Depuis les élections législatives, loin des attentes du pouvoir, le président de la République se trouve confronté à un véritable dilemme dont je ne mettrai en relief que deux éléments, à savoir la révision constitutionnelle et le choix du Premier ministre. 1) Les élections législatives du 10 mai 2012 se sont soldées par un très fort taux d'abstention. Le nombre de voix abstention, 12.307.800 plus les bulletins nuls, à savoir 1.704.047, plus les partis n'ayant obtenu aucun siège, 1.366.656, ce qui fait 15.381.5O3 soit plus de 73 %. Aussi, selon les statistiques de l'ONS du 22 mai 2012, le nombre d'Algériens est en janvier 2012 de 37,1 millions. 159 adultes algériens non inscrits sur les listes électorales, ce taux de non représentation approche 80 %. Pour le parti FLN, qui instrumentalise toujours un sigle de propriété de tout le peuple algérien, le nombre de suffrages recueillis a été de 1.324.363 voix pour 208 sièges alors qu'en mai 2007 il avait obtenu 1.315.686 voix pour 136 sièges bien qu'ayant assisté à un nombre d'électeurs inscrits officiellement de 21.645.841 contre 18.760.400 pour mai 2007, soit un accroissement de 2.905.241 de votants. C'est une régression comme l'atteste le ratio nombre de sièges par rapport au total qui donne 45,02 % ; le ratio suffrages recueillis sur nombre d'inscrits a été de 6,11 %, moins qu'en 2007. Rapporté en plus aux électeurs non inscrits, ce taux ne dépasse pas 5,1 %. Pour le FLN et le RND, le taux de représentativité par rapport aux données officielles ne dépasse pas 8 % et inclus l'Alliance de l'Algérie verte, le FFS, le PT seulement 9,87% de voix par rapport aux inscrits potentiels. On en déduit que cette Assemblée non représentative ne peut amender la Constitution qui engage l'avenir de toute une nation devant passer forcément par le référendum. D'ailleurs, plusieurs contributions internationales, dont celle du quotidien français le Monde en date du 31 mai 2012 et le débat sur la télévision française iTélé de la même date semblent remettre en cause certaines déclarations de la délégation européenne, avantages au pouvoir, qui a supervisé les élections en Algérie attendant la conclusion finale du rapport après un débat à huis clos au Parlement de Strasbourg. Il semble que le rapport de la CNISEL parlant de fraude et de non-transparence ait eu un large écho au niveau international. 2) L'autre dilemme est la nomination du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur qui doivent avoir le consensus des différents segments du pouvoir car pouvant avoir une influence sur le déroulement de l'élection présidentielle d'avril 2014 qui constitue l'enjeu principal. Le président de la République, selon la Constitution actuelle, ne l'oblige pas à choisir le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire qui n'est pas chef de gouvernement ayant opté pour un régime présidentiel. De 2002 à mai 2012, le programme appliqué au sein de l'alliance FLN-RND-MSP a été celui du Président avec, à deux reprises, comme Premier ministre le parti du RND minoritaire. Se pose cette questionsoulevée d'ailleurs par bon nombre d'observateurs : ne fallait-il pas au préalable modifier la Constitution avant les élections législatives afin d'éclaircir les équilibres futurs du pouvoir ? Malheureusement, depuis l'indépendance politique, le pouvoir a distribué des postes en fonction de l'équilibre régional qui est un faux critère et non de la compétence (car pouvant trouver au sein d'une même région les meilleures compétences), qui devrait être le seul critère de sélection au sein d'un Etat de droit. La fonction de président de Sénat étant assuré par l'Ouest, le président de l'APN, selon certaines sources de la Kabylie, reste à trouver un nom de l'Est qui fasse l'unanimité de la région, l'actuel Premier ministre, les actuels ministres de l'Eau et de l'Energie étant originaires, selon certaines sources, de la Kabylie bien qu'étant pour les deux derniers-nés, l'un à Constantine et l'autre à Batna, l'actuel président du CNES de Guelma cité par la presse ne faisant pas l'unanimité, selon certaines informations au sein même de sa wilaya et de sa région. Quant au ministre des Travaux publics, de Ténès, il y aura lieu de tenir compte des scandales financiers ayant ébranlé son secteur où ses principaux collaborateurs sont soit en prison soit sous contrôle judiciaire, posant la problématique de la moralité de l'Etat. D'autant plus que son parti s'est retiré du gouvernement. Ainsi, le pouvoir se trouve piégé de cet équilibre régional néfaste. Quelle conclusion tirer ? Au moment où certains se livrent en Algérie à des calculs tactiques de court terme, conduisant au statu quo suicidaire pour le pays, qui, avec les élections locales de novembre 2012, de la révision constitutionnelle au courant du premier semestre 2013 avec les ramadhans, fêtes et les vacances d'été 2012-2013 risquent de nous conduire jusqu'à juin 2014 si l'on tient compte de la formation d'un nouveau gouvernement après les élections présidentielles d'avril 2014. Le monde, confronté à une très grave crise économique qui sera de longue durée, ayant une influence sur l'Algérie à terme, pense stratégie, c'est-à-dire l'avenir de leur population à moyen et long terme. L'Algérie de 2012 est en plein syndrome hollandais : 98 % d'exportation en hydrocarbures avec épuisement pour le pétrole dans 16 ans, le gaz conventionnel dans 25 ans et 70-75% d'importation pour les entreprises et ménages, tout cela avec une corruption socialisée. Distribuer des salaires sans contreparties productives pour une paix sociale éphémère, démobilisant encore plus la population, et importer des biens qui devient plus avantageux que de les produire localement. Il s'ensuit comme impact une plus forte dépendance aux importations et la généralisation du gain facile où la récompense de l'effort devient accessoire par rapport à la débrouillardise comme le montre la dominance de la sphère informelle et, selon les dernières statistiques de 2012 du nombre croissant de commerçants locaux et étrangers au détriment de la sphère productive. Sans Etat de droit, une véritable démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle, impliquant une mutation systémique, donc de profondes réformes structurelles, cette situation anomique peut perdurer… tant qu'il y a la rente des hydrocarbures.