« S'il m'avait été permis d'avoir pour ami intime quelqu'un d'autre que Dieu, cela aurait été Abou Bakr. Seulement, il est mon frère et mon compagnon.» (Parole du Prophète Mohammed (QSSSL), rapportée par Bukhâri dans son Sahih.) Il faut dire que plusieurs épreuves attendaient ce dernier ainsi que ses compagnons qui sont restés avec lui. Plus l'islam progressait parmi les gens de La Mecque et des alentours, plus l'acharnement des infidèles augmentait et devenait intolérable. Il est vrai que la conversion d'un noble comme Abû Bakr avait amené la conversion d'autres membres de la noblesse mecquoise comme «Uthman, Talha, Zubayr Ibn Al 'Awwâm, Abî Waqqâs, etc.» Avec la conversion d'un autre illustre homme, «Umar Ibn Al-Khattab , l'islam s'imposait peu à peu et le parti des musulmans se renforçait. Ceci avait provoqué, par voie de conséquence, le courroux des infidèles qui redoublèrent d'acharnement dans leurs persécutions contre les faibles d'entre les musulmans. Une nouvelle fois, le Prophète (QSSSL) envoya plusieurs de ses compagnons en Abyssinie. Quatre-vingt-trois hommes et dix-huit femmes prirent part au voyage vers le lointain pays du Négus. Les qurayshites, apprenant cette nouvelle, avaient dépêché, auprès du monarque abyssin, des émissaires pour réclamer l'extradition des réfugiés. En vain, celui-ci refusa d'accéder à leur demande. Alors, de dépit, ils se retournèrent contre ceux de La Mecque. Ce fut alors le blocus total du clan des Banû Hâshim que l'on mit en quarantaine dans une vallée aride avec interdiction d'avoir des contacts de quelque nature que ce soit avec lui. Ainsi, durant trois longues années, les musulmans furent soumis à un boycott des plus sévères. Ce fut là, la plus dure épreuve à laquelle furent confrontés les adeptes de l'islam. Elle se termina par la mort de deux des plus grands soutiens du Prophète (QSSSL) : son épouse Khadîja et son oncle Abû Tâlib. L'Envoyé de Dieu (QSSSL) fut très peiné par cette épreuve. L'incrédulité de son peuple et son hostilité à son égard augmentaient sa peine. Heureusement que des hommes comme Abû Bakr étaient là pour le soutenir et atténuer sa douleur. Leur fidélité indéfectible et leur confiance sans limite dans la sincérité de sa révélation forçaient l'admiration. Dans le cas d'Abû Bakr, l'événement extraordinaire de l'ascension du Prophète (QSSSL) et son voyage nocturne(al-isrâ' wal mi'râj) allait en fournir une parfaite illustration. En effet, lorsque le Prophète (QSSSL) annonça un jour, aux gens de Quraysh, qu'il venait de faire son fameux voyage céleste qui l'avait conduit de La Mecque à Jérusalem et de là aux cieux, où il parvint jusqu'au lotus de la limite (sidrat al¬-muntahâ), il fut en butte aux sarcasmes des infidèles et à leurs moqueries. Puis encore, ils allèrent trouver son fidèle compagnon, Abû Bakr, et lui rapportèrent sur un ton sarcastique, ce qu'ils estimaient être les élucubrations de son Prophète (QSSSL). Mais Abû Bakr, à qui Dieu avait ouvert le cœur à la foi, leur répondit spontanément : «S'il a dit qu'il a fait ce voyage, c'est que cela est vrai! Quant à moi, je le crois déjà pour plus que cela ; je le crois quand il me dit qu'il reçoit des nouvelles du haut des sept cieux!», Abû Bakr ne prononça pas ces paroles par dépit ou pour narguer les détracteurs de son compagnon, loin s'en faut, c'était l'évidence même pour lui. Il avait cru en la destinée extraordinaire de Mohammed (QSSSL). Après la disparition d'Abû Tâlib, qui a toujours soutenu son neveu au grand dam des dignitaires qurayshites, les persécutions contre le Prophète (QSSSL) et ses compagnons redoublèrent. C'est alors que l'Envoyé de Dieu (QSSSL) décida d'émigrer à Médine, Yathrib de son vrai nom, une ville située à quelque cinq cents kilomètres de La Mecque, et dont les habitants étaient déjà acquis à l'islam. Beaucoup de ses compagnons l'avaient déjà précédé. Quant à lui, c'est avec Abû Bakr qu'il décida, une nuit, de partir, alors que ses ennemis préparaient un complot pour le faire assassiner. En effet, une fois qu'il fut informé par le Seigneur, des desseins des païens, il recommanda à son fidèle compagnon de préparer deux montures et des provisions de voyage et lui confia qu'ils partiraient ensemble à Médine, dans les plus brefs délais. Abû Bakr sauta de joie à l'idée d'être le compagnon de route du Prophète (QSSSL). En effet, à chaque fois qu'il lui demandait la permission de partir, celui-ci lui répondait : « Ne sois pas pressé ! Peut-être Dieu te donnera-t-il un compagnon !» Il est vrai que celui-ci avait pressenti ce voyage avec l'Envoyé de Dieu (QSSSL). Pour ce faire, il avait acheté deux chamelles, qu'il avait confiées à un berger pour les faire paître, en attendant le jour du départ. C'est ainsi que le jour tant attendu arriva. Le Prophète (QSSSL) se dirigea vers la demeure d'Abû Bakr qui l'attendait avec anxiété, tandis que les païens encerclaient sa maison dans le but de l'assassiner. Tous deux, en compagnie d'un guide affrété par Abû Bakr, prirent le chemin du désert, poursuivis par les hordes de païens, rendus furieux par leur coup manqué. Ce fut un voyage plein de péripéties duquel allait dépendre l'avenir de l'islam. De fait, les lèvres des musulmans, réunis à Médine, étaient suspendues à la nouvelle de l'arrivée de leur Prophète (QSSSL) sain et sauf parmi eux. Abû Bakr, quant à lui, tremblait de frayeur à l'idée qu'il puisse arriver malheur à son compagnon. On rapporte, en effet, que durant tout le trajet qu'ils effectuèrent ensemble, Abû Bakr veilla sur le Prophète (QSSSL) comme sur la prunelle de ses yeux. Déjà, avant de partir, il avait pris avec lui tout son argent, pour le mettre au service du Messager de Dieu (QSSSL). Quand ce dernier l'apprit, il lui demanda : - «Et qu'as-tu laissé à ta famille, ô Abû Bakr ?» Il répondit : - «Je leur ai laissé Dieu et son Prophète ! (QSSSL)». Lorsqu'ils se réfugièrent dans la caverne de Thawr pour fausser les recherches des tueurs lancés à leur poursuite, c'est encore lui qui entra, le premier, pour vérifier s'il n'y avait pas d'animal dangereux caché à l'intérieur. Durant tout le trajet qui les séparait de Médine, il ne cessait de s'inquiéter pour le Messager de Dieu. Il ne savait quoi faire pour le protéger. Tantôt, il le précédait de crainte qu'un danger ne surgît de devant, et tantôt, se rappelant que le danger pouvait venir de derrière, il laissait ce dernier avancer et se mettait derrière lui. Il ne cessa sa vigilance qu'une fois arrivés en vue des murs de Médine où les attendaient, avec impatience, ses habitants, les Ansârs, et les musulmans qui avaient émigré, les Muhâjirîn. L'arrivée à Médine annonçait une nouvelle ère pour l'islam qui bénéficiait à présent d'un espace favorable, lui assurant protection et propagation. Il est vrai que l'hostilité et le bellicisme des infidèles ne faisaient que commencer. Pour défendre leur foi, leurs biens et leurs familles, les musulmans allaient être obligés de faire la guerre. Abû Bakr fit preuve, au cours des nombreuses batailles menées par le Prophète (QSSSL) , d'un courage extraordinaire. Il participa à toutes les campagnes des musulmans. Sa bravoure était reconnue par tous les compagnons y compris les plus illustres d'entre eux dont 'Ali Ibn Abî Tâlib . Le traditionaliste Al-Bazzâr, a rapporté, à ce sujet, ce qui suit. «Un jour, au cours d'une assemblée, 'Ali demanda aux personnes présentes de lui citer celui qu'ils pensent être le plus courageux parmi les musulmans. On lui répondit : «C'est toi. Il dit : «C'est vrai à chaque fois que j'ai affronté quelqu'un, j'ai eu le dessus sur lui. Mais il y a encore quelqu'un de plus courageux. Dites-moi qui est-ce ?» Ils répondirent : « Nous ne savons pas !» Il dit alors : «C'est Abû Bakr ! Et je vais vous dire pourquoi ; lors de la bataille de Badr, nous avions installé pour le Messager de Dieu (QSSSL) un auvent pour qu'il soit à l'abri du soleil. Ceci étant, nous avions jugé utile de lui adjoindre un garde du corps pour le protéger des attaques surprises des infidèles. Nous demandâmes un volontaire, et c'est Abû Bakr qui se proposa pour cette tâche. Il se tint à la hauteur du Messager de Dieu tenant son épée à la main et, à chaque fois qu'un infidèle essayait de s'approcher du Prophète (QSSSL) , il l'en empêchait. Certes, Abû Bakr est le plus courageux parmi nous.» D'un caractère doux et pondéré, il savait être ferme lorsque les circonstances l'exigeaient. On rapporte, à cet égard, le fait suivant : Lors des pourparlers précédant le traité historique d'Al-Hudaybiyya, conclu entre le Prophète (QSSSL) et les qurayshites, le représentant de ces derniers, 'Urwa Ibn Mas'ûd Ath-thaqafi, essaya de dissuader l'Envoyé de Dieu (QSSSL) d'entrer à La Mecque, en lui disant : «Par Dieu, je crains que les hommes qui sont avec toi ne t'abandonnent demain. Si tu savais ce que Quraysh est en train de préparer pour t'empêcher d'y entrer.» Abû Bakr, présent avec le Prophète (QSSSL), répliqua aussitôt en insultant les divinités païennes : « Crois-tu sérieusement que nous allons abandonner l'Envoyé de Dieu? (QSSSL).» (A.Suivre)