Le handball s'est offert une finale de prestige au Mondial messieurs, entre la France, garante de la tradition et toujours aussi impériale, et le Qatar, un nouveau venu à l'immense ambition, vendredi à Doha. Ce sport, circonscrit depuis trop longtemps à la seule Europe, ne pouvait rêver meilleure affiche pour faire parler de lui hors de son cercle habituel de passionnés. Dans la spectaculaire salle de Losail, aux confins du désert, le Qatar a été le premier à poser les bases de ce moment historique, grâce à sa victoire retentissante sur la Pologne (31-29). Le petit émirat du Golfe est ainsi devenu le premier pays non-européen à accéder à la finale mondiale, réussissant là où la Tunisie (4e en 2005) et l'Egypte (4e en 2001) avaient échoué. Sa présence en finale est une incongruité absolue au regard du passé du handball dans ce pays, qui ne s'est ouvert au sport que depuis environ 25 ans et a décidé d'en faire l'axe majeur de sa diplomatie. Mais il récompense le génie de l'entraîneur espagnol Valero Rivera, qui a réussi à mettre en musique une équipe composée d'une mosaïque de nationalités (Bosnie, Cuba, Egypte, Espagne, France, Iran, Monténégro, Syrie, Tunisie et Qatar). Les Qataris devront pourtant se sublimer cet après-midi (17h15) pour tenir tête à la France, qui pourrait devenir la première nation quintuple championne du monde (1995, 2001, 2009 et 2011). Toujours aussi étourdissants, les Bleus ont encore pris le dessus sur l'Espagne (26-22), en grande partie grâce à la classe de leur sensationnel gardien Thierry Omeyer. Ce sera la sixième finale mondiale pour la France, qui n'en a perdu qu'une, en 1993 face à la Russie. Les Bleus retrouveront en face d'eux Bertrand Roiné, qui avait gagné avec eux le Mondial-2011 et porte désormais les couleurs du Qatar. Si la France s'impose, elle détiendra à nouveau simultanément les trois titres majeurs, après avoir gagné les JO-2012 et l'Euro-2014, et ce pour la deuxième fois de son histoire (JO-2008, Mondial-2009 et Euro-2010). Elle a remporté six des huit dernières grandes compétitions internationales depuis les JO-2008, n'échouant qu'à l'Euro-2012 (11e) et au Mondial-2013 (6e). Si elle s'impose aujourd'hui, elle sera également directement qualifiée pour les JO-2016 à Rio, où elle visera un triplé jamais encore réussi dans l'histoire. «La finale va forcément être un match difficile, parce que tout le monde va nous considérer comme gagnants, pratiquement avant même de jouer, dans un environnement qui risque quand même d'être compliqué», a estimé le sélectionneur tricolore Claude Onesta. Les Qataris doivent pour beaucoup leur place en finale à Rivera, sacré champion du monde avec l'Espagne en 2013. C'est grâce à sa science tactique que le Qatar a pu s'adapter au jeu de la Pologne, d'abord dominatrice (10-8, 19e). Il a effectué les bons ajustements pour mieux défendre sur Michal Jurecki (9 buts), puis compenser en seconde période la blessure du Cubain d'origine Rafael Capote (6 buts). Le sauveur de la France n'était pas sur le banc, mais dans les cages. Sans Omeyer et ses 20 arrêts, elle n'aurait certainement pas confirmé son ascendant sur l'Espagne, déjà battue en quarts de finale aux JO-2012 et en demies à l'Euro-2014. Avec un Nikola Karabatic qui a dépassé la barre des 1000 buts en sélection (1001), les Bleus sont idéalement entrés dans la partie (12-7, 16e). Encore devant à la pause (18-14), ils ont cependant beaucoup souffert ensuite. Déstabilisés par la sortie sur blessure de Mathieu Grébille, ils ont commencé à éprouver beaucoup de difficultés à transpercer les filets espagnols. Le match s'est tendu (22-21, 51e). Mais les Français n'ont pas baissé la tête, s'arcboutant en défense pour empêcher l'Espagne d'égaliser. Puis Omeyer, déjà magistral jusque-là, a sonné la fin des espoirs espagnols d'un double arrêt d'anthologie (57e), avant de haranguer avec délectation le nombreux public tricolore.