Une immersion dans un style de diwan atypique, propre à la région du M'zab a été proposée au public de Béchar dans la soirée de dimanche par la troupe «Dendoun Sidi Blel» de Ghardaïa lors d'un concert qui a réuni la majorité des déclinaisons du diwan algérien. Se produisant dans le cadre de la compétition du 10e Festival national de musique diwan qui se tient à Béchar depuis vendredi, «Dendoun Sidi Blel» ont, d'entrée, conquis le public par un première partie de spectacle rythmée uniquement par le tbel, appelé dendoun dans la région, et les karkabou. Beaucoup de mouvements et une chorégraphie bien maîtrisée ont également caractérisé cette première partie de la prestation du groupe qui a occupé la scène de manière optimale devant un public nombreux à avoir fait le déplacement en cette troisième soirée du festival. Au niveau musical, cette troupe fondée en 1993, a présenté une manière particulière de jouer le diwan en se basant sur les mêmes textes que les autres praticiens mais avec une rythmique monotone et une manière de chanter qui évoque les chorales de l'Ahellil du Gourara, ainsi qu'une voix puissante du koyo bongo de la troupe qui dominait même les instruments. Dans un registre plus conventionnel, les jeunes de «Diwan Essarab» de Tindouf, qui prennent part pour la première fois à ce festival, ont présenté le fruit d'un apprentissage rigoureux puisque la tradition du diwan n'a jamais existé dans la région. Jouant à la manière «triq cherguia» de Béchar, ces jeunes musiciens ont brillé par la justesse du jeu au goumbri, un chant harmonieux et une riche dynamique de groupe sur scène. La région de Tindouf a connu l'émergence du diwan depuis 2010 grâce à Maâllem Smail, un musicien autodidacte et passionné de ce genre qui s'est attelé à organiser de petites manifestations locales avant de remporter un prix à Béchar lors de la précédente édition et de se consacrer à la formation de jeunes talents. Dans la pure tradition des diwan de l'Oranie, la formation «Ahl Diwan» de Mohammadia (Mascara), une confrérie très respectée dans le diwan des wâadate, a présenté un programme modeste sur scène malgré leur grande maîtrise dans les espaces rituels. Pour le public Béchari, le clou de la soirée aura été la montée sur scène de la troupe de ghiwane «Essed Essghira» de Kenadsa qui ont remplacé dans la programmation la diva du diwan Hasna El Becharia qui a annulé sa prestation pour des raisons de santé. Très appréciée par le public de la région de la Saoura, cette jeune formation s'inspire franchement du groupe «Essed», considéré comme le groupe le plus populaire de la région s'inspirant du ghiwane marocain et du groupe «Lemchaheb». Reprenant les succès de leur mentor, «Essed Essghira» ont installé une ambiance festive, rythmée par la mandole électrique et le goumbri, qui a retenu le public, tous âges confondus, jusqu'à une heure très tardive de la nuit. Le 10e Festival national de musique diwan s'est poursuivi jusqu'à hier, mardi 6 septembre avec au programme cinq troupes en compétition et la participation de «Nora Gnawa» et des «Jaristes». Le rôle de la société dans la sauvegarde de l'imzad, thème d'une conférence Dans la matinée de cette journée du dimanche, une conférence a été animée par l'universitaire Farida Sellal, présidente de l'association «Sauver l'Imzad» autour du rôle de la société civile dans la préservation et la sauvegarde du patrimoine immatérial. Invitée du 10e Festival national de musique diwan, Farida Sellal proposait une conférence intitulée «L'Imzad, histoire d'un parcours» sur le processus ayant conduit au classement en 2013 de cet instrument traditionnel touareg au patrimoine mondial de l'humanité. L'universitaire qui présentait l'expérience de son organisation aux praticiens et associations culturelles du diwan a, durant cette conference, insisté sur l'importance du classement de ce legs comme patrimoine culturel national. Elle a, dans ce sens, préconisé l'établissement d'un «diagnostic» de la situation du diwan afin d'en recenser les détenteurs et la mise en place d'un projet de formation et de transmission autour duquel les associations devront se réunir en une seule organisation, comme cela avait été fait pour l'Imzad avec la création d'une école d'apprentissage pour les joueuses de cet instrument. Expliquant les différentes étapes de création de son association en 2003 et par la suite de «Dar l'Imzad», Farida Sellal a proposé aux adeptes du diwan de «commencer à travailler» pour la création de «Dar Diwan» réunissant les associations culturelles dédiées à ce genre, un projet déjà proposé par les participants au festival en 2013 et resté sans suite. Présentant les différents projets portés par l'association «Sauver l'Imzad» et qui ont conduit au classement de cet instrument au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco en 2013, dont la construction de «Dar l'Imzad»ou l'organisation du 1er colloque international d'Imzad en 2005, l'universitaire a proposé plusieurs pistes de réflexion à la société civile pour sauvegarder le diwan et trouver des financements et un encadrement scientifique. Après le classement de l'Imzad par l'Unesco, l'association a également relancé les activités artisanales en plus de l'ouverture d'une bibliothèque, de salles de répétition et d'un studio d'enregistrement qui a permis à l'association d'encadrer 11 groupes de musiques contemporaines de la région. Inauguré vendredi, le 10e Festival national de musique diwan a pris fin hier. Etaient au programme de cette journée de clôture des conférences avec les interventions de la chercheur Kamélia Berkani qui a abordé la musique comme facteur de développement, et de journalistes et praticiens du diwan qui ont animé des conférences sur le thème «musique, culture et développement».