Cette manifestation est dédiée à sept jeunes artistes contemporains dont le besoin de visibilité est plus que nécessaire dans ce pays. Si l'art ne vient pas jusqu'à nous, on va le chercher.Et l'idée de décentralisation est née. Oui, car l'art et la culture en général ne sont pas l'apanage seule des Algérois et vice versa. Bien qu'il soit plus facile de l'apporter à la capitale qu'ailleurs. Mais de quoi s'agit-il? Eh bien de l'exposition «Jiti L'3annaba» nom qui renvoie littéralement à la célèbre expression très drôle qui invite le touriste à se baigner à Annaba à condition irrécouvrable d'apporter avec lui son maillot. Phrase devenue culte grâce au film de l'Inspecteur Tahar. Un titre décalé qui n'évoque en aucun cas le contenu, cette expo c'était une belle référence «culturelle et sociétale» qui porte en elle ce clin oeil direct à ses habitants dont sept d'entre eux viendront dévoiler leurs oeuvres le 14 septembre prochain à l'espace artistique urbain Box 24, sise au Télemly, pas loin du pont des... tourments! Ainsi, sept artistes plus au moins connus viendront à la rencontre du public algérois dans ce sympathique espace de vie où seront accrochés, le temps d'une expo, différents médiums artistiques qui témoignent de la richesse des regards, des styles et des démarches aussi novatrices soient-elles en termes de création plastique. On citera en premier Bilal Ayed dont le travail photographique met en scène un individu dans différents endroits, debout, seul avec le visage recouvert d'une boîte en carton. Une façon d'accentuer le sentiment de malaise et d'anonymat sans doute lorsque dans notre solitude la plus extrême, on broie du noir ou l'on fait le vide autour de soi. Une sorte d'opposition entre le repère et le manque d'identité, que ce soit dans un environnement conquis ou méconnu, austère, fermé ou ouvert. Fouad Bouatba, quant à lui, nous met en garde contre les conséquences de la harga et de la vitesse de conduite avec des installations, sorte de reconstitutions de faits divers témoignant de l'absurdité et de la bêtise humaine. C'est ainsi que gît par terre un homme avec un gilet de sauvetage et une portière d'un taxi qui se voit être mis sous sérum, comme pour un blessé. L'on distingue au-dessus de cette portière un support en fer sur lequel est accroché le mot patience en arabe...Une vision inquiétante qui invite sans aucun doute le conducteur et le présumé à la harga à plus de modération dans leur action. De mûrement réfléchir à leur acte avant de se jeter à corps perdu dans leur funeste entreprise. Lamine Sakri penche, pour sa part, pour l'art abstrait à travers des peintures semi-figuratives dont une oeuvre en particulier attira notre attention. Il s'agit d'Artistic- Crime où l'on distingue par effet de collage la forme d'une tête d'un homme ensanglanté fabriqué à l'aide de papier chiffon, une tête couverte de papier journal et déposé sur du papier du même acabit. Cela renvoie-t-il aux informations assassines? à l'actualité qui nous bombarde le cerveau jusqu'à tuer notre humanisme à force d'étaler de façon froide et sans aucun état d'âme des informations parfois erronées et tristes? Les peintures, elles, sont plutôt sarcastiques bien que déroutantes par leurs traits mystérieux et décapants. Ahmed Soukehal nous plonge, pour sa part, dans un monde onirique fait de végétation, d'oiseaux, d'animaux rois, tout en rappelant à notre esprit l'importance de la réflexion et de l'imaginaire, comme territoire de liberté et de rêverie avant tout.. Ses dessins invoquent la chair et sont nimbés de quelques couleurs disparates pour rendre le monde plus beau.. Hachem Dhiaâdine lui, se plait à évoquer l'actualité par des détournements de symbole de publicité ou autre support de communication. Ainsi, ce sont des sujets forts comme l'exécution, la prochaine succession à la présidentielle ou l'inflation sociale qui sont abordées avec métaphore et pertinence, humour et trouvaille qui font sourire... les images de Gouri Mounir sont allégoriques. L'artiste s'attache à reproduire l'absurdité, non plus fantasque du monde comme ses comparses, mais marquée par le saut du vide ou de la vacuité humaine par des sensations, photos et installations qui invitent à l'interrogation. Comme par exemple ce tableau intitulé Transparence du double-face où la partie supérieure du tableau est peinte en noir et le reste imprégné de petits portraits d'hommes cagoulés comme inspirés dans cette noirceur angoissante. Du painting-collage qui intrigue, dérange et ne nous laisse pas indifférent. Enfin, Berredjem Atef privilégie la vidéo performance et les photos où sont mises en scène des situations sociologiques qu'il semble dénoncer de façon brutale ou originale. En somme, cette intéressante expo est à voir absolument. Certes le lieu n'est pas très pratique compte tenu de son exiguïté, mais avec l'ingéniosité de Walid Aïdoud et ses compaires du box, la fraîcheur de leurs initiatives et la cool attitude de cet endroit, fait de ce genre d'expo parmi les endroits in à ne pas rater. Car ce sont tout simplement des jeunes qui sont mus par l'amour de l'art sans vouloir faire trop ni grand. Loin des sentiers battus des musées à grands budgets, les boxistes se plaisent à organiser des manifestations indergroud dont le maître-mot d'ordre serait tout bonnement l'être soi et la liberté de penser dans ce monde rêche et borné de préjugés...