La dirigeante de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi, qui s'était jusqu'ici peu exprimée sur les émeutes confessionnelles dans son pays majoritairement bouddhiste, a déploré mercredi à Tokyo la mise à l'écart des musulmans de Birmanie. Le mois dernier, des affrontements interreligieux ont fait 43 morts en Birmanie. Des milliers de personnes, en majorité des musulmans, ont dû fuir leurs maisons. Lors d'une visite au Japon, la lauréate du prix Nobel de la Paix 1991 a cependant souligné qu'elle n'était «pas une magicienne» capable de mettre un terme aux violences. «J'ai rencontré tout récemment des dirigeants musulmans. Ce qui se passe est très triste. Ils ne connaissent que la Birmanie, ils ne se voient pas aller ailleurs alors qu'on leur fait sentir qu'ils ne sont pas chez eux dans notre pays», a-t-elle dit lors d'une conférence de presse. «Ce qui se passe est très triste, il faut trouver un arrangement avec ceux qui ont un point de vue différent du nôtre», a-t-elle ajouté en souhaitant que le gouvernement birman réforme la législation sur la citoyenneté. Priée de dire si elle considérait les Rohingyas musulmans comme des citoyens birmans, elle a cependant éludé la question. Environ 800 000 Rohingyas vivent dans l'Etat de Rakhine, dans l'ouest de la Birmanie. Ils n'ont pas la citoyenneté birmane, pas plus que celle du Bangladesh voisin et de nombreux Birmans les considèrent comme des immigrés illégaux. En 2012, des violences dans l'Etat de Rakhine ont fait 110 morts et 120 000 sans-abri, en majorité des Rohingyas. Lors d'une intervention devant des étudiants de l'université de Tokyo, Aung San Suu Kyi avait auparavant plaidé pour l'établissement d'un Etat de droit dans son pays. «L'instauration d'un Etat de droit est essentielle. Il ne s'agit pas uniquement de pouvoir judiciaire mais également de l'administration, du gouvernement, de nos forces de police», a dit la dirigeante de la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Les tribunaux birmans ne peuvent correspondre aux normes démocratiques s'ils sont «totalement dominés par le pouvoir exécutif», a-t-elle poursuivi. A propos des affrontements communautaires, a-t-elle ajouté, «on attend de moi que j'explique comment y mettre un terme mais je ne suis pas une magicienne. Si je l'étais, j'aurais dit «disparaissez» et elles auraient disparu. «Il faut du temps pour résoudre les différends.»