C'est la première fois qu'un architecte indien gagne le prix « Nobel » des architectes, le prix Pritzker de l'architecture 2018, annoncé le 7 mars. L'heureux lauréat, fils spirituel de l'architecte Le Corbusier, a fêté son 90e anniversaire en août dernier et est admiré surtout pour ses constructions de logements sociaux modifiables, respectant l'environnement et la culture indienne. Quand l'Inde a fêté son indépendance en 1947, Balkrishna Doshi a 20 ans et commence ses études d'architecture à l'école d'architectures Sir JJ de Bombay, avant de poursuivre sa formation à Londres et à Paris, chez l'architecte franco-suisse Le Corbusier. Après son travail à l'agence de Le Corbusier à Paris, entre 1951 et 1954, il devient l'architecte exécutif de l'architecte franco-suisse qui était en train de concevoir une toute nouvelle ville en Inde, à Chandigarh, la capitale de l'Etat indien Pendjab. Jusqu'à 1959, il est aussi son représentant à Ahmedabad, dans l'Etat indien du Gujarat, la ville où est jusqu'à aujourd'hui implantée son agence Vastu Shilpa et où ont fleuri beaucoup de ces projets : l'Institut indien de gestion, l'Institut d'indologie, le Centre de planification et de technologie environnementales, la Life Insurance Corporation. Balkrishna Doshi dédie son prix à son «gourou» Le Corbusier L'héritage du Corbusier est resté longtemps indéniable et a suscité beaucoup d'admiration, mais aussi un certain refus auprès de ceux qui ont le sentiment d'une certaine brutalité architecturale à l'œuvre dans l'architecture du béton du Corbusier. Le mérite de Doshi consiste justement à avoir adapté le style de son «gourou» Le Corbusier au climat et à la culture indienne pour le transformer en un style propre, plus organique, avec des lignes plus poétiques, bon marché et donc au service des pauvres de son pays. Dès 1955, il a créé sa propre fondation, très tournée vers des questions environnementales. D'où les félicitations du jury du prix Pritzker au « caractère exceptionnel de son architecture, dont rendent compte plus d'une centaine de bâtiments qu'il a réalisés, à son engagement et son dévouement envers son pays et les communautés qu'il a servies, ainsi qu'à son influence en tant qu'enseignant». La cité-labyrinthe adaptable d'Aranya Grand pédagogue qui a aussi enseigné aux Etats-Unis (MIT, Houston, Pennsylvanie), Balkrishna Doshi n'a jamais arrêté de transmettre son savoir aux jeunes générations et sa petite fille Khushnu Panthaki Hoof est à son tour devenue architecte. Célèbre en Inde, reconnu aux Etats-Unis, Doshi est resté pratiquement inconnu en Europe. Grâce au prix Pritzker, il sera dorénavant aussi présent dans les têtes occidentales. On n'hésitera plus à admirer et étudier ce qui est considéré comme son chef d'œuvre, couronné du prix Aga-Khan d'architecture au début des années 1990 : les habitations à loyer modéré d'Aranya, achevées en 1989 et situées dans l'Etat de Madhya Pradesh. Un projet géant, étalé sur 85 hectares, où il a réussi à recréer l'esprit des villages indiens avec 6 500 maisons d'un étage au plus et une cité-labyrinthe hébergeant 80 000 personnes.La cérémonie de remise du prix Pritzker aura lieu le 16 mai au musée Aga Khan de Toronto, au Canada.