Les réactions n'ont pas attendu que François Fillon, Premier ministre, finisse son discours sur ce qu'il a qualifié lui-même de plan de rigueur le plus dur depuis 1945 pour alimenter les colonnes de la presse écrite et télévisuelle. Qualifié tantôt de «courageux» par les éléments de la droite au pouvoir, et de «honteux et partiel» par l'opposition, ce plan de rigueur, le deuxième de F. Fillon, mérite que les avis des uns et des autres soient scrutés pour se faire une idée sur l'ampleur de la crise qui secoue l'Eurozone. La contribution à la rigueur imposée aux Français paraît inégale, et ce sont les ménages qui vont payer le prix fort avec la croissance. Pour François Hollande, le candidat du Parti socialiste, d'après une dépêche de Reuters, ce plan est « incohérent, injuste, et inconséquent» parce que ce plan signe le «constat d'échec de François Fillon et de Nicolas Sarkozy». «Le Premier ministre a parlé de faillite, c'est grave à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy». «Il y a la crise, je ne le nierai pas, mais il y a aussi des recettes qui ont été perdues avec 75 milliards d'euros de cadeaux fiscaux accordés par Nicolas Sarkozy. Donc, c'est un constat d'échec que le Premier ministre a dressé au nom du président de la République». Par contre, pour Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, ce programme «ambitieux» est «à la hauteur des difficultés qui sont face à nous», «c'est là où réside aussi le courage politique» ; toujours selon les cadres de l'UMP comme Marc-Philippe Daubresse (UMP), « ce plan est triplement courageux : d'abord parce qu'il s'inscrit dans la durée à partir de 2012 avec l'objectif de revenir à l'équilibre en 2016. Ensuite parce qu'il prévoit sur cette période une répartition équilibrée entre l'impérieuse nécessité de baisser la dépense publique et la nécessité de revoir les allégements fiscaux sans pour autant pénaliser l'emploi. Enfin parce qu'il répartit équitablement les efforts en fonction des ressources de chacun tout en maintenant les politiques d'aide à l'investissement et à l'innovation en faveur de l'emploi. Chacun comprend bien désormais que pour faire face à la tempête financière qui secoue le monde, la France a besoin d'un capitaine qui tient fermement la barre ». Quant à Martine Aubry, première secrétaire du PS, «tout est fait pour construire la prochaine récession». «Faute d'avoir le courage de s'attaquer à 10 ans de gaspillages fiscaux, le gouvernement s'enferre dans une politique dangereuse pour l'économie et injuste socialement», ajoute-t-elle. «Faute d'avoir le courage de revenir vraiment sur les cadeaux accordés aux plus privilégiés par la droite depuis 10 ans, (il) persiste et signe dans des choix de politique économique aussi injustes que dangereux pour notre pays». «Plan de rigueur après plan de rigueur, le gouvernement se distingue par des choix imprévoyants et inconséquents qui enfoncent le pays et le continent dans la crise (...). Martine Aubry précise que «l'annonce d'un simple gel de la rémunération des ministres et du président de la République, qui s'est augmenté de 172% en début de mandat, est particulièrement ini- que (...)». «Le courage aurait été notamment d'annuler la baisse de l'ISF et de rétablir les droits de succession sur les grandes fortunes au moins au niveau de 2007», «de s'attaquer vraiment aux 70 milliards de niches fiscales», «de mettre à contribution immédiatement le système financier largement responsable de la crise par la taxation des transactions financières». Eva Joly (Europe Ecologie) a estimé que ce mea culpa est honteux. «La présentation du deuxième plan de rigueur de M. Fillon apparaît comme un mea culpa honteux et partiel des mesures adoptées en début de quinquennat. Ce sont ceux qui ont mis le pays au bord de la faillite qui soumettent aujourd'hui les Français au plan d'austérité. Un effort considérable est demandé aux Français et à nouveau, ce ne sont pas les plus riches qui vont les supporter. Ce sont les services publics, la santé, l'éducation, l'environnement, la sécurité et le logement social qui vont payer. Notre modèle économique n'est pas soutenable mais François Fillon s'obstine dans des demi-mesures qui prennent pour principales cibles les ménages». Benoît Hamon (PS) : «Opération de mystification» «Je voudrais dénoncer l'immense opération de mystification à laquelle s'est livré le Premier ministre, qui n'assume pas son propre bilan et le bilan de Nicolas Sarkozy». «Il a attribué à la crise et aux comportements des gouvernements depuis 30 ans la réalité des déficits, quand nous savons que les seules mesures fiscales de ce gouvernement correspondent à 75 milliards d'euros de déficit cumulé». «Nous avons une opération beaucoup plus grave de dilapidation du modèle social français». «La droite va réaliser le rêve des plus individualistes et des plus libéraux des Français : offrir la dépouille du modèle social français, ses services publics et sa sécurité sociale, comme la principale victime». La droite «va brader notre patrimoine commun». Côté syndicats Jean-Claude Mailly (FO) : «Une logique suicidaire». «Ce que vient d'annoncer le Premier ministre montre bien que le gouvernement est dans la main des marchés financiers». «C'est une logique d'austérité et donc baisse de la croissance. On est en train de glisser vers une situation à l'espagnole ou à la grecque». «La logique d'austérité est une logique suicidaire». Le gouvernement veut «faire croire que c'est équitable» mais la mesure concernant l'impôt sur les sociétés, «c'est programmé sur deux ans, alors que la retraite, c'est programmé pour tout le temps». Eric Aubin (CGT) : «Une attitude méprisante» Le gouvernement a de fait «choisi d'augmenter de quatre mois chaque année la durée de cotisation» et cela «sans aucune discussion avec les organisations syndicales sur cette mesure. On est dans une attitude méprisante vis-à-vis des organisations syndicales». «Ce n'est pas l'avancement d'un an qui va permettre de régler la question des déficits des régimes de retraite». «Il y a des sommes à récupérer sur les cadeaux aux entreprises qui coûtent cher» mais ce sont «les salariés qui vont payer une partie de la crise alors qu'ils n'en sont en rien responsables. On recule l'âge de départ à la retraite mais on ne crée par d'emploi pour les seniors».