L'Europe s'est inquiétée récemment de la capacité de l'Algérie à honorer ses engagements internationaux en termes d'approvisionnent de gaz face aux événements en Tunisie et Lybie (baisse des exportations à travers le Transmed bien avant les sabotages récents du gazoduc en Tunisie), de l'importante consommation intérieure algérienne et du gaz non conventionnel qui bouleversera profondément durant les années à venir le paysage énergétique mondial. Cette inquiétude est-elle justifiée ? C'est l'objet de cette contribution qui engage la sécurité des deux rives de la Méditerranée, en remerciant mes amis de Sonatrach qui ont requis l'anonymat d'en avoir refait une lecture attentive. I) Le gaz et la coopération Algérie-Europe L'Algérie détient 2,37 % des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, contre 1 % pour le pétrole, selon certaines statistiques de janvier 2011, 12 milliards de barils selon la revue financière Gasoil, en tenant compte de l'entrée de nouveaux pays pétroliers, 1,5 % selon d'autres sources grâce aux techniques de récupération, ayant pompé ente 1962 et 2006 plus de 15 milliards de barils, soit plus que les réserves actuelles, mais récemment avec des coûts supérieurs à la moyenne des grands pays pétroliers. Pour le gaz, elle se classe à la dixième position avec des réserves mondiales. Elle est bien loin de la Russie, classée première, qui détient pas moins de 25,02 %, soit 47.570 milliards de mètres cubes des réserves mondiales, l'Iran, (15 %) le Qatar (10 %), le Turkménistan, l'Arabie saoudite, les Etats-Unis, les Emirats arabes unis, le Nigeria et le Venezuela. Les réserves de gaz naturel, qui étaient de 3.300 milliards de mètres cubes à la fin de l'année 1990, ont connu une hausse importante dès le début de la décennie 1990 avec les grandes découvertes faites parallèlement à celles du pétrole. Depuis le début de la décennie 2000, elles ont été consolidées, toujours selon la revue internationale Gasoil, à 4.500 milliards de mètres cubes au 1er janvier 2010 malgré les volumes énormes qui ont été consommées sur le marché national et les volumes exportés depuis 1970. L'Algérie fournit à l'Europe 25/30 % de ses besoins en gaz naturel, ce qui représente 70 % des exportations algériennes, étant le troisième fournisseur de gaz de l'Europe après la Russie et la Norvège, et ce, à travers tant les GNL que Medgaz et Transmed. Les principaux pays importateurs sont l'Italie, l'Espagne et la France. A titre de rappel, Medgaz est le troisième gazoduc algérien qui livre le gaz à l'Europe, avec le GME (gazoduc Maghreb-Europe qui transite par le Maroc et le détroit de Gibraltar). Medgaz compte comme actionnaires Sonatrach, majoritaire avec 36 %, les espagnols Cepsa Iberdrola Endesa et Gaz de France. Ces derniers ont signé des contrats d'achat de gaz avec Sonatrach pour un volume total de 5 milliards de mètres cubes annuellement. Sonatrach, au titre de sa quote-part, devra commercialiser 3 milliards de mètres cubes annuellement sur le marché espagnol via Medgaz à travers sa société implantée dans ce pays. On estime à 2 milliards de dollars annuellement les revenus en devises tirés par l'Algérie de Medgaz dans une première phase pour un volume d'exportation de 8 milliards de mètres cubes par an contre un coût de 28 milliards de dinars en monnaie locale et 148 millions d'euros en devises. Bien entendu, ce montant concerne le chiffre d'affaires et non le profit net de Sonatrach après retrait des charges, et si le prix de cession reste au même niveau des négociations de départ, soit 10 dollars le MBTU, ce qui n'est pas évident car dépendant de la durée de la bulle gazière et de la concurrence surtout de la Russie et le Qatar qui alimentent pour une fraction de leur production le marché spot sans préjuger avec l'embargo le cas de l'Iran. Un bas prix met en danger la rentabilité financière de ce projet au même titre que celui bien plus important du réseau Transméditerranéen (Transmed, aussi connu sous gazoduc Enrico Mattei, un pipeline de gaz naturel qui relie l'Algérie via la Tunisie à la Sicile et de là vers l'Italie) d'une capacité d'environ 30,2 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an ; il est prévu d'étendre cette capacité à 33,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an d'ici à 2012. La section algérienne est exploitée par l'Algérie et appartient à la société étatique Sonatrach, la section tunisienne est la propriété de Sotugat (Société tunisienne du gazoduc transtunisien) et exploité par Sergaz, la section à travers le canal de Sicile est exploité par TMPC, une joint-venture d'Eni et Sonatrach, et la section italienne est exploitée par Eni, filiale Snam Rete Gas. Son extension à travers le projet GALSI, d'une longueur de près de 900 km, dont 600 km offshore, doit acheminer le gaz naturel du gisement de gaz de Hassi R'mel (Algérie) vers l'Italie du Nord après avoir traversé la Sardaigne. Les études détaillées du tracé se sont achevées à l'été 2008. Le coût de cet investissement additionnel pour ce projet est estimé à 2 milliards d'euros, soit plus 2,8 milliards de dollars, au cours de 2011, dont 700 millions pour la section située en amont de la Sardaigne, sous réserve qu'il n'y ait pas de réévaluation. Le GALSI fait partie des projets de gazoduc pour la réalisation desquels la Commission européenne a débloqué 1,39 milliard d'euros dans le cadre du programme énergétique européen pour la relance. Pour GALSI, il convient de rappeler que la société a été constituée le 29 janvier 2003 à Milan, les actionnaires étant Sonatrach (Algérie, 41,6 %), Edison SPA (Italie, 20,8 %), Enel (Italie, 15,6 %), SFIRS (Italie, 11,6 %) et Trading Hera (Italie, 10,4 %). Dans les prévisions, GALSI devait exporter 40 milliards de mètres cubes gazeux en rappelant que les capacités de Transmed ont été augmentées en 2006 de 27 à 33 milliards de mètres cubes par an. Le GALSI fournira notamment 8 milliards de mètres cubes de gaz par an à l'Italie via la Sardaigne. Il était aussi prévu le raccordement de la Corse au gazoduc reliant l'Algérie à l'Italie. Le projet Cyrénée aurait pour objectif d'alimenter la Corse en gaz naturel à partir du projet de Gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie (GALSI), une canalisation de transport de gaz naturel reliant l'Algérie et la Toscane en Italie, en passant par la Sardaigne. (A suivre)