Notre journal aura été le seul à prédire la victoire de la Zambie lors de la finale de la Coupe d'Afrique des nations, alors que d'autres misaient sur les Eléphants, pardon sur Didier Drogba. Oui, les Zambiens l'ont arrachée dimanche à Libreville dans un stade pour la première fois bien remplit. Une victoire qui nous invite à refaire un chemin assez dur mais un chemin qui fait honneur à ce pays qui a vécu un drame national il y a 19 ans, en perdant dans un crash aérien toute une sélection – exception faite de son joueur vedette, Kalusha, le seul alors à ne pas évoluer au pays qui déclare «nous sommes heureux, c'est notre naissance aujourd'hui dans la douleur certes, mais nous avons eu ce que nous voulions, ce que nous avions de tout temps souhaité, ce que le peuple zambien a de tout attendu…» Les larmes aux yeux, il évoque avril 1993, où les Chipolopolo se rendaient à Dakar, fauchés dans leur envol au large de Libreville, capitale gabonaise où ils avaient joué un dimanche soir leur troisième finale de CAN de leur histoire, «nous avions perdu en 1974 et 1994.» Il est aussi vrai que cette fête est aussi celle de Hervé Renard qui ne cessait de mettre en valeur l'honneur des disparus. Au coup d'envoi, les visages des uns et des autres affichaient un stress à ne pas faire bouger un doigt. Les caméras suivaient le DD comme le maître des montagnes, seul à la recherche d'un ennemi juré. 1'30, Nathan Sinkala échappe par le côté gauche, pénètre dans la surface de réparation et met à terre le portier Barry Copa qui s'est vu obligé de larguer la balle en corner. Un corner que Christopher Katongo joue mal. Alerte générale dans la troupe des Eléphants, ils ne comprennent rien, on récupère la balle, on essaie de la protéger et de l'exploiter au mieux pour démolir la défense et le gardien des aigles. L'alerte continue du côté de la défense ivoirienne. Le sélectionneur sort de ses gangs et dirige depuis sa tour, le milieu qui ne répondait pas à son schéma, au contraire il utilise plutôt son expérience pour freiner les contre-attaques des Aigles qui volent à basse altitude. 16' une mésentente dans le carré défensif ivoirien permet à Chisamba lungu, encore lui, de bloquer tranquillement la balle avant de la pousser sur Emmanuel Mayuka, mal positionné. On est au troisième but raté en 20' de jeu. Ce n'est pas fini, les aigles donnent la plus belle leçon de football aux Eléphants qui se limitent à des galops. Les minutes filent aussi vite que cette balle qui pèse 624 g, les Eléphants s'offrent des occasions de riposte mais n'arrivent pas malgré les alertes «fantaisistes» du vieux de la rencontre à concrétiser. DD accroche à un mètre de la ligne de touche, le milieu zambien, l'arbitre ne dit rien, Renard le sectionneur des aigles réagit face à cette «protection rapprochée» auprès de l'arbitre, la réaction ne s'est pas faite attendre, Drogua d'un geste non professionnel invite R. Hervé à se la F… Les Ivoiriens perdent le nord, des flottements se font de plus en plus visibles à l'image de ce coup franc tiré puis mis en corner par Cheikh Tioté. L'accélération se fait encore plus pesante pour les Eléphants qui perdent leur oxygène, pataugent, leur capitaine est perdu là bas dans un coin mis en position d'attente, dont ses tirs ne font plus peur au portier. C'est dire que la publicité qui l'a rendu célèbre, aura été trompeuse à ce niveau de compétition. On joue la 44', frappe de Yaya Touré consécutive à une belle talonnade de Drogba dans la surface (35'), la balle passe à quelques millimètres du poteau du gardien zambien (0-0). La seconde mi-temps est engagée, Renard affiche un calme et une sérénité qui encouragent ses Aigles à voler à ras de la pelouse et à porter le danger au cœur de la défense ivoirienne. Une nouvelle stratégie est mise en place pour les Eléphants qui semblent porter les fruits. Des alertes se multiplient dans une défense presque décousue cette fois-ci des zambiens qui manifestent des signes inquiétants de déstabilisation. Les Ivoiriens plus armés, plus structurés et plus motivés que la première partie, foncent vers les buts de Kennedy Mweene qui aura été l'homme du jour en effaçant les contre-attaques des Ivoiriens. On joue la 70' sur une erreur d'Isaac Chansa, Christopher Katongo tire, le cuir frôle la barre, le portier est battu. Une minute après, ce qui fallait éviter arriva et tel un séisme les zambiens se voient déjà engloutis et éliminés. L'ailier droit ivoirien trouve un couloir bien «aménagé» par la défense adverse, s'infiltre dans la surface de réparation mais fut bousculé par Isaac Chansa. L'arbitre siffle la faute et indique le point de penalty. Pour les 40 000 spectateurs, Drogba va mettre fin au débat de cette finale. Le suspens vit ses dernières secondes, il pose la balle, recule, regarde droit dans les yeux le portier comme dans un duel des grands films westerns et attend le coup de sifflet de l'arbitre. C'est fait, il tire et la balle vole plus haut que les Aigles dans ce ciel chargé de pluie. C'est presque le même scénario que le penalty manqué en quart de finale face à la Guinée équatoriale… Le portier se dirige alors vers ce vieil Eléphant qui trouve comme excuse le mauvais état de la pelouse, lui offre une danse indienne puis tend la main pour lui indiquer que c'est sportif. Drogba, ce faux géant professionnel, refusa ce geste (il vient de se dénigrer aux yeux de millions de téléspectateurs et devant un parterre de VIP présent dans la tribune officielle). Le sélectionneur cache son visage, le doute s'installe dans le camp des Eléphants. Le chrono marque pratiquement la fin de la rencontre sous un score vierge lorsque Max-Alain Gradel se présente face au portier Kennedy Mweene qui tire très fort mais la défense réussit de justesse à éviter sa condamnation. Les prolongations s'enchaînent, un autre supplice pour les uns et les autres. Plus rien à calculer que le temps, plus rien à surveiller que cet arbitre. Malgré sa comédie de première loge pour décrocher un penalty et assurer sa revanche, Drogba n'y arriva pas. C'est parti pour la prolongation, le score invite les deux parties à un autre examen plus dur, plus stressant et surtout plus chanceux. Et voilà, c'est le silence dans les tribunes, c'est la série des tirs au but, les mains se lèvent vers le ciel et sur la pelouse. A chacun sa religion et à chacun ses prières. Le défilé des joueurs est établi, chacun réussit son tir. Souleymane Bamba loupe sa tentative, la troisième pour les Ivoiriens, l'arbitre de touche lève son drapeau et signale que le tir doit être retiré du fait que Mweene est sorti de sa ligne. A égalité de buts, la série reprend ses droits. Le portier zambien remporte son duel avec Kolo Touré. Rainford Kalaba va-t-il réussir ? Non ! Il rate et remet la Côte d'Ivoire dans le coup en frappant trop haut. Gervinho arrive, on respire un bon coup, on ferme les yeux, on évite de regarder particulièrement, il rate comme son aîné Drogba, puis c'est le dernier tir, celui qu'il ne faut surtout pas rater. Stoppila Sunzu pose la balle, s'élance et offre le trophée de la Coupe d'Afrique 2012 à ce grand pays zambien. Encore une fois, la Côte d'Ivoire se contente de la médaille d'argent…