Voici venu le temps des désillusions. En l'espace de deux jours, nous assistons à la naissance de deux théocraties à nos frontières. Ainsi, au lendemain même de l'annonce de l'application de la chariâ en Libye, les islamistes tunisiens remportent leur première grande victoire, dans un scrutin historique. Les médias et autres faiseurs d'opinions occidentaux, qui voyaient dans la nouvelle Tunisie un modèle de démocratie dans le monde arabe, se montrent aujourd'hui offusqués, surpris par une telle tournure. Or, déjà pendant les événements de Tunisie, d'aucuns – les Algériens en tête – avaient évoqué la crainte d'une razzia islamiste, avec le retour du leader exilé Rachid El-Ghanouchi. Grande énigme, le mouvement islamiste tunisien s'était montré peu bruyant depuis l'éclatement des événements et donnait l'impression de vouloir composer avec le reste de la classe politique. Sauf que depuis la chute du «dictateur», des groupuscules islamistes plus radicaux commençaient à se restructurer en comités de quartiers et à investir peu à peu le terrain, avant de monter la cadence au fur et à mesure que s'approchait l'échéance électorale devant aboutir à l'élection d'une Assemblée constituante. Leur chef lui-même se défendait de toute idée de chercher le pouvoir, ou de vouloir rééditer le «scénario algérien». Au point de laisser croire que son parti encouragerait même une sorte de marchandage pour dégager des résultats plus équilibrés. Mais à la veille des élections, il s'est dit prêt à appeler à la révolte s'il constatait un trucage du vote, autrement dit, s'il n'obtenait pas la majorité. Que va faire l'armée devant une telle situation ? Que vont faire les grands parrains de la révolution arabe ?