Il n'est de secret pour personne que la kechabia et le burnous en poil de chameau sont une marque artisanale déposée de Djelfa, particulièrement de la ville de Messaad (au sud de la wilaya), réputée à l'échelle nationale, voire même au-delà, pour la qualité de ses produits. Des produits qui font actuellement l'objet d'une concurrence déloyale de la part des importateurs, constituant ainsi un problème de plus pour cet artisanat ancestral, menacé désormais de déperdition. En effet, en dépit de la qualité incontestable du tissage en poil de chameau local, celui-ci est fortement concurrencé par les tissus d'importation, provenant notamment de Chine et d'Irak, déplorent les artisans locaux qui continuent, néanmoins, à tout miser sur la qualité du poil camélidé local en dépit des difficultés rencontrées dans son acquisition au niveau des zones steppiques et subsahariennes, au vu de sa raréfaction notable, ces dernières années. Une étude sur le tissage du poil de chameau, réalisée par la station locale de l'Institut national de recherche en agriculture, a ainsi révélé de nombreux problèmes rencontrés par les artisans dans l'acquisition de la matière première, soit le poil du chamelon (dit El Makhloul), considéré comme le nec plus ultra en la matière, et dont le traitement est confié aux femmes. Un taux de 40% de la pièce tissée est constitué de «pure laine de chameau». L'opération de tissage, en elle-même est généralement réalisée par un groupe de femmes d'une même famille et de voisines qui se réunissent pour une touiza (solidarité collective) afin d'accélérer l'opération de filage de la laine. Commercialisation et intermédiaires : contraintes majeures pour les artisans La commercialisation constitue la plus grande préoccupation des artisans du domaine qui ont été nombreux à affirmer à l'APS que leur «artisanat est sérieusement menacé par les intermédiaires et les courtiers» qui ont, actuellement, la mainmise sur le marché et vendent les produits tissés à des prix fixés par eux-mêmes, au moment où les artisans ne savent plus où donner de la tête, car vendant des produits confectionnés durant de longues heures de patience et de dur labeur à des prix arrivant à peine à couvrir les frais des matières premières, déplorent-ils. Néanmoins, ces derniers (artisans) sont «plus que jamais» déterminés à préserver le métier de leurs aïeux, en tentant, vaille que vaille, de vivre de leur labeur en dépit du peu qu'il leur rapporte, et malgré les différentes maladies liées au traitement de la laine de chameau, dont notamment les allergies touchant particulièrement les femmes qui en ont la tâche. La cinquième édition du Salon national de la kechabia et du burnous en poil de chameau tenue dernièrement a constitué une opportunité aux gens du métier, pour exposer à la ministre déléguée auprès du ministère de l'Aménagement du territoire, du Tourisme et de l'Artisanat, chargée de l'Artisanat, Aïcha Taghabou, présente sur place, les nombreux problèmes rencontrés par les artisans du domaine en matière de commercialisation et de compétition déloyale de la part des produits importés. Mme Taghabou avait assuré, à l'occasion, que «le problème des intermédiaires sera réglé grâce à l'orientation des artisans vers les espaces d'exposition et de vente assurés au niveau de la Chambre d'artisanat et des métiers, en vue de la commercialisation directe de leurs produits». Le tissage de la kechabia et du burnous, un art La confection d'une kechabia ou d'un burnous en laine de chameau est un travail de longue haleine, alliant le génie créatif de l'artisan à sa dextérité et son sens de l'esthétique. Une tâche qui nécessite un temps considérable, de la minutie et beaucoup de concentration pour le tisseur qui voit sa vue prendre un coup, au moment où tous ses membres crient «douleur» sous l'emprise de sa position assise prolongée à même le sol, explique à l'APS l'artisan Bouzidi Bouzidi, un pionnier de l'artisanat du poil de chameau à Djelfa. C'est un métier requérant tout le talent et l'art de l'artisan qui tisse patiemment la sedria avec ses doigts habiles, dont la beauté artistique vaut aisément son prix oscillant entre 6 000 et 18 000 DA, faisant le montage de son produit fil après fil et pièce par pièce, sans jamais perdre de sa patience, encore moins de sa dextérité. La wilaya de Djelfa et la ville de Messaad en particulier ont une grande part dans la notoriété mondiale, aujourd'hui acquise par la kechabia et le burnous en poil de chameau, qui ont de tout temps symbolisé la «noblesse d'âme» et la «virilité des hommes» de ces régions, pour qui ces deux produits représentent fierté et orgueil, et sont considérés comme les plus beaux et plus chers cadeaux pouvant être offerts en gage d'amitié. Mais cela ne se fait pas sans répercussion sur le prix de la kechabia qui oscille entre 35.000 et 140.000 DA, alors que celui du burnous est estimé, en moyenne, à 60.000 DA, et peut parfois atteindre les 250.000 DA, s'il est fait sur commande chez un artisan digne de confiance, qui le confectionnera en pure laine de camélidé. La production du poil ou laine de chameau revêt un intérêt économique certain, particulièrement pour les sociétés nomades, qui les emploient, entre autres, dans la confection du tissu des tentes, car assurant solidité et imperméabilité contre la chaleur, le froid et la pluie. La grande solidité de cette matière est également à l'origine de son usage dans la confection des cordes, au même titre que dans les fils de la sedoua (métier à tisser traditionnel).