L'affaire de la Société des eaux et assainissement El-Tarf et Annaba (Seata) à l'origine de l'interpellation, inculpation, mise sous contrôle judiciaire et mise en liberté provisoire de 21 cadres et agents, revient au-devant de l'actualité aujourd'hui avec la présentation des mis en cause par devant le juge d'instruction en charge du dossier. Aux uns ou autres, il est reproché un détournement de deniers publics de plus de 137 millions de DA, le ravalement à des prix plus qu'excessifs du centre de Mexa dans la wilaya d'El Tarf et réalisé en totale contradiction avec le code des marchés, le trafic d'influence, la passation de marchés publics non conformes à la réglementation. Il y a aussi la disparition de 4 500 compteurs à eau portant sigle Seata, l'utilisation des moyens de l'entreprise à des fins personnelles et, régionalisme oblige, des promotions d'agents totalement illettrés à des postes de responsabilité. Saisis du dossier, les éléments de la brigade économique de la sûreté de wilaya ont disséqué un à un les faits matériels. A leurs constatations sont venues s'ajouter les déclarations des témoins et mis en cause. Ce qui a imposé au magistrat de faire appel à des expertises. Ces derniers ont accompli leur mission et remis leurs conclusions au magistrat à charge pour ce dernier de les exploiter à charge ou à décharge des vingt et un mis en cause dont 2 femmes. Ces conclusions devraient être érigées en critère d'appréciation de la gouvernance de la gestion financière, technique et administrative de la Seata. Selon des sources judiciaires, le volumineux dossier comporte toutes les données de la gestion de l'entreprise des deux directeurs généraux qui s'étaient succédé jusqu'à la dissolution de l'entreprise début 2015. Il y a aussi des documents constituant le terreau fertile de la chambre d'accusation. Il s'avère que sur la base de techniques comptables ou artifices inextricables à même de favoriser les détournements et l'acquisition de divers moyens et prestations de service, cette chambre a eu à se prononcer sur l'implication des uns et des autres. Il en a résulté des mises en liberté provisoire et autres contrôle judiciaires. Les magistrats ne vont pas s'arrêter au seul détournement de plus de 130 millions de dinars de la recette de la Ménadia de Annaba. Selon les mêmes sources, ils auraient étendu leurs investigations judiciaires aux mécanismes de fraudes «innovants», notamment celles d'acquisitions ou d'utilisations de moyens matériels qui ont fini par obérer les efforts de redressement économique de cette entreprise. Jusqu'à 2013, sa gestion déléguée de l'eau était en charge du groupe allemand Gelsenwasser. La procédure judiciaire avait été mise en branle par le procureur général près la Cour de justice de Annaba saisie d'une plainte de la direction de l'Algérienne des eaux de Annaba. Depuis, l'expertise des actes commis caractéristiques de détournement et autres faits délictuels a débouché sur un grand nombre d'anomalies dans la gestion globale de l'entreprise. Le magistrat chargé de l'instruction du dossier et ceux de la chambre d'accusation n'auraient pas eu de difficultés à en relever plusieurs. Il s'agit pour les magistrats de déceler dans l'ensemble des documents, de l'expertise et des auditions des mis en cause le fait juridique. Pour la première fois dans les annales de la justice à Annaba, en demandant des expertises contradictoires, les magistrats ont fait application de la règle à même de pouvoir prouver leurs accusations par la suite. C'est dans cette perspective qu'interviendra aujourd'hui la présentation des 21 cadres et agents mis en cause. D'autant que des documents ont été produits pour prouver l'encaissement ou le décaissement d'importantes sommes au niveau de la caisse de la Ménadia ou débitées sur les comptes bancaires de l'entreprise. Il convient d'ajouter que le magistrat instructeur n'a pas encore étudier le dossier dans son ensemble. Il est fait état de recrutements ou promotions de certains membres ou proches parents des deux principaux gestionnaires successifs de la Seata, de la disparition des 4 000 compteurs à eau, l'acquisition de voitures luxueuses reformées aussitôt réceptionnées et l'utilisation des biens de l'entreprise à des fins personnelles. Cette énumération des faits n'est pas exhaustive. Elle est simplement indicative de l'ampleur du préjudice commis et du caractère pernicieux des moyens utilisés. Ce qui illustre parfaitement l'existence effective de cet espace de non droit qu'était devenue la Seata avant sa dissolution.