Une année après le trépas de l'écrivain algérien d'expression arabe, Tahar Ouattar, la ville de Médéa lui rendait hommage en diffusant un documentaire consacré aux derniers jours de l'auteur de l'"As." Par Yasmine Ben Signé par Mohamed Zaoui, journaliste et ami de l'écrivain, ce documentaire est une rétrospective sur la vie de l'auteur d'"Al-Zilzal", "Le pêcheur et le palais", "Noces de mulet", "Le fugitif" et "Les martyrs reviennent cette semaine". Cette œuvre est accompagnée de commentaires de grandes figures de la littérature comme Djamel Guitani, Wassini Laaredj, Nacer Djabi, Mohamed Tine, Ahmed Cheniki et Francis Combe. Selon Mohamed Zaoui, établi depuis plusieurs années en région parisienne, ce travail "met en exergue la dimension humaine de cet écrivain prolixe et polémiste à la fois, qui a tant contribué à faire connaître la littérature algérienne au plan régional qu'international". Intitulé sobrement, "Les dernières paroles", ce document se veut selon son auteur "un hommage à la longue et brillante carrière de l'écrivain, mais également une œuvre de réconciliation entre les intellectuels algériens, toutes tendances et opinions confondues, et ce à travers cette immersion de 120 minutes dans la vie de l'enfant prodige des Aurès, qui dévoile, pour la première fois, le côté caché d'une personnalité sensible et très attachée à la culture chaouie. Une culture dont il aimait écouter et fredonner les anciennes chansons du terroir qui ont bercé son enfance, et ce, jusqu'au dernier jour de sa vie,"a-t-il affirmé. "Les dernières paroles", comme l'explique son auteur, est un travail journalistique de "l'urgence" qui intervient, la plupart du temps, à un moment crucial de la vie d'un intellectuel "en fin de parcours" ou "dans la détresse", citant, dans ce contexte, les travaux réalisés, dans des conditions presque similaires, sur la vie et le parcours de Nadia Guendouz ou Beggar Hadda, en guise d'hommage et de reconnaissance envers ces personnages qui ont beaucoup donné à la culture algérienne. Pendant les dix jours passés chez son hôte, l'écrivain va "se dévoiler" face à la caméra et raconter ses souvenirs d'enfance, son village natal, Sedrata, ses débuts dans la littérature et plein d'autres faits marquants ayant émaillé sa vie et sa carrière d'écrivain, sans jamais renier ses convictions et sa vision du monde, telles que traduites dans ses écrits, a encore expliqué le réalisateur. L'enfant prodige de Sedrata Tahar Ouettar trépassait le 12 août 2010 dans un hôpital parisien suite à une foudroyante cyrrose à l'âge de 74 ans. Né en 1936 à Sedrata, un petit village de l'Est algérien, il disait d'ailleurs, à ce propos, comme dans une œuvre biographique : " Je suis né dans un douar de la campagne, d'une famille qui comptait quatre garçons, mon père en a mis deux à l'école de langue française, deux à l'école en langue arabe. J'ai vécu dans la pureté de l'existence, nourri du spectacle des collines sur lesquelles tombait le crépuscule, jouant de la flûte derrière les brebis et les oies. J'ai été témoin de l'herbisme. Ma mère accouchant toute seule, ma mère encore montant la garde la nuit sur le toit. J'ai saisi le sérieux de la nature et des hommes qui m'entouraient. Dans le Coran que j'apprenais par cœur, j'ai reconnu l'éloquence et la beauté. Ceci se passait avant la Révolution ; depuis, d'autres facteurs sont venus enrichir ma personnalité ". Il s'installe après à M'daourouch , où il a vécu la meilleure période de son parcours. Là, il a découvert une autre société, des vêtements et une langue étranges et une autre façon de vivre. Il se mit à méditer tout en apprenant ou en enseignant le Saint Coran . Il rejoint ensuite l'école de l'association des Oulémas qui a ouvert en 1950, et il se distingue parmi les meilleurs élèves. Après l'école de cette période, les études le conduisent successivement à l'Institut Ben Badis de Constantine puis à la Zitouna de Tunis (début 1954). Durant les années 50, il adhère au socialisme en lisant les récits épiques. Fin des années 80, au moment où notre théâtre connaissait son apogée, l'une des œuvres devenue phare de Tahar Ouettar a été adaptée au théâtre : Il s'agit de "Les martyrs reviennent cette semaine", une pièce montée par Ziani Cherif Ayad avec Sonia et qui a tourné, des années durant, dans nos salles en raflant même un prix au festival de Carthage. Pour le cinéma, il y a eu l'adaptation de Noua, inspirée de Dukhan fi Qalbi (fumée dans mon cœur)qui fut adaptée à un film produit par la télévision algérienne et a reçu plusieurs prix. Sa pièce théâtrale Al Harib, s'est produite au Maroc et en Tunisie. Parmi les plus connues de ses œuvres, il y a " Noces de mulet " Roman, (Beyrouth 1980), Expérience amoureuse - Roman Alger 1989, Aimer et mourir à l'ère harrachite - Roman - Alger 1978, La Bougie et les cavernes, Roman Alger 1995 etc . Son parcours d'écrivain a commencé en 1955, avec la publication de nouvelles dans la presse tunisienne. Son premier roman "L'As", qui a connu un immense succès, est paru en 1971, inaugurant ainsi une série d'ouvrages littéraires. Il a présidé depuis 1989 l'association culturelle Al-Jahidhya et a continué à le faire malgré la détérioration de son état de santé, ces dernières années. Ancien directeur général de la Radio nationale, le défunt a été également journaliste dans plusieurs journaux d'expression arabe.