Après une longue absence des pistes d'athlétisme en raison d'une maladie, Taoufik Makhloufi a signé ces derniers jours, un retour prometteur ponctué par de très bons chronos sur le 1 500 m à Doha et le 800 m à Shanghai. Entame de la préparation sans entraîneur, son retour sous la coupe d'Ali Redjimi, le coach qui l'avait ramené à l'athlétisme, ses principaux objectifs, sa participation incertaine aux championnats d'Afrique au Maroc et enfin un appel en direction des pouvoirs publics pour une meilleur prise en charge des jeunes talents, sont autant de questions que le médaillé olympique du 1 500 m à Londres a bien voulu aborder avec une grande spontanéité. Après une longue absence vous êtes revenu en force avec de bons chronos au meeting de Doha et à celui de Shanghai. Peut-on dire que la maladie est un mauvais souvenir ? Il est vrai qu'après les Jeux olympiques de Londres et quelques temps après, je suis tombé malade, ce qui a nécessité un long traitement et aussi une longue convalescence qui m'ont éloigné de la compétition. Une situation que j'ai mal vécu au fond de moi car je voulais quelque part confirmer ma médaille olympique aux championnats du monde malheureusement, je n'ai pas pu. Mais le plus important reste mon retour à l'entraînement et à la compétition. Les derniers analyses que j'avais effectuées juste avant le début de ma préparation en janvier dernier étaient négatives et depuis, j'ai retrouvé petit à petits mes forces et mes capacités. Vous avez entamé votre préparation quand et où ? C'était après les résultats des analyses qui étaient négatives. J'ai commencé à courir un peu depuis le 28 janvier dernier au Kenya, dans la localité d'Iten située en altitude d'où sont sortis les grands champions du monde des courses de fond et demi-fond, comme David Rudisha médaillé d'or olympique du 800 m en 2012, et détenteur du record du monde au 800 m. Je tiens à remercier tous les habitants de cette ville et notamment ceux qui m'ont aidé lors de mon long séjour chez eux. Aux dernières informations, il semblerait que vous avez changé d'entraîneur ? Avant tout, je dois dire qu'en athlétisme, un athlète doit être tranquille et serein avec lui-même et parfois, il doit changer d'environnement et même d'entraîneur à la recherche d'une meilleure prise en charge. Je dois préciser que je m'entendais très bien avec mon ancien coach avec lequel j'entretiens de très bonnes relations. La preuve c'est qu'il était à mes côtés au meeting de Doha et on a bien discuté. Mais c'est cela la vie et chacun est à la recherche de plus de tranquillité et de sérénité. Je voulais surtout changer d'air et c'est pour cela que je me suis séparé à l'amiable de Jama. Qui est votre entraîneur actuellement ? Je dois dire que j'ai effectué ma première phase de préparation au Kenya tout seul avec mon sparring-partner Nacereddine Hallil, un algérien qui vit en Suède et qui court le 1 500 m en 3mn 36. Il y avait aussi une personne qui me tenait le chrono à l'entraînement. Durant toute cette période soit du 28 janvier au 7 mai, c'était Ali Redjimi mon ancien entraîneur qui s'était occupé de moi à distance en me donnant le programme et en me suivant de loin. Il faut dire aussi que mon expérience m'a beaucoup aidé au Kenya. Je rappelle que Redjimi était mon entraîneur depuis mon début en athlétisme en catégorie minime jusqu'en 2008 où il m'a orienté vers un autre coach à Alger avant d'être sous la coupe de Jama Eden, six mois avant les Jeux olympiques de Londres. Pourquoi ce retour à Redjimi ? J'ai cherché mais à chaque fois, les entraîneurs étrangers étaient exigeants. J'ai discuté avec deux grands coachs mais on ne s'est pas entendus et après mûre réflexion, sachant que l'entraîneur n'est qu'un moyen et que l'essentiel reste les capacités de l'athlète, comme moi je me contente d'exploiter ce que j'ai à ma disposition, j'ai décidé de prendre celui qui m'a découvert pour travailler avec lui. Car j'estime qu'il dispose de grandes qualités et qu'il n'a rien à envier aux étrangers. Je tiens à souligner que dans les moments difficiles, j'avais toujours fais appel à lui et il a toujours répondu présent par ses conseils qui m'ont été d'une grande utilité. Comme dans toute mission, il n'y a que le travail qui paye et moi, je suis décidé de faire tout mon possible, pour revenir au top niveau. C'est dans ce sens que j'ai réglé mes problèmes de mon staff et que j'entame avec une grande confiance la suite de ma préparation dans de meilleures conditions. C'est-à-dire que sans entraîneur vous avez pu revenir au top niveau... Le plus important, c'était ma volonté de revenir à mon niveau. Il y a aussi l'environnement du lieu de mon entraînement au Kenya qui m'a grandement aidé car j'étais dans de très bonnes conditions. Je ne manquais de rien grâce à l'aide de tous ceux qui travaillaient dans le centre où j'étais depuis janvier. Au 1 500 m de Doha vous êtes resté longtemps derrière avant de tenter de sortir dans les 60 derniers mètres ? Lors de la première course à Doha, il était question pour moi de tester mes capacités en compétition et je ne voulais pas prendre de risque, c'est pour cela que j'ai suivi derrière ceux qui menaient le train. Un retour sur piste après une longue absence est toujours difficile. Je précise aussi que lors des compétitions, le plus important pour moi, c'est la concentration sur mon sujet sans trop m'occuper de mes concurrents. Le plus important reste l'amélioration de mes chronos en étant à l'écoute de mon physique pour y remédier lors de ma préparation. A ce sujet, je dois dire que le chrono que j'ai réalisé à Doha sur le 1 500 m n'est pas loin de celui des entraînements. Lors du 800 m de Shanghai , vous avez raté la victoire comme un débutant... Dans cette course, j'étais à l'aise et mes poursuivants étaient un peu loin de moi et je n'ai pas vu venir celui qui arrivait sur ma droite. Néanmoins, j'étais content de mon chrono mais le plus important pour moi c'est d'avoir appris une grande leçon dans un petit cours et que cela ne m'est pas arrivé aux Jeux olympiques ou aux championnats du monde. Disons que je me suis un peu oublié dans cette épreuve que je pouvais gagner très à l'aise. Mais c'était comme ça et cela me servira de grandes leçons à l'avenir. Votre engagement sur le 800 m à Shanghai n'a été confirmé que trois jours avant, peut-on savoir pourquoi ? La course du 800 m de Shanghai était au complet, les places étaient très discutées puisque plusieurs athlètes voulaient y participer. Sans entraîneur et sans manager, je m'engageais seul et en retard. C'est pour ces raisons que j'avais des difficultés à m'inscrire. Mais disons que maintenant, avec ces deux bonnes sorties, tout commence à rentrer dans l'ordre. Avec mon entraîneur, je vais entamer cette semaine, une autre longue période de préparation pour confirmer mon retour avec des chronos plus importants. Selon certaines informations, vous allez vous préparer en Suisse durant une longue période... Effectivement. Je vais entamer une préparation en Suisse dans un centre réputé mondialement où les champions ont l'habitude de s'entraîner. Mon stage en Suisse sera coupé par le meeting d'Eugène où je suis engagé sur le mile. Une épreuve que je n'aime pas du tout mais que je suis obligé de courir pour honorer mon contrat de sponsoring. Après Eugène, quels sont les meetings auxquels vous participerez ? Je n'ai pas encore définitivement décidé, mais disons que j'ai prévu de courir le meeting de Rome le 5 juin avant d'entrer en stage bloqué durant un bon moment pour revenir en piste le 18 juillet au meeting de Monaco et le 21 août à Stockholm. Vous n'avez pas parlé des championnats d'Afrique prévus au Maroc, cette année ? Je pense qu'il y a beaucoup de jeunes athlètes qui doivent avoir la chance d'y participer et comme nous, on avait débuté avec les compétitions régionales, eux aussi, ils doivent passer par ce genre d'épreuves pour se forger. A vrai dire, les championnats d'Afrique ne sont pas un objectif pour moi. Mes seuls objectifs restent les championnats du monde de 2015 en Chine et les Jeux olympiques de 2016 à Rio. Néanmoins, je n'exclus pas ma présence à Marrakech, on verra d'ici là. Car mon seul objectif cette saison est de réaliser de bons chronos sur les 1 500 et 800 m. En vérité, je n'ai pas encore tranché. On vous laisse le soin de conclure... Je travaille d'arrache-pied pour revenir au top et c'est très difficile après une longue coupure. Mais je dois dire aux jeunes talents que pour réussir, ils doivent se sacrifier et faire des efforts à l'entraînement, même si les conditions ne sont pas réunies. A ce sujet, je dois dire que nous avons un très bon potentiel de jeunes athlètes mais qui sont «perdus», ils manquent de moyens. Ils n'ont pas de piste, pas de bons équipements comme une salle de musculation, de sauna, et autres outils comme les perches. Il nous faut de très bons centres de regroupement notamment, pour les jeunes catégories qui ont besoin de s'affirmer. C'est déplorable qu'une ville comme Alger ne dispose par d'un stade d'athlétisme au sens propre du terme. Le stade «Sato» n'a rien d'un stade et ses équipements sont vétustes et dépassés et constituent même un danger pour les athlètes.