Les matinées les plus insupportables restent gravées dans les mémoires tant les jeûneurs sont eux-mêmes responsables des désagréments vécus dans la difficulté. Le mois de ramadhan est avant tout un des cinq piliers de l'Islam auquel il est impossible d'échapper sous peine de fauter gravement vis à vis de Dieu ou d'être montré du doigt comme incroyant. Et il est, en Islam, tout à fait hors de question de manger sur la voie publique, même si on est malade. Quant à nous, notre intérêt est bien précis : rapporter des anecdotes drôles concernant les matinées de ramadhan qui ont marqué ceux qui les ont vécues. Des moments difficiles mais qui prêtent à rire Nous avons choisi pour ce thème des cas dus à la négligence, voire au manque de moyens pouvant conduire à des situations dures à vivre dont celle bien vécue par un fervent pratiquant au point d'en garder de vifs souvenirs. Il vivait alors comme célibataire : «Cela s'est passé pendant l'équinoxe de printemps et je m'apprêtais à vivre la journée de ramadhan du lendemain en préparant tout ce que j'aimais pour le s'hor : boule de pain croustillant, confiture et beurre frais, café au lait, banane et grosse orange pour le dessert. Mais quelle fut ma surprise lorsque je m'étais réveillé après le lever du soleil ! les victuailles que je m'étais choisis pour me régaler à l'heure de l'«imsak» étaient là, bien posées sur la table et semblaient me dire : pauvre de toi, car ce qui te reste maintenant c'est de partir au travail en prenant soin de nous dire : «au revoir». Ce que je fis piteusement et dans le silence absolu, avec la certitude de souffrir de la faim jusqu'à l'heure du ftour et de m'en vouloir pour le restant de mes jours, de ne pas m'être réveillé pour prendre le repas du s'hour. Cette histoire montre ce que le manque de sommeil peut avoir comme conséquence pour tous les jeûneurs qui veillent au point de les empêcher de se réveiller à l'heure précise. Ceci nous apporte la preuve que nous sommes responsables de tout ce qui nous arrive pendant ce mois sacré. En réalité nous nous laissons aller à des excès qui nous causent des dommages se traduisant par notre incapacité à entamer efficacement, comme en temps normal, chaque matin de journée de Ramadhan. Deux collègues se font des confidences. Chaque début de matinée de Ramadhan, l'un d'eux revient presque malade : il mange trop et n'arrive pas à dormir pour être en forme. Il raconte à l'autre et chaque matin qu'il a mal au ventre. Et à force de l'entendre se plaindre de ces indispositions handicapantes, l'autre lui pose une question indiscrète : qu'est-ce que tu manges pour devenir si malade. «Beaucoup de choses lui répond-il : chroba blanche, chorba rouge, bourek, tomates ou poivrons farcis, plat au poulet puis à la viande rouge et avant de finir sa longue liste il s'adresse à son camarade pour lui demander en quoi consistent ses repas. «Chez mois c'est simple, lui dit-il, tout est à base de couscous huilé et accompagné de légumes à l'heure du ftour et de raisin au s'hour à la place de la chorba, nous prenons des figues sèches trempées dans l'huile, moi et ma femme nous avons aussi décidé de nous priver de viande durant tout le mois, nos enfants étant trop petits pour venir à la table. Avec des jeûneurs de cette trempe, les bouchers peuvent fermer pour changer d'activité durant le Ramadhan. Ces histoires ont été recueillies au cours d'un mois d'octobre des années soixante dix. Il y avait beaucoup de raisin dit dattier, des figues sèches nouvellement récoltées. Et que dire des deux modes de vie durant le jeûne ? chacun son jugement. Il y a des plats qui rendent désagréables les matinées On doit citer ceux à base de pois chiches et les jeûneurs, parmi les plus modestes en ont fait la triste expérience. Une fois, il y a eu du temps des monoprix un arrivage de pois chiches en début de Ramadhan, comme si tout l e monde en consommait sans limite, et le prix fut tentant pour les petites bourses. Ceux qui en avaient fait des réserves avaient vite déchanté. L'un des jeûneurs nous a raconté qu'il n'y avait rien de pire pour produire de grosses quantités de gaz à dégazer dès l es premières heures de la matinée de Ramadhan. Imaginez la situation et les désagréments que cela entraîne lorsqu'on est obligé d'être dans le grand public et avec de nombreux collègues. Un autre nous a parlé d'une idée géniale de recette «mezfouf aux pois chiches pour le s'hour». «J'ai été, nous a-t-il avoué, obligé de prétexter une fatigue soudaine, tant je n'étais pas à l'aise avec les gaz qu'il fallait évacuer à tout instant. C'est dur à supporter le matin surtout lorsqu'on doit être frais et disposé pour entamer la journée». Et en période d'abondance de tomates et poivrons vendus à des prix bas quand cela coïncide avec le Ramadhan, beaucoup d'idées en matière de cuisine viennent à l'esprit des gens qui ne cherchent qu'à traverser le mois sacré en dépensant le mois possible. On se met aux plats anciens à base de tomates et de poivrons grillés et épluchés puis trempés dans l'huile d'olive ou de colza. Cela se mange avec une galette de préférence. C'est bon et économique, mais à condition de ne pas associer le piment piquant qui consommé en excès peut donner une diarrhée et pour une matinée de Ramadhan, cela peut devenir dur à supporter. Ce qui, par contre peut perturber la journée de travail, c'est la tchektchouka faite avec de la tomate des poivrons et des œufs cuits dans l'huile. C'est lourd à supporter le matin, d'après les connaisseurs, pour le s'hour surtout, c'est un plat à éviter. Ne peut-on pas considérer ces témoignages comme utiles pour nous inciter à comprendre qu'un plat peut vous rendre la journée agréable ou vous la gâcher, et qu'il faut faire l'effort de cuisiner à moindre frais et sans trop de dégâts pour l'estomac qui a besoin d'être ménagé ou de se reposer..