Tension - Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan doit rentrer aujourd'hui en Turquie après trois jours de visite au Maghreb. Il est attendu de pied ferme par des dizaines de milliers de manifestants qui exigent toujours sa démission au septième jour de leur mouvement. Ils étaient des dizaines de milliers de personnes à poursuivre leurs manifestations, ce matin, à l'appel des deux principaux syndicats du pays. La tension restait vive dans la nuit de mercredi à jeudi à Ankara, et des violences ont éclaté à Rize, une localité des bords de la mer Noire (nord-est), tandis qu'hier mercredi, le gouvernement turc s'est défendu de diriger une «démocratie de seconde zone». Après six jours de contestation, la Confédération des syndicats du secteur public (KESK) et la Confédération syndicale des ouvriers révolutionnaires (DISK), toutes deux marquées à gauche, ont organisé des défilés dans plusieurs grandes villes du pays. A Istanbul, leurs deux cortèges se sont fondus dans l'après-midi sur la place Taksim, au cœur de la fronde qui agite la Turquie depuis vendredi, en scandant «Taksim, résiste, les travailleurs arrivent» ou encore «Tayyip, les pilleurs sont là !». Mêmes scènes dans la capitale Ankara, où plus de 10 000 manifestants ont marché aux cris de «Dégagez la route, les révolutionnaires arrivent !» ou «Taksim est partout!» en agitant des drapeaux turcs. Dans l'attente du retour de M. Erdogan, les contestataires restent déterminés, malgré les «excuses» présentées par le vice-Premier ministre, Bülent Arinç, aux victimes de brutalités policières. «Avant, les gens redoutaient d'exprimer leur peur publiquement. Mêmes les tweets étaient un problème. Maintenant, ils n'ont plus peur», s'est réjouie, au milieu des manifestants stambouliotes, Tansu Tahincioglu, qui dirige une société sur Internet. «Erdogan doit présenter des excuses, démissionner et être traduit en justice pour le recours excessif à la force (par la police) et tout ce qu'il a fait aux médias», a-t-elle ajouté. Comme les jours précédents, des affrontements ont à nouveau éclaté à Ankara hier mercredi en fin de journée. Les forces de l'ordre ont dispersé à grand renfort de gaz lacrymogènes et de canons à eau plusieurs milliers de manifestants. Durant la soirée, un groupe d'une trentaine de «musulmans anticapitalistes» a été ovationné par les manifestants du parc Gezi à Istanbul après avoir lu des versets du Coran à l'occasion d'une fête religieuse et avoir conspué le gouvernement islamo-conservateur turc. Deux personnes sont mortes et plus de 2 800 ont été blessées dans les seules villes d'Istanbul, d'Ankara et d'Izmir (Ouest) depuis les premiers affrontements de vendredi, selon les ONG de défense des droits de l'Homme turques et internationales. Ces chiffres n'ont pas été confirmés par les autorités, dont le plus récent bilan mardi faisait état de «plus de 300» blessés, en majorité des policiers. Arinç, l'autre discours A l'opposé du ton ferme du Premier ministre, son numéro deux Bülent Arinç a qualifié mardi de «légitimes» les revendications écologistes à l'origine des troubles et assuré que son parti islamo-conservateur respectait «les différents modes de vie» des Turcs. «Nous n'avons pas le droit ou le luxe d'ignorer le peuple, les démocraties ne peuvent pas exister sans opposition», a également souligné M. Arinç. A l'issue d'une rencontre avec le vice-Premier ministre, Bülent Arinç à la mi-journée à Ankara, des représentants de la contestation ont exigé du gouvernement le renvoi des chefs de la police de plusieurs grandes villes, dont Istanbul et Ankara. Ils ont aussi exigé pêle-mêle la remise en liberté des personnes interpellées, l'abandon du projet d'aménagement de la place Taksim à l'origine de la révolte, l'interdiction des gaz lacrymogènes et un meilleur respect de la liberté d'expression dans le pays. «Les décisions du gouvernement détermineront l'issue du mouvement», a déclaré un de leur porte-parole, Eyup Mumcu, de la chambre des architectes d'Istanbul.