Quelque 350 000 personnes ont, selon la police espagnole, participé hier à la première grande manifestation à Barcelone contre l'indépendance de la Catalogne depuis le début de la crise entre les séparatistes et Madrid. Plus tôt, les organisateurs avaient revendiqué 930 à 950 000 participants à cette manifestation organisée, alors que le gouvernement indépendantiste catalan menace de proclamer unilatéralement l'indépendance de cette région du nord-est de l'Espagne. C'était aussi la première grande manifestation anti-indépendantiste à Barcelone depuis le début de la crise, avec pour mot d'ordre «ça suffit ! Retrouvons la sagesse ! » «La démocratie espagnole est là pour rester et aucune conjuration indépendantiste ne la détruira», a lancé à la foule le prix Nobel de littérature, Mario Vargas Llosa, qui a les nationalités espagnole et péruvienne. Les manifestants, arborant aussi des drapeaux catalans ou européens, se voient comme la «majorité silencieuse» qui n'a pas eu voix au chapitre depuis que les autorités indépendantistes ont organisé le scrutin, le 1er octobre. Estimant avoir remporté le référendum avec 90% de «oui» à l'indépendance, les séparatistes envisagent de faire sécession dans les jours qui viennent. Car, selon les sondages, si la majorité des Catalans réclament un référendum en bonne et due forme, un peu plus de la moitié sont opposés à l'indépendance de leur région. Pour l'heure, l'impasse est totale entre le chef du gouvernement conservateur, Mariano Rajoy, et les autorités séparatistes. Le leader catalan, Carles Puigdemont, réclame une «médiation internationale». Mais Mariano Rajoy n'envisage pas de dialogue, tant que les séparatistes n'auront pas retiré leur menace de rupture. «On ne peut rien construire, si la menace contre l'unité nationale ne disparaît pas», a déclaré hier M. Rajoy à El Pais. A l'occasion, il a brandi la menace d'une suspension de l'autonomie de la région, une mesure jamais appliquée dans cette monarchie parlementaire extrêmement décentralisée, qui pourrait aussi provoquer des troubles en Catalogne. «Je n'écarte rien», a-t-il dit au journal qui l'a interrogé sur l'application de l'article 155 de la Constitution permettant cette suspension. De nombreuses personnes venaient diverses régions d'Espagne, y compris de Madrid, où deux manifestations avaient déjà rassemblé, samedi, des dizaines de milliers d'Espagnols, l'une pour «l'unité» de l'Espagne, l'autre pour le «dialogue» entre les Catalans et le reste du pays. Des manifestations contre l'indépendance de la Catalogne ont aussi eu lieu dans plusieurs capitales européennes. L'appel au dialogue coïncide avec le départ de plusieurs grandes entreprises catalanes, qui pourrait aussi semer le doute chez certains nationalistes conservateurs dont elles sont proches. Une quinzaine de sociétés, dont les banques CaixaBank et Banco de Sabadell et le groupe de gestion d'eau Agbar, filiale du français Suez Environnement, ont décidé depuis jeudi dernier de transférer leurs sièges sociaux hors de la Catalogne, qui représente 19% du PIB espagnol. Et le groupe autoroutier Abertis pourrait leur emboîter le pas. Les entreprises basées en Catalogne «sont très inquiètes, terriblement inquiètes. Jamais nous n'aurions cru qu'on en arriverait à ce point», déclarait au quotidien conservateur ABC, Juan Rosell, président de la CEOE, principale organisation patronale espagnole.