La télévision française ne semble pas échapper à la frénésie du président Nicolas Sarkozy. L'audiovisuel français risque de connaître, dans les prochains mois, de profonds bouleversements. Paris : De notre bureau Une voix monolingue au service de la France. Rompant avec ses prédécesseurs, le locataire de l'Elysée veut, au grand désespoir des professionnels et des politiques de tous bords, faire parler la France uniquement en langue française. Nicolas Sarkozy s'est prononcé pour une chaîne unique « France Monde » dès 2008, qui « ne diffuserait qu'en français », avec d'éventuels sous-titrages en anglais, en espagnol ou en arabe. Quid de France 24, TV5 Monde, RFI ? Un holding qui se nommerait France Monde. Les réactions, au-delà des clivages politiques, n'ont pas tardé à fuser de tous les côtés. Les pays et les partenaires francophones de la chaîne TV5 Monde haussent le ton. La Belgique et la télévision suisse envisagent désormais un désengagement total de cette chaîne sans équivalent. Les partenaires de TV5, financée à 84% par la France, mais seul réseau mondial alimenté en programmes par plusieurs chaînes européennes de langue française (France Télévisions, Arte France, RFO, RTBF pour la Belgique, TSR pour la Suisse), ainsi que le consortium de télévision Radio-Canada et Télé-Québec ne décolèrent pas. Créée en 1984, TV5 Monde revendique plus de 25 millions de téléspectateurs dans 202 pays et dispose d'un budget annuel de 90 millions d'euros. La ministre de l'Audiovisuel en Belgique francophone, Fadila Laanan, a prévenu mercredi que la Belgique (qui finance à hauteur de 6,27%) « ne paierait pas pour un outil de rayonnement franco-français ». « Si la dimension multilatérale de TV5 n'est pas garantie, nous n'avons pas vocation à y rester », renchérit Gilles Marchand, directeur de la Télévision suisse romande (TSR), qui fournit avec la Confédération helvétique 6,1% du budget de TV5. Sur le plan politique, le Sénégalais Abdou Diouf, président de l'Organisation internationale de la francophonie, dont TV5 est partie prenante, s'est élevé contre un projet qui reviendrait à faire de cette chaîne « une filiale de la France ». Pour les professionnels, cette prise en main serait une grave faute. « Les Français font une erreur. Ils pensent que si chacun reprend ses billes, ils seront plus efficaces dans la mondialisation. C'est un retour en arrière de 30 ans. S'ils étaient malins, ils pousseraient les autres partenaires à investir plus pour enrichir TV5 », estime le spécialiste des médias, Dominique Wolton. Les syndicats de France 24 s'insurgent contre la « frilosité » du souhait de Nicolas Sarkozy de voir la nouvelle chaîne publique internationale France Monde diffuser exclusivement en français, et ont défendu une chaîne trilingue, garante de « compétitivité ». « France 24 est une chaîne trilingue (français, anglais, arabe) qui, en à peine un an, a connu une éclosion sans pareille (...). Et voilà que le chef de l'Etat annonce son intention de confiner France 24 au statut de chaîne strictement francophone », notent les syndicats dans un communiqué. « Soyons lucides : la compétitivité des grandes chaînes internationales repose, de nos jours, sur leur capacité respective à s'ouvrir sur le monde, en développant des services en langues diverses », estiment les syndicats qui citent en exemple CNN Türk, la BBC en 33 langues et Al Jazeera en anglais. De nombreux compatriotes travaillent au service arabe de France 24, une chaîne qui n'a jamais trouvé réellement son public. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui s'est démarqué de Nicolas Sarkozy sur l'idée d'une chaîne internationale ne diffusant qu'en français, a souligné que « la période de concertation est à peine entamée et celle de conception n'est pas terminée ». A suivre.
