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Face au nouveau pouvoir économique mondial, pour une vision stratégique de la transition énergétique en Algérie
Publié dans La Nouvelle République le 11 - 11 - 2017

Cette présente analyse, aborde le volet stratégique de la nécessaire transition énergétique pour l'Algérie. Loin de l'euphorie de l'accord de Paris, la 23e conférence climat de l'ONU (Cop23). Ses signataires se réunissent à nouveau à Bonn, en Allemagne, du 6 au 17 novembre 2017 avec selon l'ONU trois objectifs. Premièrement, faire avancer les négociations sur l'accord de Paris ratifié en décembre 2015, par 168 pays et même tout juste signé par le Nicaragua longtemps seul Etat réticent. L'accord de Paris stipule une maîtrise du réchauffement mondial sous 2°C voire 1,5°C, par rapport au niveau d'avant la révolution industrielle, sans toutefois fixer d'objectif contraignant par pays.
Les Africains payent 2 fois plus chère l'électricité que les européens. C'est toujours plus intéressant d'avoir de l'électricité à bon marché. Mais le développement industriel exige de grandes puissances et surtout de la chaleur. Certes le photovoltaïque est certes plus adapté pour des petites installations hors réseau et pour certains pays africains mais une production industrielle nécessiterait de la combiner avec le thermique. En effet, il est nécessaire, d'avoir une approche stratégique du développement des énergies renouvelables. Il faut cibler en priorité les projets qui concourent le plus à l'atteinte des objectifs, sans avoir une position tranchée entre le photovoltaïque et le thermique. Les tours solaires en Espagne ont fait leurs preuves depuis plusieurs années. Il s'agit de cerner les paramètres d'évaluation des différentes technologies. Avec la GTZ (Allemagne) la décomposition de la chaîne de valeur par composant et par coût a permis de se fixer un taux d'intégration réaliste de 70% pour le solaire thermique.
Les industriels du solaire thermique convergent avec ce taux, tout en s'accordant aussi avec le niveau d'exportation d'électricité vers l'Europe. En effet l'Europe aura besoin d'importer 15% de ses besoins en 2030, soit l'équivalent de 24 GW électrique ou l'équivalent de 50 milliards de M3 de gaz par an. Des études internationales récentes ont défini les conditionnalités : -un cadre politique stable, un marché local durable de la taille de 250 MW /an et un marché ouvert entre les pays du Maghreb. Les technologies retenues doivent correspondre aux potentiels les plus importants à valoriser à savoir permettre un taux d'intégration, la plus grande création d'emplois, offrant la meilleure adéquation avec le marché de l'électricité et enfin , le plus important les technologies offrant le plus grand potentiel de réduction de coûts allant même jusqu'à la compétitivité avec les énergies fossiles.
3..-Qu'en est-il pour l'Algérie où la sécurité nationale est posée ? L'Algérie en ce mois de novembre 2017 contrairement aux discours de sinistrose dévastateurs tant auprès de l'opinion publique nationale qu'internationale, ne connait pas encore de crise financière, mais une crise de gouvernance. Le risque sans correction de l'actuelle politique économique et notamment industrielle dont le résultat est mitigé ces dernières années contrairement à certains discours démentis par le terrain est d'aller droit vers le FMI à l'horizon 2019-2020 ou cohabiteront crise financière et crise de gouvernance. Le défi principal donc de l'Algérie entre 2017-2030 sera la maîtrise du temps.
C'est dans ce cadre que doit être mis en œuvre le Programme national de développement des énergies renouvelables en Algérie. L'Algérie dispose d'un des gisements solaires les plus importants au monde. L'ensoleillement annuel y est de plus de 3 500 heures. Le plan quinquennal 2015-2019 actuellement en vigueur vise à intensifier la production nationale et à réduire la dépendance de l'économie algérienne aux hydrocarbures. En effet, alors que l'Algérie dispose d'un potentiel solaire extrêmement important, elle a longtemps privilégié l'exploitation de ses hydrocarbures.
Le gouvernement cherche désormais à mieux exploiter ses ressources naturelles. Le programme national de développement des énergies adopté en 2011 et révisé en 2015 prévoit, à l'horizon 2030 une production de 22 000 mégawatts d'électricité de sources renouvelables, destinée au marché intérieur, en plus de 10 000 mégawatts (MW) supplémentaires à exporter.
L'objectif est de réduire de plus de 9% la consommation d'énergie fossile à l'horizon 2030 et d'économiser 240 milliards m3 de gaz naturel, soit 63 milliards de dollars sur 20 ans. Ainsi, environ 400 MW ont été réalisés à partir d'énergies renouvelables à travers la centrale électrique hybride de Hassi R'mel (100 MW) et la centrale solaire pilote de Ghardaïa (1,1 MW), auxquelles s'ajoutent 22 stations électriques solaires d'une capacité de 343 MW à travers 14 wilayas, dont 270 MW qui sont déjà en service. Un appel d'offres national et international est prévu pour la production de 4 000 MW d'électricité à partir de sources renouvelables avec un cahier des charges obligeant les investisseurs nationaux et étrangers de produire et d'assurer le montage local des équipements industriels de production et de distribution des énergies renouvelables, notamment les panneaux photovoltaïques.
Selon des déclarations officielles de responsables du secteur courant 2016 reprises par l'APS (donc avant le nouveau découpage gouvernemental), Sonatrach devait lancer des avis d'appel d'offres où trente-quatre entreprises étrangères sont en course pour la réalisation d'un parc solaire en Algérie de 10 MW à Bir Rebaa Nord, dans l'Est de l'Algérie. Il est cependant nécessaire pour réaliser ce programme, qui dégagera 300 000 postes directs d'emploi, de procéder à des investissements à hauteur de plus de 100 milliards de dollars entre 2018/ 2030.
Outre une nouvelle politique des prix, Sonatrach ne pouvant assurer à elle seule cet important investissement, il y a lieu de mettre en place une industrie nationale dans le cadre d'un partenariat public-privé national/international. Celle-ci doit comprendre tous les éléments de la chaîne de valeur renouvelable, dont l'ingénierie, l'équipement et la construction afin d'accroître le rythme de mise en œuvre, des études sur la connexion de ces sites aux réseaux électriques. Ce sont des choix stratégiques pour assurer la sécurité énergétique du pays et assurer la transition énergétique qui se fera progressivement, car il est incontestable que les gisements fossilifères du pays commencent à se tarir alors que la consommation énergétique nationale est en croissance importante et va continuer de l'être.
En effet, l'Algérie à travers des subventions généralisées et mal ciblées est l'un des modèles les plus énergétivores en Afrique et en Méditerranée, avec un taux de croissance qui a atteint ou même dépassé les 14% par an pour l'électricité. Les prévisions de la CREG annoncent des besoins internes entre 42 (minimum) et 55 (maximum) milliards de m3 de gaz naturel en 2019, alors que Sonelgaz prévoit, quant à elle, 75 milliards de m3 en 2030. Selon le bilan énergétique 2015, publié par le secteur, la répartition de la consommation d'énergie primaire est la suivante: production totale : 155 millions TEP, dont 63% exportés et 37% consommés sur le marché intérieur (y compris pour la génération électrique).
Quant à la consommation des ménages et autres, elle aurait atteint 16,5%, la consommation des transports 13% et la consommation de l'industrie & BTP 7,5%. En Algérie, il existe un véritable paradoxe : la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif, idem pour les carburants et l'eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe montrant le dépérissement du tissu industriel, soit moins de 6,1% du produit intérieur brut selon l'ONS en 2016.
Aussi, des actions coordonnées doivent être mises en place dans le cadre d'une vision stratégique de développement tenant compte des nouvelles mutations mondiales. Parallèlement, il s'agira d'améliorer l'efficacité énergétique par une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur (environ un dixième du prix) occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales. C'est la plus grande réserve pour l'Algérie, ce qui implique une révision des politiques de l'habitat, du transport et une sensibilisation de la population devant revoir la politique des prix. L'on doit durant une période transitoire ne pas pénaliser les couches les plus défavorisées, la politique de l'Algérienne des Eaux étant intéressante à étudier.
A cet effet, une réflexion doit être engagée pour la création d'une chambre nationale de compensation, que toute subvention devra avoir l'aval du parlement pour plus de transparence. Une chambre devant réaliser un système de péréquation, tant interrégionale que socioprofessionnelle, segmentant les activités afin d'encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant une nouvelle politique salariale.
En résumé, Il s'agit donc de bien cerner les véritables acteurs et d'avoir une vision stratégique reposant non sur l'utopie mais le réalisme ne devant jamais croire que de lois et des changements d'organisations résoudront les problèmes. Sans vision stratégique de la transition, une politique de formation adaptée, une révision de la politique des prix et des subventions en Algérie, l'investissement notamment privé local ou international dans les énergies renouvelables n'est pas rentable.
Par ailleurs, évitons toute vision linéaire du modèle de consommation énergétique et faisons confiance au génie humain. Le passage de l'ère du charbon à celle des hydrocarbures bien que les réserves de charbon sont évaluées à plus de 200 ans, ce n'est pas parce qu'il n'y avait plus de charbon, et demain d'autres sources d'énergie. Cela est dû aux nouveaux procédés technologiques qui produisent à grande échelle et qui ont permis de réduire les coûts, ce que les économistes appellent les économies d'échelle influant d'ailleurs sur la recomposition du pouvoir économique mondial et donc sur les gouvernances locales et mondiales.
Pour l'Algérie, c'est la problématique de sa sécurité énergétique qui est posée, avec l'urgence d'une transition énergétique raisonnable et maîtrisée s'insérant dans le cadre global d'une transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. Cela suppose un large débat national sur le futur modèle de consommation énergétique et de lever toutes les contraintes bureaucratiques d'environnement qui freinent l'expansion de l'entreprise créatrice de valeur ajoutée et son fondement l'économie de la connaissance.
Voilà pourquoi il va falloir en urgence, d'une part, revoir le mode actuel de consommation énergétique et, d'autre part, exploiter toutes les formes d'énergie et en particulier les énergies renouvelables qui demeurent une alternative incontournable pour les besoins internes en énergie avec les autres sources d‘énergie classiques.
(Suite et fin)


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