Mohamed Chatah, un dirigeant de la coalition sunnite libanaise soutenant en Syrie l'opposition à Bachar Al-Assad, a été assassiné vendredi dans un attentat de grande ampleur dans le centre de Beyrouth, qui a fait quatre autres morts. Ce proche conseiller de l'ex-Premier ministre sunnite, Saad Hariri, qui était également un adversaire résolu du mouvement chiite libanais du Hezbollah, allié du régime syrien, se rendait à une réunion lorsque son convoi a été la cible d'un attentat. Moins d'une heure avant de mourir, Mohamed Chatah, qui était âgé de 62 ans, avait publié sur Twitter un message accusant le Hezbollah de chercher à prendre les leviers de commande au Liban. «Le Hezbollah exerce une grosse pression pour disposer en matière de sécurité et de politique étrangère des pouvoirs similaires à ceux détenus par la Syrie au Liban pendant 15 ans», écrivait-il. Son assassinat intervient trois semaines avant l'ouverture, longtemps différée, du procès par contumace à La Haye de cinq membres du Hezbollah soupçonnés de l'assassinat en février 2005 à Beyrouth, selon le même mode opératoire, du père de Saad Hariri, Rafic Hariri. Saad Hariri a accusé le Hezbollah d'être responsable de l'assassinat de son conseiller. «Pour nous, les suspects (...) sont ceux qui fuient la justice internationale et refusent de se présenter devant la Cour (pénale) internationale», a-t-il dit. Le Hezbollah nie toute implication dans l'attentat contre Rafic Hariri, qui fut lui aussi Premier ministre du Liban. Les cinq suspects sont en fuite et le mouvement chiite libanais refuse toute coopération avec la CPI, qu'elle juge politisée. L'explosion, d'une grande puissance, a été entendue dans tout Beyrouth et a vidé les rues de la capitale de ses badauds désireux de se détendre pendant la période des fêtes après une période de forte tension entre les différentes communautés ethniques et religieuses du pays. La guerre civile syrienne entre sunnites et chiites a des répercussions directes dans le Liban voisin, où affrontements meurtriers et attentats se sont multipliés ces dernières semaines. «Le Hezbollah ne pourra pas diriger le Liban, quels que soient les destructions qu'il cause et le sang qu'il répand», a estimé l'ancien ministre Marouan Hamadé, interrogé par la chaîne de télévision Al Arabiya. Lorsqu'il a été assassiné, Mohamed Chatah se rendait au quartier-général de Saad Hariri qui, craignant pour sa sécurité, vit en exil depuis deux ans. Sa voiture a été «totalement détruite, c'est une épave», a rapporté un journaliste de Reuters sur place. La carte d'identité de l'ancien ministre des Finances a été retrouvée dans le véhicule, à moitié brûlée. L'Iran, qui soutient à la fois le Hezbollah et le régime syrien, a été la cible d'un double attentat suicide à Beyrouth le mois dernier. Deux voitures ont explosé dans le périmètre de l'ambassade le 19 novembre, faisant au moins 25 morts. L'explosion de vendredi s'est produite à 9h40 (7h40 GMT). Une longue colonne de fumée noire venant du quartier des affaires et des hôtels de luxe s'est élevée dans le ciel. Un restaurant et un café ont également été détruits dans l'explosion, et de nombreuses voitures ont pris feu. Les forces de l'ordre ont bloqué l'accès au centre-ville, tandis que des ambulances emportaient les blessés vers les hôpitaux. Dans un communiqué, la présidence française a condamné un «lâche attentat» et précisé que François Hollande s'était entretenu par téléphone avec son homologue libanais, Michel Sleimane, auquel «il a réitéré tout son soutien pour préserver la stabilité et la sécurité du Liban».