La mort d'un adolescent de 15 ans, dans le coma depuis qu'il avait été blessé par la police lors de la fronde antigouvernementale de juin 2013, a ravivé la contestation mardi 11 mars en Turquie. A moins de trois semaines d'un scrutin municipal sous haute tension, des dizaines de manifestations spontanées hostiles au Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, ont agité les rues de nombreuses grandes villes du pays pour dénoncer la mort de Berkin Elvan, érigé en symbole de la répression policière. L'agitation a débuté tôt dans la matinée dès l'annonce du décès de l'adolescent, après 269 jours de coma. «Nous avons perdu notre fils à 7 heures [6 heures à Alger], qu'il repose en paix», a écrit sa famille sur son compte Twitter. De brefs mais violents incidents ont rapidement éclaté devant l'hôpital d'Istanbul, où des centaines de personnes étaient rassemblées pour rendre hommage à Berkin Elvan. Des dizaines de manifestants ont attaqué un bus de la police, à jets de pierre notamment, contraignant les forces de l'ordre à user de gaz lacrymogènes pour se dégager. Devant la presse, la mère de Berkin Elvan a mis en cause M. Erdogan : «Ce n'est pas Dieu mais le Premier ministre Erdogan qui m'a pris mon fils», a-t-elle déclaré en pleurs. D'autres affrontements ont opposé dans l'après-midi la police à près d'un millier d'étudiants de l'université technique du Moyen-Orient (ÖDTU) d'Ankara, un bastion de l'opposition. Les forces de l'ordre ont fait usage de canons à eau pour déloger les manifestants qui bloquaient une artère de la capitale. Tout au long de la journée, des centaines de personnes, pour l'essentiel des lycéens et des étudiants, ont organisé des rassemblements ou des sit-in à Istanbul, Ankara, Izmir, Eskisehir ou Antalya autour de photos de la victime et d'un même slogan repris en boucle sur les réseaux sociaux : «Il reste immortel». Partout, la foule y a scandé des slogans hostiles au chef du gouvernement, comme «Erdogan, tueur» ou «Tous ensemble contre le fascisme». Dans l'après-midi, des centaines de personnes se sont pressées dans le quartier stambouliote d'Okmeydani, où réside la famille de la victime, de confession alévie (une minorité musulmane). La mort de Berkin Elvan porte à sept le nombre de personnes tuées lors de la fronde qui a fait vaciller le régime islamo-conservateur à la mi-2013. Un policier avait aussi perdu la vie pendant ces événements qui ont fait plus de 8 000 blessés. Le chef de l'Etat, Abdullah Gül, a exprimé devant la presse sa «consternation» après la mort du jeune homme et présenté ses condoléances à sa famille. Il a aussi appelé «chacun à tout faire pour éviter que cela se reproduise». L'ONG Human Rights Watch a dénoncé mardi le «problème endémique» de la violence policière en Turquie et exigé une enquête « pour déterminer qui a tiré sur Berkin». Sa famille dit l'avoir vu pour la dernière fois le 16 juin alors qu'il sortait de leur appartement pour acheter du pain. Selon des témoins, le garçon a été atteint par une grenade lacrymogène en pleine tête tirée par la police qui intervenait dans le quartier, en pleine vague de contestation contre le Premier ministre et sa «dérive autoritaire». Des manifestations sont attendues dans la soirée dans une vingtaine de villes du pays. Les obsèques de Berkin Elvan sont prévues pour mercredi à la mi-journée.