Rire de son image en se regardant dans une glace parce qu'on a le nez tordu, ou exagérément écrasé, se trouver des dents de lapin ou un menton effacé, enfin rire de tout ce que dame Nature a mal fait sur un corps aspirant à être mieux loti, que voilà appesanti par une bosse donnant l'impression que la planète repose sur vos épaules serait légitime. Rire d'une lettre aux éclats, avoir le fou rire, ce n'est tout simplement pas banal dans une société où l'on a perdu le sens de la satire, de la pantomime, de la lecture et des spectacles que nous offraient les artistes ou à défaut des saltimbanques sur les places publiques capables de ces bouffonneries extravagantes dont on se souviendrait durant toute une vie. Les choses les plus incongrues peuvent franchir l'irréel et l'irrationnel, pourquoi cette lettre ne serait que l'œuvre d'un pitre. Les paris sont ouverts. « Salut messieu l'ambassade du Canada. Voilà, je m'appele Karim et j'ai 20 ans. Je t'écris pour te dire que le visa il me le faut tout de suite un d'urgence s'il te plait. C'est une question de vie ou de mort. C'est vrai je te le jure que je dis la viriti. Je vai exploser si tu me refuse a Moi. Non je diconne pas, c'est sirieux. Pour moi tout est OK. J'ai apelé mon cousin Rachid, que lui il est la bas Tout. Il y a le travail. Il y a le lo-gement, il y a la femme pour le kocubinage, il y a les papiers et tout. Le vent il te touche pas, il m'a dit mon cousin Rachid. Pour la sikiriti social pas de problème. Moi en tres bon santé. Le eta du canada ne donne pas un centime pour moi pour rèmbousi le midicament. Je débrouille de début à la fin, je te jure, c'est vrai. Donne moi le visa et pas de proublèmes. Moi je fais la plombrie, l'ilictriciti, la cousine, l'informatik un peu sur le caramail, la micanik des voitures, et la massonnerie. Enfin je débrouille beaucoup de domènes,et si tu veu je te donne pour les enfonts de la bas des cours de l'arabe parce que moi je lis bocoup le journal EL KHABAR qui est tres bien pendant des années, pas de problèmes aussi, ici dans piyi je suis pas bien meussieu l'ambassade, le digou-tage il te tue, la crise de l'iconomi, le chomage, la crise du logement, et bocou de problème que tu conné. Il vaut mieu laissé le puis avec la couverture. Voila meussieu je ne t è pas di tout, mais c'est pas grave. La prochaine fois je te raconte tout, je te jure. Moi j'é bocou de respect pout ton piyi, alors stp donne moi le visa monsieu l'ambassade d'ici le plus rapide possible. Je t'embrasse et toute ta famille aussi.