L'émissaire international pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, aborde sa mission avec peu d'espoir de trouver une solution pacifique à un conflit de plus en plus meurtrier, face à l'absence de consensus international, estiment des analystes. «M. Brahimi aborde sa mission sans grand espoir de succès en dépit de sa longue expérience et de son professionnalisme», relève l'analyste Ziad Majed, à propos de ce vétéran de la diplomatie internationale. «Il n'y a rien qui indique que la conjoncture internationale a évolué de manière à rendre possible un succès de la mission Brahimi», a-t-il ajouté, en rappelant que la Russie continue de soutenir le régime de Bachar Al-Assad. M. Brahimi a remplacé Kofi Annan, qui a démissionné le 2 août en reconnaissant l'échec de sa mission et en l'attribuant à un manque de soutien des grandes puissances à ses efforts pour mettre un terme au conflit. Le Conseil de sécurité à l'ONU reste très divisé sur la situation en Syrie, où la répression et les combats entre armée et rebelles ont fait plus de 26 000 morts depuis le début de la révolte en mars 2011, selon une ONG syrienne. La Chine et la Russie ont bloqué trois résolutions condamnant Damas. M. Brahimi a lui-même tenu à ne pas soulever trop d'espoirs, allant jusqu'à se dire «effrayé» par la tâche qui l'attend, tout en tenant à souligner qu'il abordait sa médiation sans idées préconçues. «La mission de M. Brahimi a peu de chance de réussir», estime également Neil Partrick, spécialiste du Moyen-Orient. «Le gouvernement syrien va parler à M. Brahimi car il a besoin de montrer qu'il est intéressé par les efforts diplomatiques. Cependant, aucune des parties en conflit en Syrie ne semble vouloir de compromis», a-t-il ajouté. Pour M. Partrick, une transition négociée à la yéménite semble difficile à atteindre. Après plus d'un an de contestation et les pressions des monarchies arabes, l'ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh s'est résolu à quitter le pouvoir début 2012, en échange de l'immunité pour lui-même et ses proches. Son ancien vice-président est chargé de gérer la transition. Pour Abdel Wahab Badarkhan, M. Brahimi va pâtir de «l'échec de son prédécesseur Kofi Annan à mettre fin à la violence et à engager un processus de négociation». «Je suis convaincu qu'on est arrivé à la conviction [dans les cercles internationaux] que l'issue du conflit sera décidée sur le terrain et non par la négociation», affirme M. Majed. «L'arrêt de la violence n'apparaît plus comme une priorité ou une nécessité car tout le monde juge cela désormais impossible», souligne M. Badarkhan. Le travail de l'émissaire international «pourrait prendre beaucoup de temps», car M. Brahimi doit «convaincre les parties en conflit de la nécessité d'une solution politique, ce qui semble dans les conditions actuelles extrêmement difficile». Depuis sa nomination, le diplomate algérien n'a cessé de répéter que l'avenir de la Syrie serait «déterminé par son peuple et par personne d'autre». Déplorant le nombre «ahurissant» de victimes en Syrie, il a néanmoins demandé le «soutien de la communauté internationale». Reste, selon M. Badarkhan, la possibilité d'un changement de situation sur la terrain, comme un effondrement de l'appareil répressif syrien, ou dans les positions de pays comme la Russie et la Chine. «Il n'est pas totalement exclu qu'un jour M. Brahimi aille voir le président Assad pour lui dire : il est temps de partir et on est prêt à vous trouver une porte de sortie», a-t-il dit.