Mondialisation, globalisation, village planétaire... autant de termes en vogue, utilisés dans les différents domaines social, économique, culturel et même politique pour refléter les mutations et les bouleversements que connaît notre planète. La communication demeure un vecteur important et l'un des fondements de cette mondialisation. Dans un monde où les nouvelles technologies de l'information et de la communication jouent un rôle prépondérant, les frontières tendent à disparaître, le flux de l'information et des images balancées par les satellites réduisent la censure à sa plus simple expression. C'est là que commence le débat sur le choc des civilisations et des cultures, d'où la nécessité pour ceux qui subissent ces changements d'agir mais surtout de réagir à défaut de dialoguer. C'est dans ce contexte que nous pouvons situer le livre de Fouad Benhalla qui vient de paraître aux éditions Publisud à Paris (*). Dans son avant-propos, I'auteur pose la problématique en restituant les raisons qui l'ont poussé à traiter des sociétés arabes face au défi de la communication globale. “Tous les analystes et experts internationaux s'accordent à dire que la zone arabe est la seule région au monde à régresser sur le plan économique, social et culturel.” Partant de ce constat, il estime que “la communication qui, dans d'autres régions, sert à des rapprochements, dans la zone arabe, aiguise souvent des antagonismes”. Il suggère que “pour réduire les tensions qui secouent les sociétés arabes et trouver quelques dénominateurs communs, il faut connaître certains enjeux de la communication à l'ère de la mondialisation. Sa survie dépend de sa capacité d'adaptation à la nouvelle situation où I'arme absolue est le savoir”. Fouad Benhalla, journaliste et homme des médias ayant occupé plusieurs postes de responsabilité dont celui de directeur général de RFI (Radio France International) et président de Canal France International (CFI) à sa création, consacre la première partie de son ouvrage aux aspects théoriques liés notamment aux enjeux de la communication et de la globalisation, avant de s'attaquer à la situation des mass-médias dans le monde arabe et les défis auxquels la nation arabe fait face. Pour lui, “il est difficile de distinguer culture et communication (...) La communication, comme la culture, utilise souvent les mêmes supports : I'écrit, l'audio et le visuel. Jusqu'à la parution de la télévision satellitaire et de I'internet, la radio fut le seul moyen de communication et d'information international, au sens propre du terme, dans la mesure où les ondes courtes permettaient de traverser les frontières le plus loin possible et cela, sans subir la rigueur des censeurs, en particulier des pays totalitaires”. Faisant le lien avec la globalisation et le rôle des médias, il affirme que “la communication globale a fourni aux éléments les plus rétrogrades un moyen plus efficace pour former les esprits. Ainsi, les tenants de la modernité, à I'intérieur du monde arabe, ont été éloignés des mass-médias avec la complicité des pouvoirs en place. Actuellement, seuls les rétrogrades qui veulent ramener les Arabes 15 siècles en arrière ont un vrai projet de société qui recueille I'adhésion des masses. Il serait vain de chercher les responsabilités ailleurs qu'au sein des sociétés arabes et chez leurs dirigeants”. Avec les différents courants de pensée que connaît le monde arabe, I'analyse de Fouad Benhalla risque d'être remise en question par des intellectuels et des penseurs qui ont une approche différente de celle abordée dans cet ouvrage. Abordant la question des technologies de l'information et de la communication et leur rôle dans la société mondiale de l'information, il revient notamment sur le débat des années 1970 et 80 du siècle dernier sur le nouvel ordre mondial de I'information qui a été au centre d'une confrontation Nord-Sud et Est-Ouest. Au XXIe siècle, les données ont changé, ce concept est galvaudé, et l'on parle de plus en plus de “la société de l'information”, dont le premier sommet mondial s'est tenu à Genève en 2003. Il note à ce sujet que “pour les partisans d'un nouvel ordre plus équilibré, la communication joue un rôle central dans la vie politique, économique et culturelle des sociétés de par le monde. Les technologies de l'information et de la communication, associées à la volonté politique de mettre en pratique les droits à la communication, peuvent fournir de nouvelles perspectives vitales en matière d'interaction politique, de développement socioéconomique et de durabilité culturelle. Pour y parvenir, l'accès universel de tous aux moyens de communication et d'information, ainsi qu'à une diversité de médias à travers le monde, est nécessaire”. En guise de conclusion, il préconise : “Le nouvel ordre culturel sera égalitaire entre les peuples ou ne le sera pas. Il sera basé sur la démocratie ou ne le sera pas. Il sera tolérant ou ne le sera pas. Les valeurs nationales et les cultures collectives constituent la substance politique de la nation. L'adhésion à ces valeurs et l'acceptation de ces cultures collectives doivent être désormais dans un cadre de liberté, dans un espace diversifié pour être pacifiques et favoriser la promotion de l'homme.” L'ouvrage de Fouad Benhalla, un expert en communication et fin connaisseur du monde des médias et du monde arabe, a le mérite de traiter une problématique d'actualité, en l'abordant avec toute la rigueur scientifique exigée, un esprit critique et une vision moderniste, loin de toute analyse superflue et de débat dogmatique et idéologique. Les sociétés arabes, qui font face à des tensions et à des défis à relever, n'ont pas d'autre choix que de s'adapter à la nouvelle situation et de s'intégrer dans cette mondialisation où l'enjeu de la communication tient une place de choix. Le choc de la communication globale : pouvoirs et sociétés arabes face au défi, un livre qui suscitera, sans aucun doute, un débat, mérite d'être lu et traduit en langue arabe afin de le mettre à la disposition du lecteur arabophone qui pourra ainsi avoir un autre son de cloche sur la situation dans les pays arabes, loin des discours démagogiques. Ramdane D. Z. (*) Fouad Benhalla : Le choc de la communication globale : pouvoirs et sociétés arabes face au défi. 199 pages, éditions Publisud, Paris, mars 2005.