Reporters sans frontières est consternée par le verdict du tribunal de Mascara (à 300 km environ à l'ouest d'Alger), qui a condamné le journaliste Manseur Si Mohamed à de la prison ferme, et à une amende de 50 000 DA (soit près de 500 euros) pour propos «diffamatoires», le 20 mai 2012. «La condamnation d'un journaliste à de la prison ferme pour un délit de presse n'est pas digne d'un pays qui a dépénalisé la diffamation dans son nouveau code de l'information, entré en vigueur en janvier 2012. La condamnation de Manseur Si Mohamed démontre que cette réforme législative était illusoire, puisqu'elle est contournée par des dispositions du code pénal. Ce jugement viole de toute évidence les engagements internationaux de l'Algérie et notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le comité des droits de l'Homme a rappelé dans son observation générale n°34 que «Les Etats parties devraient envisager de dépénaliser la diffamation» et que «l'emprisonnement ne constitue jamais une peine appropriée», a déclaré Reporters sans frontières (RSF). Manseur Si Mohamed, journaliste et chef de bureau de La Nouvelle République, quotidien francophone, et qui préside par ailleurs la section locale du Syndicat des journalistes algériens à Mascara, a été lourdement sanctionné par la cour, suite à la publication, le 20 décembre 2011, d'un article de presse jugé diffamatoire. Le papier incriminé, intitulé «Un Conseil d'Etat, pourquoi faire ?», entendait dénoncer la non-application des arrêts de la Cour suprême et du Conseil d'Etat sanctionnant les autorités publiques du pays. Le 6 mai dernier, lors de la première audience, le représentant du ministère public du tribunal de Mascara avait requis six mois de prison ferme assortie de 50 000 dinars d'amende. «Injuste», selon l'organisation, la peine retenue est finalement de deux mois ferme. L'article de Manseur Si Mohamed mettait en cause la directrice des impôts de la wilaya (district) de Mascara, accusée d'avoir refusé de réintégrer un haut-fonctionnaire après l'annulation par le Conseil d'Etat d'une décision de «rétrogadation». «Ces peines sont clairement disproportionnées et risquent d'avoir un effet dissuasif sur la liberté de ton et le travail d'enquête des journalistes algériens», a ajouté Reporters sans frontières. Selon Kamel Amami, secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ), joint par l'organisation le 18 juin 2012, les magistrats auraient rendus leur verdict par «excès de zèle», en contournant le nouveau code de la presse. Le syndicat s'est dit déterminé à suivre l'affaire et à faire appel de ce jugement.