Homme de théâtre, chansonnier et acteur de cinéma, Rouiched est une icône pour tout algérien. Son humour, son talent et sa gentillesse ont marqué plusieurs générations. Rachid Ksentini, la référence du théâtre algérien, était son modèle, il est son « fils spirituel », d'où le surnom Rouiched (petit Rachid). De son vrai nom Ahmed Ayad, Rouiched, est né le 20 avril 1921, dans une petite maison de la Casbah d'Alger, au 13 rue de Thèbes, entre Bir-Djebah et le café Chaâmba qui n'existe plus aujourd'hui. A cinq ou six ans déjà, il a la carrure d'un personnage original. Imprégné d'une «bougeotte» inexplicable, il fait preuve de beaucoup d'imagination pour imiter les grandes personnes et pour faire rire ses copains. Notamment à l'école primaire El Feth de Soustara où il fait le pitre comme personne. Mais son insouciance sera vite évincée par un drame. Il n'a pas dix ans quand il perd sa mère, suite à une chute fatale. Le jeune garçon se retrouve seul avec sa sœur, son père ayant rejoint son village natal près d'Azzefoun pour cultiver un petit lopin de terre et ses frères s'étant mariés. Il est forcé de quitter les bancs de l'école alors qu'il à peine treize ans et se retrouve à faire des petits métiers pour survivre. Cireur, teinturier, vendeur de fruits et légumes... Lorsqu'éclatera la Seconde Guerre mondiale, il est vendeur de fève à la vapeur, de cacahuètes et de glands. Parmi ses clients, Rouiched compte des artistes. Un jour, l'un d'entre eux lui propose de jouer avec lui dans une pièce de théâtre. Et c'est en improvisant une scène dans son rôle de portier d'un cadi, dans « Estardjaâ ya assi (Reviens à toi ô inconscient) qu'il se fait remarquer. Avec le temps, il devient animateur d'une troupe artistique où il écrit, chante et mime des histoires. Un jour, il sollicitait un rôle dans la pièce « L'endormi » aux côtés de Rchid Ksentini et de Djelloul Bachdjerah. L'essai est concluent mais Bachetarzi, le directeur de la troupe, remercie Rouiched après la première représentation. En 1942, il s'engage comme batteur dans un orchestre traditionnel. Puis, il passe son service militaire comme sapeur-pompier, à Alger, à Ain El Hammam, à Oran et en France.De retour à la vie civile, Rouiched rencontre Ali Abdoun qui lui propose de jouer avec lui et Mustapha Badie dans « La Dot », comme remplaçant. Son jeu basé principalement sur l'improvisation séduit le public et la pièce est un succès total. D'autres lui donneront en suite l'occasion de démontrer son talent, à travers l'écriture de sketchs. Mais Mahieddine Bachetarzi est toujours opposé à le voir sur les planches. Au début des années 1950, il fait partie de la troupe l'Art algérien, d'obédience nationaliste MTLD. Mais Rouiched ne gagne pas sa vie du théâtre, il vivote. Durant la Révolution, il est agent de liaison du FLN et s'en sort grâce à sa personnalité. Mais il fera deux ans de prison à Barberousse pour «atteinte à la sûreté de l'Etat et association de malfaiteurs», pour avoir abrité chez lui aux Deux Moulins le militant Ahmed Bouzrina. Il sort de prison malade et désœuvré. Son ami Benyoussef Hattab l'aide à obtenir une émission hebdomadaire à la RTF « Achrab oua h'rab» (Bois et sauve-toi). En parallèle, il décroche des rôles de cinéma. Son émission commence à déranger et on lui signifie qu'il doit changer de ton et de titre. Elle devient « Kawar wa aati elawar », tout aussi suggestive. Après l'indépendance, il fait partie de la troupe du TNA et écrit en 1964, Hassan Terro (Hassan le terroriste), sa plus grande pièce de théâtre. Le succès est si grand qu'elle sera portée au grand écran par Mohamed Lakhdar Hamina. Il joue également dans l'Opium et le bâton d'Ahmed Rachedi, puis devient auteur et metteur en scène avec « El Ghoula ». Son prochain sujet lui tombe dessus par hasard, alors qu'il est bloqué et contraint de rouler derrière un camion d'éboueurs, El Bouaboun (Les concierges) qui fera la tournée de tout le pays et obtient un prix à Monastir. En 1972, Rouiched quitte le TNA, se sentant atteint dans ses libertés créatrices, et retourne à la RTA, mais la vie ne lui sourit toujours pas. Notamment d'un point de vu personnel.En 1977, alors qu'il est réengagé au TNA, il écrit Ah ya Hassan qui deviendra Hassan taxi. Le succès est de retour pour Rouiched. Il poursuit sa carrière jusqu'à sa retraite en 1990, trois ans après le décès de son fils âgé de 13 ans, dont il ne se remettra jamais. En 1993, en rencontrant son ancien compagnon de prison, Rachid Sahnine, il décide de lui confier l'écriture de ses Mémoires. Et le goût du travail lui revient. Il écrit plusieurs scénarios : Hassan à Paris, Hassan nya... Ses rôles au cinéma restent, à ce jour, mémorables. Rouiched, le monstre sacré des planches a eu une vie difficile, mais il a toujours su prendre les choses avec humour. A la fin de ses Mémoires, on peut lire une phrase triste, mais pleine de philosophie : «si j'ai été un artiste qui a essayé de faire rire son monde, ma vie a été un jeu où la chance ne fut pas un hasard».