Présent à Alger dans le cadre du 16e Salon international du livre d'Alger (Sila) pour la présentation de son dernier opus Un Président de trop, alors que son ouvrage n'y était pas, Edwy Plenel n'y est pas allé par trente-six chemins pour fustiger samedi la politique de Nicolas Sarkozy. Affaires Karachi, Bettencourt, 4x4 furtif livré à Kadhafi en 2008, c'est à peine si l'auteur effleurera ces sujets qui fâchent outre-mer. Il regrettera durant sa conférence son absence de la scène médiatique française lors de l'élection présidentielle 2007. «J'étais dans le désert. Je n'avais aucune tribune pour faire valoir mon expertise de Sarkozy.» Une manière de souligner qu'il sera bien à la tête de son site d'information Médiapart, un acteur de premier plan pour les prochaines échéances électorales qui, d'ores et déjà, promettent un déballage d'affaires sans précédent. Réfutant les accusations dont semblent vouloir l'accabler certains hommes politiques français proches de Sarkozy impliqués dans ces affaires, le célèbre journaliste estime de son devoir de continuer à livrer à l'opinion publique française toutes les informations qui touchent à l'intérêt général. Il précisera d'ailleurs que «l'engagement du journaliste et du citoyen, dans une vraie démocratie se rejoignent, car tous les deux ont besoin de vérité des faits, d'informations et de liberté d'expression». S'agissant du monde arabe en ébullition, il mettra l'accent sur l'importance de la liberté de la presse dans le processus démocratique en cours. Pour lui, c'est incontestable : «L'un des piliers de la démocratie est la liberté de l'information et le droit de savoir des citoyens.» Revenant sur l'affaire Karachi, Plenel considère l'homme d'affaires Ziad Takieddine, mis en examen le 14 septembre dernier par la justice française pour «complicité et recel d'abus de bien sociaux» comme un témoin-clé dans la mesure où ce dernier estime être «missionné» par les plus hautes autorités françaises. Concernant le conflit libyen, l'ancien red'chef du Monde ne se gênera pas pour assimiler l'intervention étrangère (notamment française) dans ce pays à du néo-colonialisme «bête et méchant». Ne voulant pas prêcher, par ailleurs, des convaincus, il se contentera d'apostropher l'assistance en déclarant : «Vous les Algériens, le fait colonial vous connaissez suffisamment, n'est-ce pas ?». Pour lui, la France est intervenue sur le tard dans ces pays, comme pour se racheter de ses compromissions passées avec des régimes dictatoriaux et foncièrement corrompus. Il ne manquera pas d'évoquer également le rôle sulfureux d'El-Jazeera dans la propagande guerrière des coalisés en Libye. Pour lui, la France de Sarkozy se replie trop sur elle-même et la haine a pris le pas sur les valeurs de liberté-égalité-fraternité. Il dénoncera à ce sujet l'islamophobie et l'intégrisme laïc qui, d'après lui, n'ont pas lieu d'exister dans la patrie des droits de l'homme. Sur un autre registre, Edwy Plenel plaidera pour une relation apaisée entre l'Algérie et la France. Pour lui, il n'y a aucun doute : l'histoire continue d'être instrumentalisée des deux côtés de la Méditerrannée. La célébration l'année prochaine du 50e anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie est pour lui une bonne occasion pour lancer un appel à «la vérité et la réconciliation». «Nous sommes faits de cette histoire que je défends contre ceux qui ont créé la haine entre les peuples et rejettent leur propre histoire.» Il faut en finir avec les «guerres des mémoires, car elles sont instrumentalisées par les pouvoirs politiques respectifs». Cette réconciliation sera à même d'en finir, d'après lui, avec un passé controversé afin de se projeter définitivement dans l'avenir, a-t-il argué. Edwy Plenel a précisé que cet appel sera adressé «d'abord aux Français» de tous bords politiques, précisant qu'«il ne s'agit pas d'un appel à la repentance ni un (aveu) à la culpabilité, mais tout simplement un appel à la vérité». Cette commémoration du cinquantième anniversaire de l'Algérie a déjà été inaugurée par Médiapart avec la projection d'Octobre à Paris, un film longtemps interdit en France et évoquant la répression des manifestations d'Algériens le 17 octobre 1961 à Paris. Pour Edwy Plenel, «ce fut là la plus grande répression d'une manifestation pacifiste. Ce fut même le plus grave massacre d'un peuple de travailleurs dans l'histoire moderne», s'est-il indigné, soulignant la nécessité historique de «reconnaître» et de «condamner» ce crime. Il soulignera, par ailleurs, la proportion importante des combattants d'Afrique du Nord qui ont participé à la libération de la France aux côtés des armées alliées. Il s'interrogera à ce sujet sur les causes de leur non-reconnaissance, voire leur oubli…