Mardi et mercredi derniers, la commune chef-lieu de la wilaya d'Annaba était ville morte en termes d'activités du secteur des services. Ainsi en ont décidé les commerçants de la 4e ville d'Algérie, exaspérés par les reculades et les hésitations des autorités de la wilaya quant à une sérieuse prise en charge du problème du marché informel pour l'éradiquer. Cette exaspération est également la conséquence du mépris qu'aurait affiché le directeur du commerce à l'égard des animateurs de ce secteur aussi stratégique que névralgique. «Après avoir vainement attendu une réaction positive des autorités à nos multiples appels pour mettre un terme à l'occupation des trottoirs et routes à proximité desquels sont implantés nos commerces, nous avons décidé d'un commun accord d'une grève générale de deux jours. Cette situation, qui nous est très préjudiciable, est à imputer aux tenants du commerce informel. Quotidiennement, ils installent à proximité de nos locaux leurs étals de produits de bazar. Notre tentative de prendre langue avec le directeur du commerce s'est heurtée contre une méprisante fin de non-recevoir», a affirmé Kamel, un commerçant très influent sur la place économique locale à Annaba. Se faisant porte-parole de ses homologues de tous les types de commerce, il a ouvertement critiqué les actuels dirigeants locaux de l'Union générale des commerçants algériens. Ces derniers ont été qualifiés de non-représentatifs des commerçants. La situation a atteint le point de non-retour. Non seulement pour les commerçants légalement constitués, c'est-à-dire détenteurs d'un registre du commerce donc contribuables des impôts, mais également des habitants riverains des rues et ruelles transformées en un bazar à ciel ouvert. «Chaque soir, ceux qui animent le marché informel laissant derrière eux des monticules d'ordures et déchets. Ce qui a pour conséquence la multiplication des rongeurs et le dégagement de puanteurs insoutenables qui envahissent nos logements», a affirmé l'un de ces habitants. C'est dire que l'informel a pris des proportions inquiétantes. De nombreux commerçants ont préféré procéder à la suspension de leurs activités et baisser rideau pour ne plus avoir à payer des impôts ou faire l'objet de tracasseries des représentants des services chargés des contrôles (qualité des produits et hygiène des lieux). Beaucoup ont adopté cette démarche pour occuper le trottoir ou parcelle de route ou ruelle jouxtant leurs locaux. Les uns pour y commercer, les autres pour interdire aux animateurs du marché informels de s'y installer. D'où l'image d'une totale anarchie. Tables, chaises, lits, cartons et divers objets hétéroclites forment les moyens utilisés pour la réservation des emplacements d'étalage à même le sol. C'est à qui, des commerçants ou de l'informel arriverait le premier pour occuper les lieux. Toute opposition de l'un ou de l'autre des prétendants au squattage entraîne des rixes à l'arme blanche. Le centre-ville est pratiquement le royaume du commerce informel de l'habillement, cosmétiques, ustensiles de cuisine et autres produits issus des trafics tous genres, y compris de la devise et de la drogue douce et dur. Tout se fait sous la surveillance et le contrôle des spécialistes du marché informel que dirigent discrètement de gros nababs du blanchiment d'argent. Quelle que soit la situation sociale des habitants, les cités et les quartiers ne sont pas épargnés par cette anarchie. Ils sont le royaume des charrettes à bras des fruits et légumes. Là également, l'hygiène et la salubrité publiques se sont transformées sont devenues une vue de l'esprit de ceux qui légifèrent des lois tendant à la sauvegarde de la santé publique. Même la viande et autres produits carnés, dont la provenance reste à déterminer, sont présents sur des étalages de fortune soumis à la pollution des voitures et autres bus. A la Plaine Ouest, la Colonne, Oued Eddeheb, la Vieille- ville, Bd Emir Abdelkader, quotidiennement des centaines de ces engins tenus par des jeunes venus des régions limitrophes occupent la voie publique. Gare à l'automobiliste qui rouspéterait pour passer. Bien que soulevée lors de la session ordinaire de l'automne 2011 par les membres de l'Assemblée populaire de wilaya et que le wali ait annoncé sa décision de combattre ce fléau, la situation est restée telle qu'elle. Pis, stimulés par l'absence de toute réaction des autorités locales face à cette anarchie, des animateurs du marché informel ont érigé des tentes, parasols et même des bicoques au beau milieu de la chaussée. C'est le cas à Oued Eddeheb, à la Plaine Ouest et à la Colonne. D'autres ont carrément pris possession de la voie publique pour interdire la circulation automobile. A cette grève générale des commerçants d'Annaba, s'ajoute celle des boulangers. Ces derniers ont, en effet, décidé de mettre durant les deux mêmes jours à l'arrêt leurs pétrins jusqu'à la satisfaction de leur revendication portant sur la revalorisation du prix de la baguette de pain.