C'est maintenant ou jamais pour les sponsors de l'islamisme s'ils veulent avoir une chance de peser sur les destinées syriennes, alors que les forces loyalistes avancent partout : à Deraa, à l'est d'Alep, dans la province de Lattaquié, vers Idlib, vers le califat autoproclamé de Daech et, plus important peut-être, au nord d'Alep. La libération de la grande ville du nord constituerait un coup mortel à la rébellion djihadiste. Ankara et Riyad le savent et jouent leur joker. Les Turcs continuent leurs bombardements au mortier contre les YPG et même l'armée syrienne qui est tout prêt de la frontière turque dans la province de Lattaquié. A défaut de faire voler ses avions et changer quoi que ce soit à Alep, le sultan loco envoie ses obus aux abords de la frontière. Stratégiquement, c'est plutôt insignifiant sauf pour l'avancée des Kurdes. Il met par la même occasion l'Otan dans un sacré bourbier. Les Américains ne savent plus sur quel pied danser, pris qu'ils sont dans les méandres de leurs contradictions. Ils condamnent les bombardements de leur allié turc mais demandent aussi à leur autre «allié», les YPG, de ne pas «profiter des circonstances pour gagner du terrain». Des déclarations mi-chèvre mi-chou qui ne satisfont personne. Washington risque de perdre le PYD, bras politique des YPG, qui a d'ailleurs très vite fait savoir qu'un retrait de la frontière et un arrêt des opérations étaient hors de question. Chose intéressante, Erdogan semble être en passe de réussir l'exploit de créer un sentiment d'unité (contre lui !) Salih Muslim, l'un des leaders du PYD, a affirmé que la Turquie n'avait pas à se mêler des affaires internes de la Syrie et a prévenu Ankara qu'une intervention turque verra «tous les Syriens se lever contre elle». De même, Jaysh al-Thuwwar, un groupe allié aux YPG et soutenu par les USA car initialement anti-Assad, a averti la Turquie : «Si vous manigancez contre notre chère nation, nous défendrons notre pays et notre peuple.» Bien malgré lui, le sultan donne un petit coup de pouce à Assad dans l'optique d'une éventuelle «réconciliation nationale». Reste à savoir ce que vont faire les Russes et les Iraniens. Stratégiquement — offensive kurde visant à sceller la frontière mise à part — les obus ottomans ne changent pas grand-chose. Les Sukhois continuent de pilonner les djihadistes partout dans le pays selon les recommandations de la résolution onusienne et Moscou déclare tout de go, et avec raison, que le cessez-le-feu ne s'applique pas à ses opérations contre les groupes terroristes et affiliés. En passant, notons l'imperceptible changement de ton des médias occidentaux. Dans son titre, Reuters utilise des guillemets pour qualifier les rebelles de «modérés»). Reste à châtier les Turcs s'ils ne se calment pas rapidement et permettre aux Kurdes de sceller la frontière, empêchant le ravitaillement de Daech. Et là, il y aura peut-être du nouveau. Obama a appelé Poutine pour discuter de la Syrie tandis que Lavrov et Kerry ont fait de même. Assurance américaine que l'Otan ne soutiendra pas le trublion turc en cas de conflit ouvert avec la Russie ? Promesse que le dément d'Ankara n'ira pas plus loin ? A suivre...