«Le Maghreb et l'Afrique seront ce que leurs peuples et les responsables chargés de gérer la Cité voudront qu'ils soient.» De ces projets, les chiffres avancés par l'ANDI indiquent que ce sont les projets locaux qui sont dominants avec 99 % des déclarations de projet. Pour ce qui est de la répartition des projets par secteur, c'est celui des transports qui attire le plus d'investissements depuis 2009 avec 60 %, en majorité des microprojets, suivi par le secteur du bâtiment, des travaux publics et de l'hydraulique (16 %), du secteur de l'industrie (10 %), celui de l'agriculture (2 %). D'une manière générale, les investissements directs étrangers restent insignifiants en dehors des hydrocarbures et des télécommunications. III- Perspectives de la coopération algéro-française dans le cadre euro-maghrébin et euro-méditerranéen On ne peut dissocier la France de l'Europe, comme je ne peux dissocier l'Algérie du Maghreb, pont entre l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique. La coopération euro-maghrébine par une prospérité partagée en matière d'investissement grâce à un partenariat gagnant-gagnant, le Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique, évitant cette vision mercantile du passé, doit être orienté à l'avenir vers l'Afrique, enjeu du XXIe siècle, et ce, afin d'éviter que des milliers de Maghrébins et d'Africains émigrent vers l'Europe 1- Coopération Europe-Maghreb Je tiens à souligner qu'il faut avoir, en ce XXIe siècle, une autre conception des relations internationales car il n'y a pas que les flux commerciaux, mais également les flux culturels à travers les flux de voyageurs entre l'Europe et le Maghreb. L'émigration, qui est une chance pour l'Europe vieillissante, est le ciment de l'interculturalité et les liens humains entre le Maghreb et l'Union européenne sont forts pour des raisons historiques, 2,3 millions de Maghrébins étant installés uniquement en France. Le dialogue des cultures entre l'Orient et l'Occident permet de dépasser des préjugés racistes et xénophobes. La culture, souvent négligée par les financiers et les économistes, est le support des échanges dans toute leur diversité. Si l'on s'en tient aux échanges commerciaux, tout en soulignant que l'appréciation de l'euro au cours des dernières années par rapport au dollar américain et aux devises asiatiques a affecté la compétitivité des exportations européennes en direction des pays du Maghreb où à travers cet euro fort il existe souvent un déficit commercial aux dépens des pays du Maghreb, les échanges commerciaux (exportations et importations) avec l'Europe représentent plus de 60 %, beaucoup plus pour la Tunisie. Ce panorama général assez homogène cache des réalités bien différentes selon les pays du Maghreb étudiés. Au cours des dernières années, les pays du Maghreb ont perdu des parts de marché face à leurs concurrents, ce qui est la marque d'un manque de compétitivité, en particulier face à des pays comme la Chine, censés être pénalisés par leur éloignement géographique. Aussi, selon le rapport du FMI de 2009, la non-intégration des pays du Maghreb (moins de 3 % des échanges intramagrébins) qui couvre une superficie d'environ cinq millions de kilomètres carrés qui approche les 90 millions d'habitants leur fait perdre 2 à 3 points de leur taux de croissance sans compter les effets indirects du non-attrait de l'investissement étranger intéressé par un marché plus large. Ainsi, le Maghreb, du fait de la non-intégration, a un poids insignifiant au sein tant de la région méditerranéenne qu'au sein de l'économie mondiale. Le produit intérieur brut global n'a pas dépassé 350 milliards de dollars en 2010, ce taux étant artificiellement gonflé par la Libye et l'Algérie du fait du poids des hydrocarbures, légèrement supérieur à celui de la Grèce (305 milliards de dollars) alors que cette dernière avait une population qui ne dépassait pas 12 millions d'habitants en 2010. Comparé à la population et au PIB allemand (3.306 milliards de dollars pour 82 millions d'habitants) et français (2.555 milliards de dollars pour 65 millions d'habitants), on mesure l'important écart devant à l'horizon 2020 quadrupler le PIB (1.400 milliards de dollars à prix constants 2010) au minimum si l'on veut éviter des tensions sociales de plus en plus vives au niveau de l'espace Maghreb. La signature de conventions commerciales ou d'accords de libre-échange avec l'Europe par la Tunisie, le Maroc et l'Algérie n'a pas suffi à impulser un véritable codéveloppement entre les deux rives de la Méditerranée et est donc posé le bilan mitigé des accords de Barcelone et de l'Union pour la Méditerranée qu'il y a impérativement lieu de dynamiser à travers des projets concrets. 2- Les échanges Algérie-France-Europe dans le cadre maghrébin, pont vers l'Afrique Concernant le volume total des échanges commerciaux entre l'Algérie et la France, son premier fournisseur, il a atteint en 2009 quelque 10 milliards d'euros. La France demeure le premier fournisseur de l'Algérie avec plus de 6 milliards de dollars et son 4e client avec plus de 4,5 milliards de dollars, selon les chiffres des douanes algériennes pour l'année 2010. Les relations économiques et commerciales ont progressé de manière très rapide depuis 1999. La France est restée le premier fournisseur de l'Algérie en 2009, avec 15,7 % de part de marché. Les échanges entre la France et l'Algérie ont plus que triplé en douze ans. L'Algérie est le premier partenaire commercial de la France en Afrique (Maghreb, Egypte comprise, et Afrique subsaharienne). Si l'on étend les comparaisons au reste du monde, l'Algérie est le troisième marché pour les exportations françaises hors pays de l'OCDE, après la Chine et la Russie. La moitié des exportations sont réalisées par des PME. Sur le plan de la coopération culturelle, scientifique et technique franco-algérienne, elle s'inscrit dans le cadre de la Convention de partenariat signée en décembre 2007 et du document-cadre de partenariat (DCP) qui définissent les grands axes de coopération. Sur le plan de la coopération en matière énergétique, plusieurs accords ont été signés, le premier l'accord algéro-français de partenariat énergétique pour renforcer la coopération entre les administrations et les entreprises du secteur dans les deux pays. Le second accord constitue un renouvellement du protocole d'accord signé en 2003, entre l'Agence de promotion et de rationalisation de l'énergie (APRUE), côté algérien, et l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) côté français. Deux autres accords de nature commerciale ont été signés entre l'entreprise nationale Sonatrach et Gaz de France par les PDG des deux compagnies. Le premier contrat d'une durée de 20 ans, porte sur la vente par la Sonatrach d'un volume de 1 milliard de m3 de gaz par an à Gaz de France (GDF) qui devait passer, dès l'année 2009 par le biais du gazoduc Medgaz, avec une option de doublement de la capacité à une phase ultérieure. Le second porte sur la réservation par la Sonatrach d'une capacité de regazéification pour un volume de 1 milliard de m3 de gaz sur le terminal de Montoir en Bretagne. Par ailleurs, les investissements en hausse de Total marquent le retour des Français dans le secteur des hydrocarbures en Algérie, où ils ont été supplantés par les Américains et les Britanniques. Le groupe français Total envisage d'accroître ses investissements en Algérie dans l'amont mais table également sur la pétrochimie pour se relancer en Algérie. Les autorités algériennes ont décidé la prolongation de la durée de validité du contrat-cadre relatif au projet du complexe pétrochimique d'Arzew, signé en décembre 2007 par Sonatrach et le groupe français Total. L'investissement est de l'ordre de 4,5 milliards d'euros. Le projet du complexe comprend un craqueur d'éthane et trois lignes de produits, d'une capacité de 1,4 million de tonnes par an. Concernant la coopération récente dans l'industrie, dans une déclaration en date du 10 novembre 2011, le ministre algérien chargé de la Promotion de l'investissement a précisé que Renault pourrait installer son usine dans la zone de Bellara à Jijel alors qu'au départ cela était prévu dans le cadre de la SNVI à Rouiba, proche d'Alger. Cette usine devrait fabriquer 75.000 véhicules dans une première étape avec un taux d'intégration de 20/25%pour atteindre 150.000 avec un taux d'intégration de 60% (pneumatiques et vitrage) dans une seconde étape, où le management stratégique pourrait revenir à Renault, détournant l'obstacle des 41/59%. Pour les autres projets de partenariat avec la France, toujours selon cette récente déclaration, il est prévu la construction d'une cimenterie d'une capacité de 2 millions de tonnes à l'est de l'Algérie, précisément à Oum el Bouaghi, dont le coût est de 360 millions d'euros, en partenariat avec le groupe Lafarge. Pour les secteurs bancaire et assurances, dont le marché est vierge mais recelant d'importantes opportunités, nous assistons à la présence des banques françaises en Algérie à l'instar de BNP-Paribas et Société Générale, ainsi que la société d'assurances AXA dans un partenariat avec l'entreprise d'assurances la CAAR. 3.- Les perspectives De plus en plus d'experts algériens dont j'en suis un défenseur, demandent au gouvernement algérien de lever le voile des 49-51% pour les segments concurrentiels, pouvant détenir des minorités de blocage pour d'autres segments stratégiques, et d'établir d'autres critères qui reposeront essentiellement sur une balance technologique, managériale, et en devises positives afin de renforcer la coopération et attirer de plus en plus l'investissement étranger afin de préparer la transition hors hydrocarbures (voir annexe de ma contribution sur la durée de vie des réserves de pétrole et de gaz algérien). Dans la pratique des affaires, il n'y pas de sentiments - business is business disent les pragmatiques américains -, et c'est dans ce cadre que la coopération algéro-française peut être renfoncée. L'attractivité du marché algérien découle des avantages comparatifs suivants : la proximité géographique des marchés potentiels d'Europe, d'Afrique et du Moyen-Orient, la taille du marché intérieur estimée à environ 36 millions de consommateurs, des richesses naturelles importantes (pétrole, gaz), ainsi que d'autres ressources minérales non négligeables, peu ou pas exploitées, notamment le phosphate, le fer, et l'or, des ressources humaines en grande partie jeunes, qualifiées et abondantes. Elle est solvable ayant un stock de la dette très faible et d'importantes réserves de change avec un programme ambitieux d'investissement, comme souligné précédemment. Un partenariat gagnant /gagnant est possible et même nécessaire tenant compte du nouveau défi écologique et ce loin de tout esprit de domination, pour peu que l'on dépassionne les relations entre l'Algérie et la France, l'histoire commune nous imposant d'entreprendre ensemble. Dans ce cadre, je voudrais donner quelques exemples concrets récents. Outre les céréaliers français qui se sont déplacés en force à Alger à l'occasion des rencontres franco-algériennes des céréales, l'Algérie étant importatrice pour partie de céréales françaises (blé dur, blé tendre, et maïs destiné notamment à l'alimentation des bovins et des volailles) dont la part globale d'importation a dépassé le milliard de dollars en 2010/2011, le Salon international de l'industrie d'Alger qui s'est tenu du 3 au 6 octobre au Palais des expositions des Pins maritimes a été marqué par une forte présence des entreprises françaises. Sur les 200 exposants présents à ce salon organisé par Batimatec Expo, 69 sont des entreprises françaises. En conclusion, quelles sont les actions urgentes pour amener l'Algérie vers une sortie de crise ? En quelques mots, c'est d'abord œuvrer pour bâtir une démocratie dynamique assise sur une justice indépendante, compétente et diligente. C'est ensuite de sortir d'un système de gouvernance archaïque pour un système participatif et qui appelle aux compétences algériennes locales et celles établies à l'étranger et également aux compétences étrangères par un partenariat gagnant-gagnant. Bref, l'Algérie a d'importantes potentialités pour devenir un acteur actif au sein de la mondialisation, mais non isolé et nécessairement au sein de l'espace maghrébin, euro-méditerranéen et arabo-africain. Pour cela elle a besoin d'entreprises dynamiques reposant sur la connaissance conditionnée par plus d'espaces de liberté, un Etat de droit, une gouvernance renouvelée, supposant une mutation systémique. Comment ne pas souligner avec force, en référence à l'objet de cette rencontre, et ce, pour clôturer ma modeste intervention que le Maghreb et l'Afrique. (Suite et fin)