Les avocates des militants sahraouis, jugés par la Cour d'appel de Rabat, ont dénoncé jeudi à Paris la justice marocaine qui a été instrumentalisée pour régler des comptes politiques, après six mois d'audience marqués par l'absence de preuves. La justice est instrumentalisée pour régler des comptes politiques entre Etats et avec le Front Polisario, ont affirmé les deux avocates Ingrid Metton et Olfa Ouled, toutes deux expulsées violemment du Maroc, dans une conférence de presse à l'occasion de la publication d'un rapport d'observations de la défense sur le procès de Gdeim Izik devant la Cour d'appel de Rabat. Le rapport sera envoyé au président français Emmanuel Macron, au ministère des Affaires étrangères, aux ambassades, aux institutions internationales et aux ONG. En l'absence de preuve pour condamner les militants sahraouis pour des faits de violence commis sur les agents des forces publiques, entraînant la mort avec intention de la donner, d' association de malfaiteurs dans le but de commettre un crime et de profanation de cadavres, les parties civiles ont demandé à la Cour d'appel de requalifier les faits en atteinte à la sûreté de l'Etat. Les deux avocates ont estimé que la tentative de requalification vise à présenter les accusés comme des terroristes ou des fomenteurs d'un état de guerre par des forces extérieures, soulignant que les réquisitoires du procureur, qui a demandé la même peine pour tous les accusés, montrent une volonté de punition collective des accusés pour leur engagement. Les deux avocates ont évoqué la présentation de nouveaux éléments de preuve qui ne sont pas crédibles, citant des autopsies inopérantes qui font état de simples rapports de défunts, impossible de déterminer les causes de la mort et l'absence de toute analyse scientifique des pièces à conviction. Par les 28 nouveaux témoins convoqués par l'accusation, beaucoup n'ont fait état que de violences généralisées et aucun n'a été en capacité d'identifier les accusés , ont-elles ajouté, relevant que les écoutes téléphoniques présentées dans le dossier par l'accusation n'ont aucun lien avec les faits, de même pour le montage à charge d'un film, déjà présenté au tribunal militaire, ne permet d'identifier ni l'un des accusés ni les victimes. Durant le procès, les accusés ont été interrogés sur des procès-verbaux qu'ils affirment avoir signé sous la torture, mais la Cour d'appel a refusé de prendre en considération la décision du Comité de l'Onu contre la torture. La décision du Comité de l'Onu contre la torture, rappelle-t-on, a condamné le Maroc pour de multiples violations de la Convention contre la torture : torture pendant l'arrestation, l'interrogatoire et la détention du militant sahraoui Naâma Asfari, absence d'enquête sur les allégations de torture répétées, violation de l'obligation de garantir le droit de porter plainte à travers des représailles contre la victime et l'un de ses avocats, violation de l'obligation d'indemnisation et réparation, prise en compte d'aveux signés sous la torture et mauvais traitements en détention. En dépit de cela, la Cour d'appel a refusé de faire droit aux multiples demandes de la défense d'exclure ces procès-verbaux de la procédure, ont-elles déploré, faisant observer que les expertises médicales présentées par la cour sur la torture des accusés sont tronquées. Quatre experts internationaux mandatés pour réaliser des contre-expertises attestent que les expertises marocaines ne sont pas crédibles et, au contraire, que les allégations des accusés le sont , ont-elles indiqué, rappelant par ailleurs que les avocats de la défense ont été sans cesse interrompus, voire insultés. Elles ont exprimé, après six mois d'audience, leur crainte de voir la Cour d'appel de Rabat prononcer de lourdes peines pour des faits toujours indéterminés.