Populaire, cette pièce l'est dans tous les sens du terme, par la thématique à l'image d'un vécu collectif et par le langage commun. On n'a pas vu depuis belle lurette même dans les pays de vieille culture, de théâtre classique bâti sur un vocabulaire et une syntaxe conformes aux normes poétiques et qui demandent un travail de composition digne des grands maîtres du verbe. C'est ce qui se passe aussi dans un autre domaine de la communication, la musique. Aussi, cette pièce «Ali Ameksa» s'adresse à un public de toutes les catégories sociales auxquelles il a emprunté toutes les agitations, les frustrations et les problèmes relationnels. Un théâtre pour traduire les préoccupations de tout le monde Chacun de nous s'y retrouve par les rêves, les désirs et sentiments obsédants. «Ali le berger, éponyme de la pièce, est un berger qui étonne par sa passion de la lecture, il lit à la moindre occasion, y compris quand il attend quelqu'un. Un personnage principal qui gère à bon escient son temps des loisirs ou qui veut préparer un meilleur avenir en cherchant dans les livres tout ce qui peut l'aider à s'évader en allant vers un autre univers. Le désir d'aller visiter l'Egypte ne l'a jamais quitté. Par son comportement, il a attiré l'attention de Melha, une fille de commerçant qui doit rêver d'un partenaire hors du commun, car qui dit berger, par les temps qui courent, dit marginal dans sa moralité et son intériorité, langage vulgaire. Rien à voir avec le berger d'antan qui savait jouer de la flûte, avait de la culture du vétérinaire traditionnel formé au quotidien en côtoyant son bétail dont il cherchait à guérir les maux et à comprendre les instincts qui les guident, bref, à combler par une bonne alimentation. Une œuvre populaire mais conçue selon une organisation classique On veut dire par organisation classique une division en actes et en scènes qui permettent aux lecteur de suivre l'évolution des personnages dont la plupart sont atypiques. C'est le cas de Ali, à la fois berger et lecteur assidu, Akli uzaldun qui est peint comme quelqu'un de différent par son séjour à Harwar en Angleterre et son attachement à l'alchimie, branche des sciences occultes dont les pratiquants prétendent avoir le pouvoir de transformer n'importe quel métal en or. Le commerçant qui voit son activité prendre un élan considérable qui lui apporte la psychologie du client et le sens de l'attirance par la propreté des objets en cristal ou en céramique. Ce personnage atypique d'Ali, d'une importance capitale pour le commerçant est tiraillé entre le désir d'enrichissement, son retour au bled et son rêve d'aller en Egypte, les pyramides ont toujours exercé sur lui une attirance considérable. Il court après la fortune et les connaissances qu'il acquiert par les livres, non pas des livres d'anecdotes ou des romans, mais des ouvrages traitant des êtres humains, animaux ou végétaux, ainsi que des métaux et de toutes sortes de matériaux pouvant servir à quelque chose. Cette pièce théâtrale plonge les acteurs ainsi que les lecteurs et spectateurs dans le monde des personnages au pouvoir considérable comme Aguellid nat Salem, chikh Brur. Elle a aussi la particularité de laisser des voix extra humains : celle du désert, du vent, du soleil mis à contribution comme des personnages du conte qui ont un rôle vital. Quant au langage, il est émaillé d'expressions étrangères, mais partie intégrante des paroles populaires prenant la forme de code switching qui présente cet avantage de parler au public des spectateurs dans sa langue de tous les jours : toumoubil, a commerci, El commissar, wigh dadunit à contre pied. Une pièce théâtrale à lire, à relire et à voir sur scène pour l'intérêt qu'elle suscite. Boumediène Abed Ali Ameksa, de Hocine Haroun, Enag Ed, tamzougt, Taghuri n L'Alchimiste n Paulo Coelha, 2013, 105pages.