Plus que jamais cette saison, les cinq plus grands championnats européens ont sacré les clubs aux budgets les plus élevés : la tendance lourde qui prévaut depuis l'arrêt Bosman semble avoir définitivement condamné les petits clubs à jouer les faire-valoir. En France, le sacre de Montpellier en 2012 remonte à la préhistoire. A l'époque, le club de Louis Nicollin affichait le 13e budget de Ligue 1 avec 36 millions d'euros. Même pas de quoi couvrir l'achat de Javier Pastore (42 millions d'euros) par les concurrents du PSG, alors tout fraîchement repris par les Qataris de QSI. «Montpellier, c'était sans doute la dernière anomalie du genre», estime Didier Primault, directeur du Centre de droit et d'économie du sport (CDES) de Limoges. Depuis, le PSG écrase la L1 avec une logique implacable. Avec 480 millions d'euros de budget, le club parisien est trois fois plus riche que ses suivants, Lyon, Monaco ou Marseille. «Les surprises sont de plus en plus improbables du fait de la force de frappe du PSG, reprend Didier Primault. Si l'on reprend le classement de la L1, on trouvera de petits décalages entre le classement et la taille du budget, mais infimes.» Alternance entre riches Allemagne, Italie, Espagne et dans une moindre mesure Angleterre... Le scénario est partout identique. En Bundesliga, le Bayern Munich (487 millions d'euros) monopolise les titres, laissant de rares interims à Dortmund, qui n'est tout de même pas fauché (285 millions d'euros). Idem en Italie où la Juventus (280 millions d'euros) a repris son règne depuis la déroute financière des deux clubs milanais abandonnés par leurs investisseurs. En Espagne, le mano a mano entre le Real Madrid (et son budget record de 550 millions d'euros) et le FC Barcelone (484 millions d'euros) semble ne plus jamais devoir être interrompu après l'intermède Atletico Madrid la saison dernière. En Angleterre, c'est un ballet à cinq clubs qui se joue, tous dans le Top 10 européen des plus gros budgets (Manchester United 518 millions d'euros, Manchester City 414, Chelsea 388, Arsenal 359 et Liverpool 305). «C'est sans doute le championnat le plus solidaire, note Didier Primault, car les droits télés y sont répartis équitablement entre les clubs. Du coup, il peut y avoir une vraie alternance». Une alternance entre riches. Jamais un petit Poucet anglais moins fortuné ne s'immiscera dans le Top 5 de la Premier League. Et s'il y a de nouveaux entrants au sommet des différents championnats, ils sont tous dopés par l'argent d'investisseurs providentiels comme Chelsea d'abord puis le PSG et Manchester City, ou dans une moindre mesure Monaco ou Wolfsburg. Compétitifs dans tous les secteurs Car l'argent appelle l'argent. «L'écart sportif et l'écart économique (entre clubs) sont de plus en plus importants», estime Lionel Maltese, professeur de marketing sportif à la Kedge Business School de Marseille. Le fair-play financier a accru cette tendance : il impose un équilibre budgétaire afin d'éviter des déficits abyssaux causés par des dépenses pharaoniques. D'où l'obligation pour les clubs d'être compétitifs dans tous les secteurs. «Aujourd'hui, les grands clubs sont bons sur toutes leurs ressources : centre de formation, stades, billetterie, merchandising. Ils sont forts partout. N'emploient que des gens extrêmement bien formés», souligne Lionel Maltese. Le fair-play financier, qui a déjà sanctionné des clubs comme Manchester City et le PSG, pourrait être «allégé» à l'avenir, selon son initiateur Michel Platini, le président de l'UEFA. Les gros calibres européens pourraient alors de nouveau sortir le carnet de chèques et creuser un peu plus l'écart. Et l'intérêt sportif dans tout ça ? «Il faut que la domination soit très longue pour que le public se lasse», croit Didier Primault, plus inquiet pour le «modèle économique des clubs dominés, qui reste à inventer. Sinon, c'est tout l'édifice qui est mis en péril». Une des raisons pour lesquelles l'Espagne songe à imiter l'Angleterre en optant pour une répartition plus égalitaire des revenus télés. En attendant, les spectateurs s'adaptent. En France, on assiste à l'irruption d'une seconde billetterie destinée à revendre les places des abonnés qui délaissent les petites affiches. Viagogo, Ticketbis... Ou les gagnants des championnats à deux vitesses.