Pendant ce temps, Abû Sufyân manœuvrait la caravane pour échapper à l'armée du Prophète (QSSSL). Pour ce faire, il emprunta une route longeant la côte de la Mer Rouge. Voyant qu'il était désormais hors de danger, il écrivit à Quraysh qu'ils pouvaient rentrer à La Mecque et que la raison pour laquelle ils avaient levé une armée n'avait plus lieu d'être. La lettre parvint aux polythéistes alors qu'ils étaient à Juhfah. Alors qu'ils se préparaient à faire demi-tour, Abû Jahl, le chef des Banû Makhzûm, déclara : « Par Dieu, nous ne rentrerons pas avant d'avoir été jusqu'à Badr. Nous y camperons, et nous offrirons l'hospitalité aux Arabes qui viendront chez nous. Ainsi, les Arabes nous craindront à l'avenir. » Al-Akhnas Ibn Shurayq, chef des Banû Zuhrah, était quant à lui d'avis qu'il valait mieux rentrer. Peu écouté, il rentra seul avec les hommes de son clan, abandonnant l'armée qurayshite. Au vu des événements ultérieurs, cette décision d'Al-Akhnas lui valut un grand prestige auprès des siens. Le clan du Prophète (QSSSL), les Banû Hâshim, voulut également rentrer mais Abû Jahl pesa de tout le poids que lui conférait son statut de chef pour les en dissuader. Le champ de bataille Lorsque l'armée musulmane atteignit le premier puits de Badr, le Prophète (QSSSL) demanda : « Où allons-nous camper ? », ce à quoi Al-Hubâb Ibn Al-Mundhir répondit : « Ô Messager de Dieu ! Je connais cet endroit ainsi que ses puits. Si tu veux, nous pourrions nous rendre à un puits que nous connaissons, à l'eau abondante et douce. Nous y précéderons ainsi nos ennemis et nous boucherons les autres puits. » Les polythéistes se dépêchaient en effet pour pouvoir se ravitailler en eau. Le Prophète (QSSSL) envoya donc `Alî, Sa`d et Az-Zubayr à Badr pour guetter les mouvements ennemis. Lorsqu'ils revinrent dans l'armée, ils ramenèrent avec eux deux hommes de Quraysh qu'ils avaient arrêtés durant leur mission. Interrogés par les Compagnons du Prophète (QSSSL), ils affirmèrent être en charge du ravitaillement en eau de l'armée mecquoise. Le Prophète (QSSSL) leur demanda : « Dites-moi où est Quraysh. » — Derrière cette dune, répondirent-ils. — Combien sont-ils ? — Nous l'ignorons. — Combien égorgent-ils de dromadaires chaque jour ? — Neuf ou dix, c'est selon. — Ils sont donc entre neuf cents et mille hommes, conclut le Messager de Dieu (QSSSL). Ce soir-là, il plut une averse. Du côté des polythéistes, ce fut un déluge qui les empêcha d'avancer, tandis que du côté des Musulmans, ce fut une pluie fine qui les purifia et les lava de toute souillure, qui aplanit le terrain et le raffermit sous leurs pas. Le Messager de Dieu (QSSSL) et ses Compagnons arrivèrent au puits indiqué par Al-Hubâb au milieu de la nuit. Ils y installèrent leur campement et bouchèrent les autres puits de Badr. Le Prophète (QSSSL) eut droit à une tente située au sommet d'une colline surplombant le champ de bataille, depuis laquelle il pourrait superviser les opérations. Au petit matin, lorsque l'armée mecquoise apparut et que les deux armées furent en vue, le Prophète (QSSSL) invoqua Dieu : « Seigneur, voici Quraysh ! Ils sont venus pétris d'arrogance et d'orgueil. Ils sont venus Te narguer et traiter Ton Messager d'imposteur. Seigneur, j'implore Ton Alliance et Ta Promesse. » Abû Bakr As-Siddîq s'approcha de lui et dit : « Ô Messager de Dieu, rassure-toi ! Par Celui Qui détient mon âme dans Sa Main, Dieu accomplira la Promesse qu'Il t'a faite. » À l'instar du Prophète (QSSSL), les croyants implorèrent le Secours divin. Dieu révéla alors aux Anges : « Je suis avec vous : soutenez donc les croyants. Je vais jeter l'effroi dans les cœurs des mécréants. » [4], puis Il révéla à Son Messager que mille Anges descendraient en renforts pour combattre à ses côtés. Rassuré, le Prophète (QSSSL) passa la nuit à prier et à invoquer son Seigneur sous le tronc d'un arbre. C'était la nuit du vendredi 17 Ramadân de l'an 2 de l'Hégire. Au petit matin, les deux armées se mirent en rang et se faisaient face. `Utbah Ibn Rabî`ah, un chef de clan qurayshite, son frère Shaybah Ibn Rabî`ah et son fils Al-Walîd Ibn `Utbah sortirent des rangs de l'armée mecquoise et demandèrent un duel contre trois Musulmans. La pratique du duel qui précédait l'affrontement général était en effet une coutume chez les guerriers arabes. Des rangs de l'armée musulmane, sortirent trois Médinois, `Abd Allâh Ibn Rawâhah, `Awf Ibn `Afrâ' et son frère Mu`awwidh Ibn `Afrâ'. Les trois Mecquois leur demandèrent : « Qui êtes-vous ? — Des Ansâr, répondirent les Médinois. — Vous êtes des gens de valeur et d'honneur, mais nous préférons avoir ce duel avec nos cousins, répondirent les Mecquois. » Sortirent alors trois Mecquois de l'armée musulmane, `Alî Ibn Abî Tâlib, gendre du Prophète, `Ubaydah Ibn Al-Hârith et Hamzah Ibn `Abd Al-Muttalib, oncle du Prophète. `Alî vint rapidement à bout de son adversaire direct Al-Walîd, tandis que Hamzah terrassait `Utbah. Quant au troisième duel entre `Ubaydah et Shaybah, il se conclut par une frappe croisée, où les deux combattants se blessèrent mutuellement. Shaybah fut néanmoins tué grâce à l'intervention de Hamzah. Gravement touché, `Ubaydah eut la jambe coupée et il n'allait pas survivre longtemps. Après cette entrée en matière sanglante, la bataille fit rage. Les épées s'entrechoquaient et les corps tombaient, tandis que le Prophète (QSSSL), à la tête de son armée, continuait à prier et à invoquer Dieu pour qu'Il leur accorde la victoire, jusqu'à ce que sa requête soit enfin exaucée. Les Musulmans venaient de vaincre la première puissance arabe, tuant soixante-dix polythéistes et en capturant autant. Les pertes musulmanes s'élevaient quant à elles à quatorze hommes : six Muhâjirûn, six Khazrajites et deux Awsites. Les principaux chefs qurayshites périrent, avec à leur tête Abû Jahl et Umayyah Ibn Khalaf. Ainsi, la petite troupe croyante de trois cents et quelques hommes, entièrement remise à Dieu, avait battu une armée trois fois plus nombreuse, enorgueillie par son nombre et ses moyens matériels. Lorsque la bataille s'acheva, les corps des polythéistes tués furent enterrés dans une fosse commune. Trois jours plus tard, l'armée musulmane leva le camp et se prépara à rentrer à Médine, couronnée de succès. Ainsi s'achevait la première et la plus grande bataille de l'histoire de l'Islam. Son importance réside dans le fait qu'elle fut l'expression la plus aboutie du combat éternel que se livrent le bien et le mal : le bien et toutes les valeurs nobles qui s'y rattachent, défendus par le Prophète (QSSSL) et ses fidèles croyants contre un mal organisé autour de la vanité, de l'orgueil et de l'égoïsme, défendu par les suppôts de l'idolâtrie et de l'absurdité humaine. Par ailleurs, cette bataille fit prendre conscience à tous, Musulmans et païens, que l'Islam était devenu une force qui compte dans l'Arabie du VIIe siècle.