Sans gouvernement depuis plusieurs mois, l'économie algérienne continue de fonctionner montrant clairement le fondement d'une économie totalement rentière. Comment ne pas rappeler l'interview d'un sociologue montrant que le blocage est d'ordre systémique, qui, à la question à un échantillon d'Algériens gouvernants et gouvernés : allez-vous travailler ou au travail, a eu , à 80%, la réponse suivante : je vais au travail. De 2000 à 2008, l'Algérie a pu engranger officiellement, selon le bilan de Sonatrach, 350 milliards de dollars de revenus suite à l'exportation des hydrocarbures (source rapport MEM 2009). Le bilan officiel de Sonatrach donne, pour 2009, 43 milliards de dollars de recettes, 57 milliards pour 2010, 72 milliards pour 2011 et une prévision de 76 milliards pour 2012, ce qui donnerait un total de 522 milliards de dollars entre 2000 et 2011 et donc environ 560 milliards de dollars entre 2000 et la fin de juin 2012, allant vers 600 milliards de dollars à la fin de 2012, sous réserve du maintien des cours actuels qui ont fléchi depuis mai 2012 de plus de 37 dollars, remettant en cause les prévisions du FMI de clôture des réserves de change à 205 milliards de dollars. La partie dinar représente environ 20 % de la dépense en grande partie par la part de la masse salariale, la majeure partie des matières premières et équipement étant importés. Donc, le solde des réserves de change moins les recettes hors hydrocarbures exportables moins les intérêts, sous réserve que les données des recettes de Sonatrach soient exacts, doit correspondre à la différence entre 2000 et juin 2012 de 560 milliards de dollars moins le total des importations de biens et services (prendre comme référence la balance des paiements et non la balance commerciale) durant cette période, les services ayant clôturé à la fin de 2011 à presque 12 milliards de dollars contre 2 milliards en 2002, montrant la dévalorisation du savoir. Entre 2000 et 2012, 98% des recettes en devises libellées en dollars proviennent de Sonatrach, important 70 à 75% des besoins des ménages et des biens des entreprises tant publiques que privées, le taux d'intégration ne dépassant pas 15 %, dont 60% en euros. Sonatrach génère selon les années, fonction du prix international, des coûts et du volume produit, 40% du produit intérieur brut mais, en réalité, avec les effets indirects (irriguant les autres secteurs via la dépense publique, BTPH et commerce intérieur et extérieur notamment) plus de 80 % du PIB. Sonatrach ne contribue donc pas à la création tant de la valeur véritable que de l'emploi, n'étant pas sa vocation, mais peut être considérée comme un puits de ressources financières, la pétrochimie étant marginale. Cela explique la prospérité de la banque publique BEA, banque de Sonatrach, prospérité non due à sa gestion interne, puisque l'Algérie n'a pas à proprement parler de système financier lieu de distribution de la rente, donc enjeu de pouvoir, les banques publiques dominant 90 % du crédit octroyé, étant des guichets administratifs malgré de nombreuses compétences ce qui renvoie au fonctionnement du système. Ainsi, après 50 années d'indépendance politique, c'est le syndrome hollandais : Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach. Trois hypothèses de calcul 1) Si l'on prend comme hypothèse que l'autofinancement de Sonatrach représente un quart de ses recettes 25%. 2) Une population active en moyenne durant cette période de 8 millions de personnes et une population moyenne de 32 millions, cette dernière ayant été, selon l'ONS, de 37,1 millions d'habitants au 1er janvier 2012. 3) Pas d'importation, pas de subventions ; la population algérienne aurait une bon par an en fonction des recettes de Sonatrach étant libre d'importer ou d'acheter localement et de vaquer librement. Le revenu moyen mensuel, selon mes calculs, de chaque personne active serait largement supérieur au SNMG avec une répartition plus égalitaire de la rente des hydrocarbures. Cette suppression d'une grande partie de ministres économiserait une grande fraction du budget de fonctionnement de ministères budgétivores, l'atténuation des fuites de capitaux, sans compter la fin de la corruption à travers les démembrements des ministères. Les Algériens s'occuperaient alors certainement plus utilement et créeraient de la valeur pour leur propre compte qui s'ajouterait au surplus de Sonatrach. Comment ne pas rappeler l'interview d'un sociologue qui, en posant la question à un échantillon d'Algériens : allez-vous travailler ou au travail, la réponse, à 80 %, a été la suivante : je vais au travail, c'est-à-dire pointer. Cela ne veut pas dire que l'Algérien est médiocre. Les enquêtes en Occident montrent clairement que les Algériens sont de grands travailleurs et que bon nombre de compétences évoluent favorablement. C'est l'environnement bureaucratique qui bloque les initiatives créatrices des Algériens, le pouvoir étant assis sur la rente, marginalisant ainsi les compétences locales. Cependant, évitons l'utopie et soyons réaliste. Le dépassement de cette entropie, de cette société anomique source de décadence à terme, comme l'a analysé minutieusement le grand sociologue Ibn Khaldoun, ne passe pas par un changement de ministres mais par un changement de la politique socio-économique du fait, comme l'a souligné clairement le Premier ministre le 2 juin 2012, il y a échec collectif de cette politique entre 2000 et 2012. Les réformes à venir seront douloureuses, le cas grec étant un épiphénomène de ce qu'attend l'Algérien à l'horizon 2020. La moralité des dirigeants qui doivent donner l'exemple de l'austérité devient un facteur déterminant : en relation avec une lutte contre la corruption qui s'est socialisée, bien que cela n'ait qu'un impact limité sur le budget, pourquoi pas une baisse du salaire du président de la République, du Premier ministre, des ministres, des députés, des sénateurs et de certains hauts fonctionnaires de l'Etat comme acte de moralisation et de mobilisation ? Aussi, sous réserve d'une autre gouvernance, une politique cohérence suppose de grands ministères, comme j'ai eu à le préciser depuis de longues années. Exemple de trois segments clefs : un grand ministère de l'Economie qui regrouperait les finances, le commerce, le tourisme et la promotion de l'investissement, un de l'Education nationale qui regrouperait le primaire, le secondaire, le supérieur et la formation professionnelle et, enfin, une harmonisation des services de sécurité. Car force est de constater une situation paradoxale, un Etat artificiellement riche, un tissu productif délabré en régression et une population en majorité de plus en plus pauvre comme en témoigne les révoltes sociales qui touchent tous les secteurs et toutes les régions du pays que l'on atténue par du saupoudrage de la rente. Cela est la résultante du manque de vision stratégique face à des bouleversements géostratégiques mondiaux qui s'annoncent importants entre 2015 et 2020 et la non-transparence de la gestion de la rente des hydrocarbures, richesse virtuelle propriété de tout peuple Algérien, qu'il s'agit impérativement de transformer en richesse réelle et de son aval les réserves de change dont 90 % sont placées à l'étranger. Dans 16 ans pour le pétrole, 25 ans pour le gaz conventionnel, tenant compte des coûts croissants, de la forte consommation intérieure favorisée par des bas prix source de gaspillage, de la faible croissance de l'économie mondiale due à la crise mondiale, qui sera de longue durée ne s'étant pas attaqué aux fondamentaux de la crise, et des mutations énergétiques mondiales, 50 millions d'habitants algériens vivront sans hydrocarbures. La sécurité nationale est donc posée.