Les manifestations se sont poursuivies hier soir dans plusieurs villes marocaines notamment à Al Hoceima, où des citoyens émus par les circonstances effroyables de la mort tragique du poissonnier Mouhcine Fikri, ont appelé à des rassemblements un peu partout dans le royaume aujourd'hui pour réclamer justice et réparation. Des dizaines de milliers de personnes avaient défilé à Al Hoceima, nord du Maroc, mais aussi dans les principales villes du Maroc, dont Casablanca, la capitale Rabat, Fès, Marrakech et Agadir. Une semaine après la mort atroce du vendeur de poissons originaire du Rif, nord du Maroc, broyé par la benne d'un camion-benne, la colère est toujours vive au Maroc. Un geste de désespoir, une mort atroce Mouhcine Fikri tentait, dans «un geste de désespoir», de récupérer le stock d'espadons que venait de lui confisquer des officiers de police. Dans une scène horrible capturée par un passant sur son téléphone portable, la vidéo montre «les fonctionnaires donnant l'ordre d'activer le compacteur à déchets quand Fikri tente d'en sortir», rapportaient des médias vendredi. Des images et des vidéos, avec la tête de Fikri et son bras dépassant du compacteur, ont rapidement circulé sur Internet, et des manifestations de masse ont éclaté à travers le Maroc dimanche, le jour des funérailles de Fikri. Les manifestants d'Al Hoceima ont défilé avec des slogans dont «Mouhcine est un martyr» et «A bas le Makhzen». Beaucoup d'entre eux scandaient des slogans contre la corruption et la prévarication. Beaucoup de slogans sont en rifain. Des manifestants ont choisi aussi de défiler avec des bougies, pour rendre hommage à la mémoire de Mouhcine Fikri. Le «Makhzen» face à une colère sociale Cependant, les manifestations se sont répandues bien au-delà de la région du Rif et se sont transformées en colère sociale contre les conditions de vie au Maroc et d'opposition politique au Makhzen. Des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les grandes villes du pays, exprimant leur opposition à la «hogra», c'est-à-dire l'impunité avec laquelle la monarchie et les autorités oppriment les citoyens. L'ancienne présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), Khadija Ryadi, a soutenu que les Marocains qui ont manifesté un peu partout dans le pays pour protester contre la mort tragique de Mouhcine, se sont identifiés à ce vendeur de poisson broyé par le mécanisme d'un camion-benne. «L'image de ce citoyen broyé par la pelle de la benne d'un camion est choquante et dramatique, mais aussi très significative. La relation de l'Etat (le pouvoir) avec le citoyen est perçue comme cette image», explique-t-elle, citée par des médias mercredi dernier. La militante a d'ailleurs pu observer l'«évolution des mobilisations depuis 2011.» Selon elle, la tragédie illustre le «grand malaise de la société» qui n'en est pas à son premier événement déclenchant la révolte. Selon elle, l'AMDH, de par «son ancrage national et son ouverture aux organisations internationales, reste la seule association à même de mobiliser.»