La trilogie de Mohamed Dib composée de trois romans, «La Grande Maison», «l'Incendie» et, «le Métier à Tisser», représente l'engagement politique de l'auteur, a estimé, avant-hier dimanche à Tizi Ouzou, Mme Aini Bettouche, du département de français de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. «A travers ses romans, Mohamed Dib conteste le roman colonial et introduit, pour la première fois, l'Algérien sur la scène romanesque, jusqu'ici exclu, et lui restitue la parole qui lui avait été confisquée», a-t-elle indiquée. Elle s'exprimait lors d'une journée d'étude organisée, à la maison de la Culture, par la Direction de la culture en collaboration avec la faculté des lettres et des langues de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, à l'occasion du 10e anniversaire de la mort du romancier. Mohamed Dib témoigne, dans une écriture de constat, réaliste, tel un écrivain public, à partir des faits authentiques, de la misère des villes et des campagnes, des grèves des ouvriers agricoles, des revendications nationalistes naissantes, a-t-elle dit, considérant que la trilogie de ce romancier entre dans cette catégorie de livres presque doués d'une âme. «La visée que ces romans développent dépasse l'espace de leur énonciation premier pour habiter chaque ville, chaque contrée, habiter le monde entier», fait-elle observer. Dans le premier roman de la trilogie, «la Grande Maison», publié en 1952, l'auteur raconte une période terrible de l'histoire où «la faim ne laisse point de place aux sentiments». Dib décrit les mauvaises conditions de vie de plusieurs familles «entassées» dans une maison collective, «Dar Sbitar», à travers notamment les personnages de Omar, un jeune enfant contraint d'abandonner ses études pour aller travailler, et sa mère, Aïni, qui se tue au travail sans pour autant arriver à subvenir aux besoins élémentaires de la famille. «La faim et la condition sociale poussent vers l'action révolutionnaire. La guerre peut se voir dans chaque personnage ayant faim et qui veut renverser l'ordre établi en s'attaquant aux responsables de ce fléau endémique», a relevé Mme Bettouche. Ce roman dramatique et social, a-t-elle poursuivi, est une dénonciation de l'ordre établi pour favoriser la prise de conscience. Dans le second roman, «l'Incendie», publié en 1954, l'année même du déclenchement de la guerre de libération nationale, Dib décrit la vie quotidienne en compagne. «Le discours que lègue l'auteur aux fellahs est significatif de la prise de conscience de l'injustice et de la nécessité de la combattre», dit-elle non sans reprendre un extrait de ce roman «mais ils (fellahs, ndlr) ont commencé à parler du poids des injustices, à comprendre que les salaires offerts par les colons sont une misère». Dans le troisième roman, «Le Métier à Tisser», publié en 1957 et qui raconte la misère des tisserands et des plus démunis de la société algérienne à cette époque, Dib «prête la parole» aux personnages pour exprimer leurs propres conditions, à travers ce dialogue entre Aïni et son fils Omar s'agissant des provisions que le colonisateur distribuait. «As-tu revu le tableau de la mairie, lui demande-t-elle, on n'annonce pas de distribution de farine ?, Non, non, il n'y a rien de marqué que l'huile et le savon que nous avons touché, lui a-t-il répondu». Mohamed Dib est né le 21 juillet 1920 à Tlemcen dans une famille bourgeoise en partie ruinée. Il entame ses études à Tlemcen et les poursuit à Oujda (Maroc). Ses débuts dans l'écriture remontent à 1934. Sa rencontre avec un instituteur français, Roger Bellissant, qui deviendra son beau-père le conforte dans la voie de l'écriture. Tandis qu'il aborde plus explicitement la guerre d'indépendance nationale dans «Un été africain», Dib est expulsé d'Algérie par la police coloniale en raison de ses activités militantes avant de s'établir en France, à Mougins, avec l'intervention d'André Malraux, Albert Camus, Jean Cayol. Dans les années 80, Dib a enseigné en qualité de professeur associé au Centre international d'études francophones de la Sorbonne (France). Le 2 mai 2003, Mohamed Dib rend l'âme à l'âge de 83 ans près de Paris (France) laissant derrière lui une œuvre de 22 ouvrages entre romans et recueils dont «Laezza», achevé quelques jours avant sa mort.