous sommes disposés à éclairer les membres d'une commission d'enquête de haut niveau sur les nombreuses atteintes à l'économie nationale dont se sont rendus coupables certains de nos responsables locaux », ont-ils déclaré. Tous ces scandales et bien d'autres révèlent d'incroyables incompétences dans la gestion de nos frontières terrestre, maritime et aérienne à l'est du pays. Bon nombre affaires similaires portant atteinte à notre économie confortent tout un chacun dans l'idée qu'un autre épisode est en train de s'écrire sur la vénalité dans le milieu des douanes de Annaba. Elles s'ajoutent aux précédentes dont ces mêmes colonnes se sont faites récemment l'écho. Les 150 conteneurs sortis du port d'Annaba ont été déchargés et déposés sur le quai à conteneurs. Celui-ci est situé à quelques dizaines de mètres de la direction de wilaya des douanes et de différents postes de surveillance. Tout en se demandant si plusieurs de ces conteneurs ne contenaient pas des armes, les mêmes sources précisent que la plupart étaient chargés de produits prohibés, de pneus réchappés et d'équipements informatiques ou électroménagers contrefaits. Il est précisé que cette position de frontière passoire du port et de l'aéroport d'Annaba résulte de complicités bien placées dans les rouages de cette administration de l'Etat. Elle est pour beaucoup dans la généralisation des opérations de contrebande et de trafics divers à Annaba. Affirmant que l'inspecteur principal chargé des deux postes frontaliers aérien et maritime d'Annaba est également, par la force de combine avec l'Union de wilaya UGTA, le secrétaire général du syndicat local des douanes, les syndicalistes et les officiers de douanes pointent également un doigt accusateur sur d'autres responsables au contrôle des opérations commerciales et à la lutte contre la fraude. Les deux affaires, celle du véhicule espace chargé de cartouches de cigarettes de marque algérienne sur le Tarik Ibn Ziad et celle des vrais TPD pour de faux embarquements de véhicules à destination de Marseille sont révélatrices. Il en existe beaucoup d'autres plus graves les unes que les autres que les cadres s'engagent à révéler aux membres de la commission d'enquête. Il est aussi question de pots de vin versés par les chefs de réseau de contrebande pour faire nommer leurs complices, majoritairement des inspecteurs principaux, à des postes stratégiques de contrôle aux frontières. Avec les abus de pouvoir caractérisés sur des subordonnés dont le seul tort est de refuser de s'acoquiner avec les membres des réseaux de contrebande, le pire est atteint. Le mal a dépassé le seuil du tolérable. Le goût du lucre, assurément l'une des choses les plus partagées, est matérialisé par le patrimoine personnel injustifié dont dispose certains chefs. C'est le cas pour ce qui est de la villa « maison blanche », d'une autre transformée en garçonnière à Zaafrania, de voitures haut de gamme, des dizaines de poids lourds à remorque, de show-room de véhicules neufs… qu'un douanier, quel que soit son grade, ne pourrait acquérir avec son seul salaire. L'on est en droit de se poser des questions sur la non-appliication de l'instruction de la DGD portant déclaration du patrimoine obligatoire pour tout douanier. Apparemment les dispositions de l'ordonnance présidentielle relative à la lutte contre la corruption ne s'appliquent pas au corps des douanes. Ce qui explique l'absence de réaction rigoureuse de certains responsables de douanes. Pour l'heure, ces derniers n'hésitent pas à « fermer l'œil » ou à limiter cette réaction à une plate procédure du « rapport détaillé à transmettre» même si ce dernier, généralement sans suite, est établi par les mis en cause. Tant et si bien qu'informée du rôle de plaque tournante de la contrebande et des trafics tous azimuts (y compris des armes et de la drogue) attribué à leur wilaya, la place publique annabie est en ébullition. Beaucoup de citoyens parlent de la nécessité pour l'Etat de recourir au coup de balai pour nettoyer les postes frontaliers du syndrome de la corruption dont sont atteints des principaux animateurs qui, sans être nombreux, font beaucoup de mal à l'économie du pays.