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Le pouvoir bureaucratique sclérosant, source du divorce Etat-citoyens
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 07 - 2012

«C'est l'histoire que j'ai vécu personnellement, en ce mois de juillet 2012, une histoire réelle non encore terminée, loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates qui vivent dans une autre planète, où mon seul souci, étant muni d'un titre de propriété légal, de récupérer un livret foncier où la demande a été transmise aux services des enregistrements depuis 2006 avec des références précises. J'interpelle les autorités concernées pour lever ces obstacles bureaucratiques inadmissibles au moment de l'ère Internet, qui touchent la majorité des citoyens algériens».
Le fonds de commerce induit ne peut s'accommoder de la transparence qu'imposera une informatisation du système, ce qui permettra de réduire le divorce Etat/citoyens. Le contrôle de cette information est un pouvoir trop grand pour espérer qu'il soit abandonné au profit d'une bonne gouvernance. Il serait intéressant à partir d'enquêtes de voir, par exemple, combien de temps ça prend si vous voulez acheter les droits, c'est-à-dire la délivrance des titres de propriété. De Soto, grand expert de la sphère informelle, a clairement démontré lors d'enquêtes - calcul des démarches (longs circuits) - pour avoir un titre légal peut prendre dans certains pays 17 ans. Il y a lieu, également, de mesurer le temps pris en moyenne pour marchander avec la bureaucratie (corruption). Ainsi, un Egyptien passe approximativement entre 3 et 6 années de sa vie dans ce marchandage, reflet de l'extension de la corruption organisée. En Algérie, on n'est pas loin à ce que j'ai pu voir et entendre. Mais point de preuves. Tout se traite à l'oral. Combien d'Algériens ont construit des habitations individuelles notamment mais qui ont en majorité entre 5 à 10 ans des actes administratifs et non des titres de propriété, paradoxe, des conflits entre des structures de l'Etat, notamment les APC et les réserves foncières? Combien d'entrepreneurs au niveau des zones industrielles ont-ils des titres de propriété, souvent demandés par les banques comme une fraction des garanties des prêts octroyés ? Qu'en sera-t-il pour le dossier sensible du cadastre agricole et des enquêtes précises montrent que la majorité des entreprises publiques n'ont pas une délimitation claire de la superficie réelle qu'elles possèdent et celle figurant dans leur bilan ? Que l'on visite en Algérie toutes les wilayas, faisons un inventaire de ces actifs et rapportons cette valeur à celle que donnent les statistiques officielles, et nous aurons mesuré l'importance de ces immobilisations en dehors du droit et que le produit national ne décode pas. Cela a des incidences sur la structuration spatiale des villes qui se créent partout et dans tous les lieux. Selon une enquête intéressante diffusée ce mois de juillet 2012, pour la période du 4e trimestre 2010, par l'organe national de la statistique ONS, «l'emploi informel non agricole était estimé en 2010 à 3,9 millions de personnes occupées qui déclarent ne pas être affiliées au régime de la sécurité sociale, ce qui constitue 45,6% de la main- d'œuvre totale non agricole». Le commer-ce/services informel représenté par des activités individuelles, dont 79,8% n'ont pas dépassé le cycle moyen représenté, est dominant avec «45,3% de l'emploi informel, 37,4% du secteur du bâtiment et travaux publics, et 17,3% de l'industrie». Cette situation est le reflet de la structuration sociale complexe où cette sphère dite «illégale» n'est pas relativement autonome vis-à-vis des sphères bureaucratiques locales et centrales. Or, lorsque le droit ne fonctionne pas, rien d'autre ne fonctionne, avec les risques d'autoritarisme et d'abus qui pénalisent surtout les couches les plus défavorisées. Le droit de la propriété est essentiel, et l'intégration de la sphère informelle est cruciale si on veut créer une économie de marché véritable basée sur la production de richesses et l'Etat de droit. Où est la crédibilité d'un Etat qui ne contrôle que 10 à 20% des activités économiques ? Comprendre l'essence du terrorisme bureaucratique Toute démarche scientifique exige de partir du général pour revenir au particulier afin de proposer des solutions concrètes aux problèmes multidimensionnels auxquels est confronté le pays durant cette étape décisive, les tactiques devant s'insérer dans le cadre d'une vision stratégique à moyen et long terme. La confusion des rôles jouant comme vecteur dans ce sens dans la mesure où la forme d'organisation ne fait que traduire les objectifs ou les non-objectifs qui ont un soubassement politique. Le bureau, comme l'a montré le grand sociologue Max Weber, est nécessaire dans toute économie mais il doit être au service de la société. Il est nécessaire au fonctionnement de toute économie mais non fonctionner comme en Algérie comme pouvoir bureaucratique qui fonctionne en vase clos et qui est le pouvoir numéro 1, car les pratiques sociales contredisent souvent les discours si louables soient-ils. Aussi, la lutte contre le terrorisme bureaucratique en Algérie renvoie à la problématique de la sphère informelle, en fait à la construction d'un Etat de droit qui implique une bonne gouvernance et pose la problématique d'une manière générale à la difficile construction de l'économie de marché concurrentielle et de la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle. Des structures centrales et locales hétéroclites non synchronisées et souvent antinomiques bloquent la circulation de l'information qui en ce XXIe siècle avec la révolution d'Internet constitue le véritable pouvoir, certaines sous-structures ou personnes acquérant plus de pouvoir par la détention de certaines informations. Ces réseaux croisés – étanches – expliquent que lors de séminaires à intervalles de quelques mois, des responsables différents donnent des chiffres différents parfois contradictoires. Par exemple les différents taux de croissance, d'inflation et de chômage donnés qui contredisent les tests de cohérences. La non-maîtrise des données internationales, la faiblesse de la codification existante, la rente ayant pendant des années comblé les déficits au nom d'une paix sociale fictive, la marginalisation des compétences, tout cela engendré fondamentalement par la nature du système bureaucratique explique l'effondrement du système d'information à tous les niveaux où parfois des responsables sont informés par la presse ignorant le fonctionnement de leur secteur. Or la base de toute décision repose sur une information fiable, et une erreur de politique économique peut se chiffrer en pertes pour la nation de plusieurs centaines, voire des milliards de dollars. Pour l'ensemble des raisons évoquées précédemment, les rapports de l'IGF, de la Cour des comptes, des commissaires aux comptes, et même de l'A.P.N. restent incomplets, surtout en tant que mesures à prendre, en recommandations pour éviter que de telles pratiques ne se reproduisent car ne cernant pas les causes fondamentales et surtout les liens complexes entre l'environnement international, les politiques macroéconomiques et sociales et les cellules de base entreprise ou services collectifs. Car pour pouvoir sanctionner une entité, il faut qu'elle ait été responsable. Peut-on sanctionner un directeur général qui a subi une injonction externe. Un directeur général d'entreprise publique est-il propriétaire dans le sens économique large - véritable pouvoir de décision - de son entreprise ? Qui est propriétaire en Algérie de l'ensemble de ces unités économiques et de certains segments des services collectifs se livrant à des opérations marchandes ? C'est toute la problématique du passage de l'Etat propriétaire gestionnaire à l'Etat régulateur ou stratège que n'ont résolu jusqu'à présent ni la structure des fonds de participation ni la nature des holdings, si les sociétés de participation de l'Etat SGP qu'ils soient de 10, 20 ou 30. Cela pose la question fondamentale des incohérences des politiques socio économiques et du manque de visibilité dans la démarche d'une économie de marché productive s'insérant dans la globalisation de l'économie. Le statu quo actuel est préjudiciable à l'avenir du pays amplifié par l'extension du marché informel qui est proportionnel aux actions bureaucratiques. La lutte contre la bureaucratie source de la corruption renvoie à la question de l'Etat de droit, la transparence dans les décisions soutenue par un dialogue permanent ouvert à la société, la bonne gouvernance et à la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle. Cela est sous-tendu par la nécessaire rationalisation de l'Etat dans ses choix en tant qu'identité de la représentation collective. Cela n'est pas une question de lois vision bureaucratique et d'une culture dépassée, les pratiques sociales contredisant quotidiennement le juridisme. En fait le dépassement de cette entropie implique la refonte de l'Etat, liée à la moralisation des personnes chargées de gérer la Cité. L'urgence en Algérie est la fin de l'Etat de la mamelle et celle de la légitimité révolutionnaire, qui doit signifier que le pouvoir bienfaisant ou de bienfaisance inauguré comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l'échange d'une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste et de justice Sans cela, les grandes fractures sociales et politiques différées par la distribution passive de la rente des hydrocarbures, sont à venir. L'histoire réelle, sujet d'un livret foncier, mais pouvant être étendue à d'autres segments, que vivent des centaines de milliers de citoyens algériens quotidiennement, montre clairement l'Algérie du pouvoir bureaucratique rentier sclérosant.

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