Invité aux 6es Journées de la communication publicitaire qui se tiendront les 23 et 24 avril à Alger sous le patronage du ministre de la Communication, Dominique Wolton, directeur de l'Institut des sciences de la communication du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), fondateur et directeur de la revue internationale Hermès, auteur d'une trentaine d'ouvrages consacrés à la communication, a donné son avis d'expert sur le rôle, les avantages mais aussi sur les limites de la communication dans une interview qu'il a accordée à un journal libanais au terme d'une conférence qu'il a animée sous le thème «La francophonie, diversité culturelle et industrie culturelle». A la question : pourquoi la communication est un véritable enjeu au XXIe siècle ? il répondra que c'est «pour une raison très simple : le XXe siècle a vu la mondialisation de l'information via la radio, la TV et l'internet. A la fin du XXe siècle, et en ce début du XXIe, on découvre qu'il ne suffit pas d'informer pour communiquer». Il va plus loin dans son raisonnement en mettant en valeur le fait que «nos récepteurs, à vous et moi par exemple, résistent l'un à l'autre du fait que nous avons des valeurs différentes, peut-être aussi une langue différente et une vision des choses distincte». Pour lui, le XXIe siècle, c'est la communication, ce qui ne veut pas dire partager un point de vue commun mais apprendre à se respecter et cohabiter. Car même si on ne se comprend pas, on négocie ensemble pour arriver à une forme de cohabitation culturelle. Alors c'est quoi pour lui la négociation ? «C'est un mot très important car il englobe divers sous-entendus. Communiquer la plupart du temps, c'est négocier avec ceux avec qui l'on n'est pas d'accord.» «Où commence la communication et où finit l'information ?» s'interroge le journaliste. Dominique Wolton expliquera que «l'information, c'est produire un message et le distribuer. Elle commence et se termine dans le message. Tandis que la communication, c'est une relation, elle touche le récepteur». Pour mieux étoffer ses dires, il se réfère à un exemple tout simple : «Je vous envoie un message qui pourrait devenir un début de communication. La communication, c'est l'interactivité. L'horizon et la finalité de l'information restent la communication. Cependant, il existe une grande contradiction entre la vitesse de l'information et la lenteur de la communication.» C'est dire que la communication n'est pas un simple «outil», pour l'expert, établir une communication c'est savoir installer la confiance, et cela prend du temps. «Car on s'observe et on se scrute, je dirais même que l'on se renifle comme tout mammifère ! Par conséquent, la communication est une question humaine avant d'être technique.» Dans tout cela, quelle est la place de l'information ? serions-nous tenté de poser comme question. Pour lui, l'information à elle seule ne suffit pas à comprendre le monde. Pour comprendre les autres pays, il faut de la connaissance. Donc, il faut compléter la vitesse de l'information par l'épaisseur des connaissances et de la culture. «Le journaliste s'engage sur un autre front qui est au cœur de l'actualité internationale, en l'occurrence les réseaux sociaux via la Toile.» Assez critique sur cet outil, le journaliste réagira en lui signalant que «pourtant, ce sont Facebook, Twitter et d'autres réseaux sociaux qui ont permis aux jeunes des sociétés arabes de se libérer des dictatures… «Il est certain, dira-t-il, que ces moyens de communication ont joué un rôle d'accélérateur des mouvements d'indépendance. Mais notons que l'internet touche seulement les jeunes de 15 à 30 ans. En Egypte, par exemple, 3% seulement de la population l'utilise ! Ce qui a enclenché les mouvements de libération, ce sont les privations de libertés, de démocratie et d'éducation. Pendant plus de trente ans, ces populations furent privées de leurs besoins vitaux. Notons que le premier média du monde fut le téléphone arabe – la transmission de l'info de bouche à oreille ! Dans les derniers évènements, il y a eu de nombreux facteurs.» Il pointera du doigt la chaîne d'informations en continu Al Jazeera, qui a eu à jouer un rôle, tout en reconnaissant celui plus puissant de la rue arabe. «Quel rôle ont joué les outils de communication dans les révolutions arabes ? Si on me demandait de classer les outils de communication qui ont servi la révolution arabe moderne, je mettrais en premier lieu la TV, puis la rue arabe en même temps que le téléphone portable qui, lui, a beaucoup servi, et enfin en dernier lieu je parlerais de l'ordinateur. C'est pour cela que je dis que l'internet a joué un rôle dans les révoltes, mais ce rôle n'est pas fondamental.» «A votre avis, la francophonie peut-elle préserver sa diversité face à la mondialisation tout en restant attachée à ses fondements ?» «L'intelligence politique de la francophonie n'a pas vieilli, car ce qui a été pensé par la charte francophone dans les années 1970 est toujours de mise. L'idée de respect, de diversité, de coopération et de fraternité, valeurs fondamentales de la charte, sont primordiales, la mondialisation n'a fait que les confirmer.»