Les Américains semblent avoir jeté l'éponge en Syrie, et ce ne sont pas les coups de menton saoudiens ou turcs, se disant prêts à intervenir au sol, qui empêcheront Bachar de dormir. On peut même dire que les Russes attendent avec gourmandise la moindre incursion turque... Est-ce pour la provoquer qu'ils bombardent allègrement les rebelles turkmènes liés à Ankara ? La porte se ferme peu à peu aux possibles fournitures d'armement. La Jordanie a tourné casaque et plus grand chose ne passera par là. L'armée syrienne et ses innombrables alliés se rapprochent dangereusement de la frontière turque tandis que les Kurdes vont bientôt lancer leur mouvement de jonction, fermant le corridor Azaz-Jarablus. Un ravitaillement aérien étant exclu à cause des avions russes, les terroristes «modérés» en seront à terme réduits à lancer des pierres. Comme l'écrit L'Orient-Le Jour, canard libanais pourtant férocement anti-Assad : « Les Turcs sont les grands perdants de l'offensive d'Alep. Les forces du régime ne sont plus qu'à une vingtaine de kilomètres de la frontière, une nouvelle vague de réfugiés affluent en masse alors que la Turquie accueille déjà 2,7 millions de Syriens sur son territoire et les Kurdes du PYD, émanation syrienne du PKK, profitent de l'offensive du régime pour gagner du terrain dans le Nord. Les Kurdes, qui ont le double soutien de Moscou et de Washington, cherchent à relier les trois cantons d'Afrin, de Kobané et de Jezireh, afin de réaliser une unité territoriale dans le but d'obtenir à terme leur autonomie. Les Turcs pourraient être tentés d'essayer d'envoyer quelques troupes de l'autre côté de la frontière, mais l'intervention russe a fortement réduit leurs possibilités. » Plus encore que la déconfiture de ses ambitions syriennes, c'est l'inexorable montée en puissance kurde qui provoque l'hystérie désespérée du sultan. Comme Obama et ses désormais légendaires lignes rouges sans cesse franchies, Erdogan a maintes fois juré ses grands dieux que si les Kurdes avançaient encore d'un pouce, vous allez voir ce que vous allez voir... On n'a rien vu. Les YPG viennent même de prendre, avec l'appui des Sukhois russes, l'aéroport militaire de Mennagh au nord d'Alep, à seulement 10 km de la frontière turque. La future attaque sur le couloir Azaz-Jarablus, pour fermer la porte à Daech, sceller la frontière et créer un Kurdistan syrien continu, en sera grandement facilitée. Car c'est autour des Kurdes que tout se joue désormais. Comme deux prétendants, Moscou et Washington, rivalisent de caresses, le tout sur le dos des Turcs qui doivent avaler couleuvre sur couleuvre. Les YPG bénéficient maintenant d'armements russes et américains et de la protection aérienne de l'aviation russe dans leurs offensives. Le PYD a ouvert sa représentation (semi-diplomatique) à Moscou à l'invitation personnelle de Poutine, provoquant l'exaspération d'Ankara. (A suivre)