Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani
L'anarchie qui caractérise le secteur du commerce à Annaba a atteint des proportions dangereuses menaçant l'existence légale de cette activité pourtant réglementée et supposée être contrôlée par les services de l'Etat. En effet, la multitude de marchés sauvages implantés presque dans tous les quartiers de la ville et dont la plupart se sont spécialisés dans certains produits ont été à l'origine de fermetures de commerces inscrits au registre dont les propriétaires ont changé d'activité et pour certains ont quitté les lieux.Ces nouveaux commerçants, qui ont désormais pignon sur rue et qui brassent des milliards hors de toute forme de contrôle même celui incontournable et ayant trait à l'hygiène des produits exposés à la vente, sont devenus les maîtres de ce secteur stratégique qu'est la distribution désormais contrôlée par de gros bonnets. C'est par conteneurs entiers que débarquent ces marchandises sur le territoire national via les ports et les frontières passoires où les complicités et la corruption font rage (et cela tout le monde le sait) pour atterrir dans les marchés de gros d'El Eulma (dans la wilaya de Sétif) ou de Tadjenanet (dans la wilaya de Mila), des marchés tout aussi informels où les factures bidon sont délivrées pour couvrir le transit et l'acheminement de ces marchandises par les routes menant aux grandes villes de l'est du pays. Un grand bazar à ciel ouvert où se déversent ces produits, dont une grande partie avariée, périmée, impropre à la consommation et interdite dans d'autres pays. L'économie nationale est ainsi complètement extravertie servant des intérêts qui se trouvent outre Méditerranée et des pays lointains comme la Chine.Annaba, pôle commercial important du fait de sa vocation touristique, de sa population en pleine croissance et du nombre grandissant de ses visiteurs, est devenue, ces derniers temps, la ville la plus convoitée par ces commerçants fraudeurs, on vient de partout et on s'y installe pour écouler sa marchandise le plus normalement du monde sans être inquiété. La ville croule et étouffe sous cette abondance de produits et les espaces censés être publics ne le sont plus puisque l'on squatte maintenant tout, entrées d'immeubles, chaussées, places publiques, devantures de magasins, de restaurants, de cafés et même des abribus au grand dam des usagers des transports publics. Les services de l'Etat n'y peuvent rien et laissent faire de crainte d'avoir à gérer des situations de conflit qui aboutiraient à des émeutes et menaceraient ce semblant d'ordre ou de désordre «ordonné» établi. Et le nombre de ces «opérateurs» autoproclamés de l'informel augmente dangereusement à telle enseigne que des commerçants dits légaux ont baissé rideau, se sont faits radier du registre de commerce pour s'essayer à cette nouvelle activité très lucrative, puisque de toute manière ils n'auront plus à payer d'impôts. Cette situation a amené récemment les élus de l'APW à débattre de la question de l'informel lors de la dernière session de cette instance. La plupart des intervenants ont dénoncé cette situation qui ne peut avoir que de graves conséquences sur l'ordre, la sécurité et la santé des citoyens habitant la wilaya. Tous les espaces publics sont occupés par ces parasites, a dénoncé un des élus, et même la chaussée, puisque l'on ne permet le passage que d'un seul véhicule à la fois et dans un seul sens, c'est devenu invivable et il n'est plus possible de continuer ainsi. Il faut agir et trouver une solution adaptée à la situation !» Un autre évoquant le problème d'hygiène dira : «On vend de la viande non estampillée donc non contrôlée par les vétérinaires ce qui laisse supposer l'existence d'abattoirs clandestins. C'est un danger pour la santé publique, nous sommes tous des consommateurs et nous craignons pour notre santé ; il faut agir au plus vite !» D'autres insisteront sur la nécessité de construire de nouveaux marchés pour rassembler ces revendeurs et ainsi les contrôler de façon à ce qu'ils ne peuvent vendre que des produits sains. Selon les déclarations du directeur du commerce qui est intervenu pour répondre aux différentes questions posées par les élus, il y a actuellement à Annaba 16 marchés non sédentaires en plus des 9 hebdomadaires, la plupart des commerçants y activant ne sont pas inscrits au registre du commerce et donc il est impossible de les contrôler. Pour l'informel, il y a actuellement 22 points de vente recensés (47 selon le rapport de l'APW), et il s'agira d'intégrer graduellement ces commerçants dans le circuit commercial officiel. Le rapport présenté par l'APW, s'il dénonce cette situation anarchique, ne prône nullement l'éradication de ce type de commerce mais plutôt un traitement serein du phénomène. «Il ne s'agit pas de livrer bataille contre ces vendeurs sur les trottoirs mais plutôt d'une intégration graduelle dans l'économie officielle en leur facilitant les formalités d'inscription au registre du commerce ; le rôle de sensibilisation des associations et les représentants de ces commerçants est important dans la concertation avec l'instance exécutive.» Est-il notamment souligné dans ledit rapport. Concernant l'aménagement et la construction de nouveaux marchés pour absorber ce nombre importants de commerçants de l'informel, des sommes colossales ont été allouées. A titre d'exemple, 130 millions de dinars ont été affectés pour le marché de gros, 70 millions de dinars pour la réhabilitation et l'aménagement des marchés de quartier, et 72 000 000 de dinars pour la réalisation de marchés de proximité. En attendant, la situation ne s'améliore pas et les commerçants de l'informel battent tous les records au détriment des quelques commerçants établis qui continuent malgré tout à résister.