Bien des choses ont changé depuis les grandioses manifestations populaires d'avril 1980 à Tizi Ouzou, qui avaient été lancées en réaction à l'interdiction d'une conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie amazighe. En 2014, dans la même ville, c'est de l'université qui porte le nom de Mouloud Mammeri, tout une symbolique, que sont parties les marches commémoratives du 34e anniversaire du Printemps berbère en Kabylie, en même temps que d'autres marches organisées à Bejaïa. Comme si c'était une fatalité dans les commémorations du Printemps berbère, les heurts avec les forces de l'ordre ont été inévitables et ont fait plusieurs blessés aussi bien parmi les policiers que les manifestants, ce qui indique le niveau de violence qui a été atteint. Des militants du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie, le MAK, ont participé aux manifestations avec leurs revendications et slogans habituels et leurs bannières. D'autres organisations ont également été de la partie. Mais le «Printemps berbère» qui continue de donner ses fruits n'est, visiblement, le monopole de personne et la façon de le célébrer ne se limite plus exclusivement à la forme de manifestations violentes et hostiles au pouvoir. De nombreuses activités se sont déroulées un peu partout à l'occasion du 34e anniversaire du Printemps berbère. Ainsi, à Alger, le Haut commissariat à l'amazighité (HCA) a organisé, dimanche après-midi, à la Faculté centrale d'Alger, une cérémonie en hommage au grand romancier et chercheur anthropologue algérien, Mouloud Mammeri, en présence de ses anciens élèves et collaborateurs. Le tamazight a investi depuis plusieurs années le champ culturel, en grand, à travers tout le territoire national. Ainsi, ce dimanche après-midi, le public du Théâtre régional Abdelkader-Alloula d'Oran (TRO) a eu droit à la présentation d'une nouvelle pièce dans cette langue nationale intitulée «Le prétentieux et le modeste» (Erras oua el fortas), du dramaturge Djamel Benaouf. La pièce est inspirée d'un conte kabyle et a été juste adapté au contexte contemporain. La présentation de cette nouvelle création a coïncidé avec la célébration du mois du patrimoine et le 34e anniversaire du Printemps berbère et en même temps, en hommage à Abdelkader Alloula, assassiné il y a une vingtaine d'année, à Oran. Le même jour, sur les planches du théâtre Kateb-Yacine de Tizi Ouzou, c'est la générale de la pièce «Tkesna N Massensen» (la tragédie de Massinissa), du metteur en scène, Lyes Mokrab et produite par l'association Ithran d'Illoula Oumalou, qui a été jouée. C'est une œuvre basée sur des faits liés à la vie du roi numide, Massinissa, et d'événements qui ont marqué son règne. A l'actif du Printemps berbère, il y a également, la décision du ministère de l'intérieur d'établir, en 2013, une nomenclature des prénoms berbères comportant 300 prénoms. Le HCA espère obtenir le classement du nouvel an berbère (12 janvier) au patrimoine mondial. Selon le secrétaire général du HCA, El-Hachemi Assad, l'enseignement de la langue tamazight dans les écoles, introduit il y a 17 ans, devrait aller vers sa généralisation dans tous les paliers. Par ailleurs, une équipe de 25 chercheurs, sociologues et linguistes spécialisés dans la culture amazighe s'est rendue dans certaines localités de la wilaya de Blida, dans le cadre d'un travail de recherche sur la langue amazighe, initiée par le HCA. Tout indique, enfin, que la promotion de tamazight au statut de langue officielle n'est qu'une question de temps.