Le chef de l'Etat syrien ne lâche rien, au nom de la realpolitik. Il nie toute responsabilité et lien avec le massacre de Houla, dans lequel plus d'une centaine de personnes ont trouvé la mort le 25 mai. Le Conseil des droits de l'Homme qui siège à l'ONU à Genève a demandé une enquête. Comment encore supporter sans brancher, sauf dans le foisonnement des indignations verbales, les horreurs commises en Syrie? Comment comprendre l'attitude de la Russie et de la Chine, indéfectibles soutiens d'un dictateur sanguinaire? Et que penser de ce Bachar El Assad qui nie les exactions de son armée avec un plan démenti par les témoignages, accuse l'«étranger», traite les manifestants de «terroristes» et refuse toute ouverture? Cet aveuglement confine à la folie, à moins qu'El Assad, longtemps une pôle figure ,guère remarquée sur la scène internationale, soit lui-même manipulé, car c'est une sanglante partie de realpolitik qui se joue en Syrie. Avec des commanditaires lointains, sur fond de guerre de religion avec des sunnites brimés par la minorité alaouite (proche du Chiisme) au pouvoir, elle-même soutenue – au moins passivement – par les diverses minorités chrétiennes. Derrière Damas se profile Téhéran, et derrière l'opposition – plutôt, les oppositions sunnites, les Etats du Golfe ,peut-être aussi des officiers turcs. L'embrasement a déjà gagné le Liban où le Hezbollah chiite constitue un Etat dans l'Etat. Demain, le risque du déflagration pourrait courir ailleurs au Moyen-Orient. Surtout là où les «printemps arabes» semblent en voie de confiscation, comme en Egypte. Cette instabilité dont la Syrie n'est que l'un des épicentres, inquiète particulièrement l'occident, ne serait-ce que pour l'approvisionnement en pétrole et la préservation des voies maritimes indispensables à l'économie. Mais un tel «désordre» ne convient pas non plus à la Chine, manufacture du monde. Pas davantage à la Russie qui, avec 20 % de musulmans sur son sol, a déjà combattu des récoltes politico-islamistes en Tchétchénie, en Ossétie et au Daguestan. La realpolitik du Kremlin préfère l'ordre en place à Damas, même entaché de sang. Avec d'autres arrière-pensées aussi, Moscou pourrait être plus flexible sur la Syrie si l'Otan était moins rigide dans son projet de bouclier antimissiles en Europe, dont le Kremlin ne veut pas. Quant à Pékin, tout ce qui dérange les Américains et les Européens fait taire leurs sempiternels reproches sur la gouvernance économique et monétaire chinoise. «Le prix» de cette «subtile» politique ? Les enfants, les femmes, les vieillards assassinés à Houla et ailleurs. De quoi hurler… en somme le sang de la realpolitik.