Cependant, le pendule Obama continue son oscillation (disons plutôt son errance), avec les toutous européens dans son sillage. Le Conseil de sécurité de l'Onu réuni mi-février dernier à l'initiative de Moscou a rejeté un projet de résolution russe appelant à respecter la souveraineté de la Syrie, à cesser les tirs à travers la frontière et à abandonner toute tentative de mener une intervention terrestre étrangère dans ce pays. Les Américains se désavouent, eux qui s'étaient publiquement déclarés en faveur de l'intégrité territoriale de la Syrie. Les ambassadeurs états-uniens et français ont justifié sans rire leur veto en affirmant que le projet russe n'avait «pas de futur». L'ambassadeur russe a beau jeu d'ironiser sur l'incohérence absolue des Occidentaux : «Tout ce qui était dans le projet de résolution a auparavant été affirmé par eux, approuvé par eux, et répété plusieurs fois.» Pour sa part, l'occupant de la Maison-Blanche, lors d'une conversation téléphonique avec le sultan, semble s'être mis du côté d'Ankara en appelant l'armée syrienne et les YPG à «cesser les actions qui pourraient augmenter les tensions avec la Turquie et les rebelles modérés ». Traduction : n'approchez pas de la frontière turque et ne bombardez pas Al Qaïda ! Erdogan va toutefois un peu vite en besogne lorsqu'il claironne que Barack Obama partage toutes ses préoccupations sur les Kurdes. Obama ne serait pas Obama s'il n'accompagnait pas cet étonnant retournement de veste, de tergiversations qui excèdent tout le monde, alliés comme adversaires en l'occurrence. Il a également appelé les Turcs à cesser leurs bombardements d'artillerie. A vouloir ménager tout le monde, on ne ménage personne... Il n'a en tout cas pas répondu à la question que personne ne lui a posée et qui est pourtant la seule importante : a-t-il interdit aux Turcs et aux Saoudiens d'envahir la Syrie ? D'après le respecté et d'habitude bien renseigné Robert Parry, Washington a refusé de mettre son veto à cette invasion tout en tentant de calmer l'instable d'Ankara et l'agressif wahhabite et en précisant bien que les Etats-Unis ne prendraient pas part à une telle aventure. Car il s'agit bien d'une aventure et des plus mouvementées. Toujours selon Parry ainsi que d'autres sources, Poutine n'hésitera pas à recourir à la force contre les Turcs, y compris, si les forces russes sont menacées, à employer des armes nucléaires tactiques ! Diantre... L'Otan commence déjà à prendre ses distances avec le dément d'Ankara (les commentaires de Hollande sur les risques d'une guerre russo-turque plaident également pour une désolidarisation de l'alliance atlantique). Quant aux Saoudiens, Poutine semble les travailler diplomatiquement. Le fait qu'il ait renouvelé l'invitation de Moscou à la visite du roi Salman ne paraît pas indiquer une guerre imminente entre l'ours et le chameau. Le conditionnel reste bien sûr de mise mais il semble que de la « bande des six » (USA, Arabie Saoudite, France, Turquie, Royaume-Uni, Qatar), les Turcs resteraient donc seuls sur le terrain, livrés à eux-mêmes dans leurs rêves fous d'invasion. Quelque chose nous dit que les Russes n'attendent que ça... (Suite et fin)