Dans un entretien accordé à La Nouvelle République, en marge du 4e colloque international d'anthropologie et musique organisé du 16 au 21 avril par le ministère de la Culture et le Centre national de recherches préhistorique, anthropologique et historique d'Alger (Cnrpah), à Beni Abbès, l'ethnomusicologue allemande, Edda Brandes, a indiqué qu'il existe en Allemagne un archivage rare et précieux d'enregistrements de musique algérienne au niveau de l'archive phonographique de Berlin, l'un des plus grands centres d'archives. La Nouvelle République : Avant toute chose, parlez-nous de votre expérience comme ethnomusicologue dans le sud de l'Algérie et dans le monde ? Edda Brandes : J'ai commencé mes enregistrements sur le patrimoine musical des touareg dans le Sud de l'Algérie et plus précisément dans l'Ahaggar après j'ai fait d'autres enregistrements dans le Gourara à Timimoun. Par la suite, j'ai été dans le Sud de la Chine où j'ai enregistré la musique des minorités, j'ai voyagé également en Malaisie et en Thaïlande où j'ai enregistré pas mal de pièces. J'ai effectué un long séjour au Mali pendant, j'y suis restée six ans avec d'autres collègues. Nous avons collecté, documenté et sauvegardé le patrimoine musical du Mali. Tout ce travail se trouve au Centre d'archives à Berlin et aussi au Musée national du Mali. J'ai réalisé, aussi un film : «Ainsi va la vie» sur l'excision des filles et femmes au Mali. Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées sur le terrain ? Au début, la chose qui me paraissait la plus difficile, c'est que je ne parlais pas correctement le français, mais cela ne m'a pas empêchée de prendre de bons enregistrements. Mais en dépit du fait que je sois timide et respectueuse des traditions, ce qui m'empêchais de poser toutes les questions que je devais, j'ai tout de même réalisé un bon travail de collecte. Mais maintenant, tout a changé et avec la rencontre d'autres personnes et d'autres collègues, je complète ce que j'ai appris peut-être il y a 30 ans. Quelles sont les difficultés que peut rencontrer un ethnomusicologue dans ses recherches sur le terrain ? Je crois que la chose la plus difficile pour un chercheur ou un ethnomusicologue, c'est comment approcher les gens pour gagner leur confiance et trouver l'atmosphère idéale pour échanger. Et je dirai que pour toucher cette tranche de société, il faut être accompagné d'un interprète, par exemple moi je ne parle pas l'arabe donc si je veux, vraiment, entrer en communication avec quelqu'un qui parle en arabe, il me faut un interprète (rires). Parlons de l'archivage du patrimoine musical, selon vous quel est son importance dans la préservation du patrimoine immatériel ? L'archivage est l'action de mettre en archive un patrimoine musical très remarquable afin de fournir à la nouvelle génération toutes les informations nécessaires pour comprendre ce qui se passe sur le terrain. L'archivage est aussi très utile à l'accès de ces derniers au patrimoine qui se perd dans le temps et qui peut être revitalisé avec du matériel archivé en cas de besoin. Pouvez-vous nous parler du rôle de la numérisation des archives musicales dans la préservation du patrimoine musical ? La numérisation des archives musicales est une opération très importante pour un chercheur ou un ethnomusicologue car elle lui facilite la tâche pour revoir et échanger ses travaux de recherches par exemple, j'ai à mon actif 40 ans d'enregistrements dans le monde et j'ai des bandes et des bobines, à la maison, dans mon propre archivage dans une grande armoire métallique et maintenant si je veux présenter mes travaux, il m'est impossible d'emmener toutes mes bobines surtout si je pars en voyage d'où l'importance de la numérisation. Existe-t-il en Allemagne, dans l'archivage phonographique de Berlin, des documents du patrimoine musical algérien ? Oui, il existe, en Allemagne des documents sur le patrimoine musical algérien au niveau de l'archivage phonographique de Berlin qui contient un trésor inestimable des musiques du monde. C'est aussi l'un des plus grands centres d'archives qui existe depuis plus de 100 ans comme celui à Vienne en Autriche.