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Urgence d'une large coopération internationale liant sécurité et développement
Publié dans La Nouvelle République le 28 - 06 - 2015

Après les attentats en France, en Tunisie et au Koweït qui ont fait respectivement 1, 38 et 27 morts, la presse internationale est unanime à dénoncer le climat «d'horreur, de barbarie et de terreur». Je tiens à m'incliner à la mémoire des victimes et la meilleure réponse qu'on puisse donner à cet extrémisme fanatique c'est de rester fidèles aux valeurs de tolérance, d'humanisme et de liberté. Des stratégies d'adaptation qui interpellent tant l'Algérie sous continent de l'Afrique du Nord et plus globalement l'Afrique, lesEtats-Unis et l'Europe, objet de cette contribution qui relate en brève synthèse différentes rencontres internationales sur ce sujet, auxquelles j'ai eu l'honneur de participer.
1.-Différents thèmes et rencontres internationales sur les liens entre la sécurité et le développement renvoyant au fondement du terrorisme ont été abordés ces dernières années. Suite à l'invitation du Parlement européen, j'ai donné une conférence à Bruxelles le 17 septembre 2013 sur les enjeux géostratégiques des relations Europe /Afrique via le grand Maghreb où ont été mis en relief l'urgence d'un co-développement pour une prospérité partagée afin de luter contre les tensions sociales qui engendrent la violence sous différentes formes. Le 27 décembre 2013, à Paris au siège de l'IFRI nous avons débattu d'un important ouvrage collectif publié sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil qui dirigent respectivement les programmes «Maghreb/Moyen-Orient» et «Afrique subsaharienne» (1) de l'Institut Français des Relations Internationales –IFRI- intitulé «le Maghreb et son Sud, en présence de plusieurs experts de renom civils et militaires dont Jean-Pierre Chevènement et notamment sur le rôle stratégique de l'Algérie comme facteur de stabilisation de la région, sous réserve d'une entente régionale. Par la suite le 17 février 2014, à l'invitation de Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre français de l'Intérieur, de l'Education nationale et de la Défense, président de l'Association Algérie-France, en présence d'importantes personnalités (politiques, députés, sénateurs, experts internationaux) des deux rives de la Méditerranée en partenariat avec l'Union européenne, j'ai animé à cette occasion, au siège du Sénat français, une conférence sur le thème « face aux enjeux géostratégiques pour un co-partenariat entre le Maghreb et l'Europe, facteur de stabilité de la région ». Cela a été suivi d'une autre intervention lors d'une rencontre internationale en présence d'experts et de dirigeants européens, africains et maghrébins à Rabat à l'invitation de l'Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA) » qui a organisé une rencontre internationale entre le 26/30 janvier 2014 sur le thème « l'Afrique doit réinventer son économie » en partenariat avec la Fondation Charles Léopold Mayer pour les progrès de l'Homme, l'African Innovation Foundation. Toutes ces rencontres ont mis en relief les dangers de la pénétration de l'islamisme radical à ne pas confondre avec l'Islam religion de tolérance avec des menaces réelles tant au Maghreb, qu'en Europe. C'est que les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l'Europe et les relations de toutes natures entre le Maghreb, l'Afrique subsaharienne sans oublier les conflits au Moyen-Orient et dans certaines contrées en Afrique. Ont été analysés d'une manière opérationnelle en termes de géostratégie les impacts de l'effondrement du régime libyen, les conséquences pour la région de la sécession d'un Nord-Mali, l'importance des échanges économiques (formels et informels) et des échanges humains de part et d'autre du Sahara, les flux migratoires notamment des migrants subsahariens qui s'installent désormais dans les pays du Maghreb comme passage transitoire en attendant d'aller vers l'Europe, surtout via Italie. Du point de vue géographique et politique, l'Afrique du Nord comme le rappelle justement Mansouria Mokhefi et Alain Antil –point de vue partagé dans d'autres contributions notamment deux ouvrages réalisés sous ma direction et celle du docteur Camille Sari, avec 36 experts internationaux-économistes-sociologues- juristes – politologues, militaires- sur le Maghreb face aux enjeux géostratégiques ( deux volumes 1000 pages -Edition Harmattan Paris juillet 2014 (2), était et reste toujours une sorte de barrière sur la voie des réfugiés illégaux des pays d'Afrique subsaharienne en Europe. Pour Eric Denécé, Directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, est clair sur l'origine de la situation présente: «il faut dire et répéter que le facteur déclenchant tout cela est l'intervention occidentale en Libye ». Ce qui ne disculpe pas l'ancien régime fondé non pas sur des institutions mais sur des relations personnalisées qui explique l'effondrement actuel de l'Etat libyen et dont bon nombre d'Etats devraient tirer les leçons renvoyant à la mise en place d'un processus démocratique. Pour le directeur du FBI, James Comey qui a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès «qu'Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l'Afrique du nord et du Sahel». Il a cité l'opération terroriste perpétrée contre l'installation pétrolière de Tiguentourine en Algérie (Illizi) ainsi que celles commises contre le consulat américain à Benghazi et la mine d'uranium exploitée par une société française à Arlit (Niger). Pour le directeur du Centre américain du contre-terrorisme, Matthew Olsen, dont les services dépendent du Directeur du renseignement national des Etats-Unis (DNI), devant la commission sénatoriale que si l'intervention militaire conduite par la France au Mali a permis de chasser AQMI et ses alliés des villes qu'ils contrôlaient auparavant, ces groupes arrivent, cependant, à trouver refuge dans les zones les moins peuplées du nord du Mali et continuent à commettre des attaques de représailles. 2.-Aussi ces récents évènements dramatiques de juin 2015 le rappellent fortement, rend urgent une coordination internationale liant sécurité et développement. Bien qu'existe une prise de conscience, soulignant que certaines dictatures se nourrissent du terrorisme qu'elle favorise par une mauvaise gouvernance engendrant l'exclusion et le manque de cohésion sociale, à ce jour, peu d'actions opérationnelles coordonnées notamment dans le domaine du renseignement. Certes, face à la menace de l'insécurité et du crime organisé se sont établis des dialogues stratégiques entre Etats les Etats-Unis et Europe notamment considérant le Dialogue stratégique dans les domaines politique, économique, culturel, scientifique et sécuritaire, est le moyen le plus efficace afin de lutter contre le terrorisme international. Les différentes résolutions concernant notre région ont toujours insisté sur une coopération étroite des pays du Maghreb, posant l'urgence de l'intégration du grand Maghreb et d'une manière générale du sous intégrations régionales du continent Afrique. En effet, ce thème a été développé lors d'une rencontre internationale des experts le 04 décembre 2013 à Paris, en marge du sommet des 06/07 décembre 2013 à laquelle j'ai participé. La résolution finale a mis l'accent sur l'obligation de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l'ensemble des pays de la zone en plus des partenaires européens –américains du fait que la région est devenue un espace ouvert pour divers mouvements terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d'armes ou la drogue, menaçant la sécurité régionale et par ricochet l'Europe et les USA. La résolution finale avait mis en relief l'urgence d'une coopération tant africaine que mondiale dans la lutte contre la criminalité transnationale nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme. Ont été mise en relief la nécessité de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l'application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s'adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l'hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d'agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. À terme, la stratégie doit viser à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes. 3.-Sans un véritable développement conciliant efficacité et équité, et la résolution politique de la situation en Libye, les choses risquent de ne pas évoluer favorablement et risquent de déstabiliser l'ensemble des pays du Maghreb et de l'Afrique. L'erreur stratégique des nouveaux dirigeants libyens après la chute du régime Kadhafi a été d'essayer de construire un Etat jacobin centralisé, loin des spécificités régionales, pour un partage équitable de la rente, comme je l'avais signalé à l'ambassadeur libyen lors d'une conférence à Malte organisée par l'Union européenne en avril 2012, qui m'avait annoncé que plus de 60 milliards de dollars n'étaient plus recouvrables étant déposés sur des comptes anonymes ou personnalisés. Kadhafi disparu, ce pays n'ayant jamais eu d'Etat au sens proprement dit, des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l'armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel, puis par d'autres groupes terroristes venus d'autres régions. Cependant à la lumière des derniers attentats en Europe, il y a lieu d'éviter des déclarations hâtives de verser dans la xénophobie qui alimente le discours des extrêmes, car l'Islam autant que toutes les grandes régions monothéistes le judaïsme, le christianisme sont des religions qui prêchent la paix et la tolérance. Ce qui se passe actuellement ne saurait en aucune manière refléter les idéaux de l'Islam. Aussi, Daech », organisation fondamentaliste ne saurait donc référer les idéaux de l'Islam profilant tant d'une crise tant morale au niveau de certains dirigeants que de l'accroissement de la misère tant en Occident qu'en Orient. C'est que la résolution de ce mal implique de s'attaquer à l'essence (un co-développement) et non aux apparences. Une étude du
Forum économique mondial – WEF- du 14 novembre 2013 révèle que fortement secoués depuis deux ans par des crises politiques à répétition, les pays d'Afrique du Nord, sont à l'aube d'une crise majeure et sont une source d'inquiétude, ces pays traversant une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand et tandis que l'écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l'éducation, la santé et la mobilité sociale sont toutes menacées. L'étude met en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage : «une génération qui commence sa carrière dans un désespoir complet sera plus enclin aux politiques populistes alors que l'ampleur de la récession mondiale et le rythme du rétablissement ont laissé des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse». Le rapport considère «qu'il y a maintenant un consensus croissant selon lequel la région (Mena, Proche-Orient et Afrique du Nord) est à l'orée d'une période d'incertitude croissance, aux racines ancrées dans la polarisation de la société. En résumé, il est reconnu que l'Algérie, pesant 40% du PIB maghrébin, et ayant une longue expérience de la lutte contre le terrorisme est un acteur incontournable de la stabilité de la région. Mais pour cela s'impose en urgence un front social interne solide car le terrorisme étant une menace planétaire supposant une large coopération régionale et internationale. L'Algérie ne saurait à la fois supporter seule le fardeau financier avec la chute du cours du pétrole. Sur le plan diplomatique et sécuritaire, son audience sera forcément limitée à terme sans un véritable développement et une entente régionale. Espérons donc pour le devenir de l'Algérie que cette rente en voie d'épuisement soit déployée pour consolider le front social intérieur, réaliser un véritable développement loin de l'actuelle mentalité rentière, impliquant l'approfondissement des libertés, de l'Etat de Droit et de la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle.


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