Les YPG kurdes, maintenant assurés sur leurs arrières, ont désormais toute latitude pour faire mouvement. Le sultan avait décidé d'une ligne rouge à ne pas franchir pour les Kurdes syriens : l'Euphrate, au-delà duquel les avions turcs n'hésiteraient pas à les bombarder, ce qui est arrivé plusieurs fois. Le piquant de l'affaire est que ces mêmes YPG sont sensés être les alliés des Etats-Unis, eux-mêmes alliés de la Turquie. Bref, un accordéon sur lequel Poutine joue comme dans du velours (...) Ce qui se profile à l'horizon est un mouvement en tenaille entre les «Kurdes est» franchissant l'Euphrate et les «Kurdes ouest», le tout protégé par les fameux S-400 russes qui vont abattre comme des mouches les avions turcs qui s'aventureraient dans la région. Moscou vient semble-t-il de donner le feu vert et Ankara risque de regretter longtemps, très longtemps son coup de folie avec le Sukhoi. L'incident a totalement changé la donne en Syrie où la Turquie est maintenant hors jeu. A tel point qu'un intéressant article d'un journaliste réputé affirme que c'était ni plus ni moins un piège tendu par les Russes. Si nous ne sommes pas forcément d'accord avec les conclusions de l'auteur, le fait méritait d'être cité. Dans sa folle fuite en avant, Ankara s'en prend carrément maintenant au député qui, dans une interview à RT, a accusé le gouvernement d'avoir fourni le sarin de 2013. Ce n'est une surprise pour personne. Surtout, dans un classique réflexe de recherche d'unité nationale par les armes, le sultan intensifie sa campagne contre le PKK kurde dans le sud-est du pays qui est maintenant au bord de la guerre civile (notons que l'analyste était très prudent jusque-là). Les deux camps recommandent d'ailleurs à la population civile de quitter des villes et mêmes des districts entiers, ce qui ne trompe pas. La Turquie, qui s'ingérait en Syrie pour y semer le chaos, se retrouve maintenant aux prises avec un conflit ouvert sur son propre territoire. Si Assad accepte (et dans sa position, il ne peut rien refuser aux Russes), les Kurdes syriens vont, sous le bouclier des S-400, sceller la frontière qu'ils contrôlent déjà en grande partie. A terme, c'est potentiellement une formidable base arrière pour leurs frères du PKK qui, pouvant dorénavant se ravitailler en Syrie, sera capable de soutenir une guérilla sans fin. Soit exactement ce que Daech et Al Qaïda font en Syrie avec la complicité d'Erdogan. Encore une fois, Poutine retourne la situation et châtie le sultan par où il a péché. Le maître du Kremlin est en passe d'obtenir un levier de pression presque infini sur Ankara. Pas étonnant qu'il se permette de moquer le sultan lécheur... (Suite et fin)